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Des réformes à venir sur la recherche biomédicale ! Par David Simhon, Avocat.
Parution : lundi 6 juillet 2015
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L’actuel projet de loi de santé intègre plusieurs réformes qui impacteront directement les professionnels et organismes impliqués dans la recherche biomédicale (RBM).

I/ La future loi habilitera le Gouvernement à légiférer sur le droit relatif à la recherche biomédicale par voie d’ordonnance.

En d’autres termes, le Gouvernement prépare toute la loi (ordonnance), le Parlement se contente de la ratifier « tel quel ». Il n’y aura pas de discussions parlementaires.

Le projet d’ordonnance est d’ores et déjà prêt au niveau du ministère de la santé. La DGS (Direction générale de la Santé) consulte, mais les grands arbitrages sont tous déjà décidés.

On retombe, bon an mal an, sur ce qu’avait prévu en son temps la loi Jardé, avec quelques adaptations.

Pêle-mêle, les grandes lignes de la réforme sont les suivantes :

1/ Coexisteront : d’une part, le règlement européen sur les essais cliniques de médicaments, qui encadrera les RBM sur les médicaments et qui ne sera pas intégré dans le Code de la santé publique (CSP) ; d’autre part, le CSP pour toutes les recherches hors médicaments (recherches sur les DM (dispositifs médicaux), HPS, cosmétiques etc.).

2/ Pour les médicaments, les dossiers de demande d’autorisation d’un essai clinique sont dorénavant composés de deux parties. La première sera technico-scientifique. Elle sera analysée par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) exclusivement.

La seconde, éthique, reviendra aux CPP (Comité de protection des personnes). Pour ces études cliniques, les CPP sont donc dépossédés de leur compétence sur la méthodologie / le bien-fondé scientifique de la recherche…

3/ Le tirage au sort des CPP revient… Le promoteur n’aura plus le libre choix de son Comité.

Si le projet d’ordonnance a retiré à la future Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine la compétence de la désignation des CPP, c’est totalement voulu et assumé.

Une telle commission n’a certainement pas vocation à se réunir tous les jours pour procéder à un tirage au sort...

Le Ministère préfère donc renvoyer à un arrêté, lequel fixera les règles du jeu avec plus de souplesse (il est très simple de modifier un tel texte). On peut imaginer que ce sera le secrétariat de la Commission qui se chargera du tirage au sort.

Il faut se rappeler que le texte issu du la loi Jardé (qui prévoyait donc cette compétence) avait été adopté par le Sénat en pleine affaire Médiator. Certains avaient voulu "verrouiller" le système à outrance.

4/ Toutes les recherches non interventionnelles – qui jusqu’à présent ne nécessitaient aucune autorisation réglementaire – seront de la compétence des CPP. Ce, y compris, les recherches en sciences sociales et humaines. Seules devraient y échapper les recherches purement rétrospectives.

II/ En préparation également, une grande réforme sur les données de santé (article 47 du projet de loi santé), avec (notamment) la disparition programmée du Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS)

La CNIL autorisera toujours le traitement des données à caractère personnel ayant une finalité d’intérêt : dans le domaine de la recherche, d’étude ou d’évaluation en santé.

Cependant, il rendra sa décision après avis :

III/ En dernier point, l’article 37 de la loi santé prévoit l’applicabilité obligatoire du contrat unique (!) pour tous les établissements de santé, sans distinction entre privé et public.

Pour rappel, ce contrat à vocation à régir l’ensemble des relations entre un établissement de santé centre investigateur et un promoteur, notamment les surcoûts hospitaliers induits par la recherche.

Le choc de simplification voulu par le Gouvernement sur la RBM est-il au rendez-vous ?

Il faut reconnaître que tout est fait pour réduire les délais réglementaires et de contractualisation. Pour autant, certains arbitrages sont contestables (retrait de la compétence méthodologique pour les CPP), voire potentiellement contreproductifs.

Par exemple et théoriquement, le contrat unique entraînera l’impossibilité de rémunérer directement ou indirectement les investigateurs, y compris dans le privé. Accepteront-ils une charge de travail supplémentaire pour le seul amour de la science ?

L’ambition affichée est de renforcer l’attractivité de la France pour les études cliniques. Qui vivet videbit…

David Simhon Avocat au Barreau de Paris Avocat spécialiste en droit de la santé Associé du Cabinet Galien Affaires www.galienaffaires.fr