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L’impact du logo pour différencier deux marques, suite. Par Lena Vavasseur, Juriste PI et Diégo Luque.
Parution : lundi 6 juillet 2015
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Dans un précédent article nous évoquions l’impact du logo et des éléments figuratifs dans l’appréciation du risque de confusion pour différencier deux marques.
Si les éléments figuratifs (logo, typographie,…) d’une marque peuvent permettre d’éloigner un nouveau projet des antériorités existantes, prenons garde à ce que ces ajouts graphiques n’aient pas pour conséquences de rapprocher malencontreusement les signes, créant ainsi un risque de confusion.

Dans deux affaires parallèles opposant la marque antérieure semi-figurative SO.MOB à la demande de marque verbale SOMOBILIA d’une part et d’autre part à la demande de marque semi-figurative SOMOBILIA, l’INPI a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion entre la marque SOMOBILIA sous sa forme verbale et marque antérieure tandis qu’il a refusé l’enregistrement de la marque semi-figurative en raison de l’existence d’un risque de confusion.

En effet, l’INPI a considéré que la demande de marque semi-figurative se rapprochait de la marque antérieure en ce qu’elle mettait en exergue et isolait le terme SO, en caractères gras dans la demande de marque. L’ajout d’éléments graphiques est alors susceptible de créer un risque de confusion qui n’était pas constaté entre la marque antérieure et la demande verbale SOMOBILIA.

Ainsi, en l’espèce, la demande de marque sous sa forme semi-figurative serait plus encline à créer un risque de confusion dans l’esprit du public que sous sa forme purement verbale.

Qu’en est-il de la jurisprudence de l’INPI sur l’impact des éléments figuratifs en 2014 ?

Il semblerait que la jurisprudence reste constante en 2014 en la matière. Aussi, nous avons pu identifier des situations dans lesquelles les éléments graphiques ont un impact et viennent renforcer l’absence de risque de confusion en particulier lorsque le signe est composé d’un terme faiblement distinctif, d’un terme court ou d’un sigle ou encore lorsqu’un dessin ou un logo permet d’illustrer un des termes du signe.

Les marques composées d’un terme faiblement distinctif.
Dans le sillage de la jurisprudence communautaire, l’appréciation des signes en conflit par l’INPI est faite globalement. Cette analyse prend en compte notamment l’aspect visuel, phonétique et conceptuel des marques. Or lorsqu’une marque semi-figurative dont l’élément graphique est associé à une partie verbale faiblement distinctive, l’INPI tend à écarter l’élément verbal de son analyse pour se centrer plutôt sur l’élément figuratif.
Dès lors soigner la calligraphie de votre projet de marque ou ajouter un élément graphique sont des astuces qui peuvent permettre d’écarter le risque de confusion.

Ainsi, dans une décision du 22 juillet 2014, opposant la marque antérieure PERLE’ à la demande d’enregistrement de la marque semi-figurative Le perlé l’INPI a considéré que les signes étaient différents.
L’INPI a jugé que le terme PERLÉ était dépourvu de caractère distinctif à l’égard des produits désignés (vins). Pourtant, après avoir procédé à une analyse globale des éléments des signes en conflit, l’Institut a considéré que « la présence, au sein du signe contesté, d’un graphisme particulier (alternance de majuscules et de minuscules, sur des lignes différentes, le tout disposé en diagonale), ainsi que d’éléments figuratifs et de couleurs accentue les différences visuelles entre les deux signes ; la marque antérieure étant dépourvue de tout élément graphique ou figuratif et de couleurs. »

Il est intéressant de remarquer le vocabulaire employé par l’INPI pour s’exprimer sur l’aspect figuratif des lettres qui composent les marques.
En général l’INPI emploie comme synonymes les termes graphisme et calligraphie. Sous ces deux termes, qui évoquent une esthétique de l’écriture, l’INPI analyse la taille, les couleurs ainsi que la forme des caractères. Comme la décision citée le montre, associer ces éléments figuratifs à une marque composée d’un terme faiblement distinctif peut permettre à votre projet de se différencier des marques antérieures composées d’un terme identique ou très similaire, et ainsi valider juridiquement votre marque.

En outre, une décision de l’INPI, en date 14 octobre 2014 opposant la marque antérieure française DISTRILIB’ à la demande d’enregistrement DISTRILOG, statue sur l’absence d’imitation de la marque antérieure. En effet, il est mis en avant que la calligraphie d’un terme et le choix des couleurs créent une physionomie particulière et contribuent à le distinguer d’une marque composée de caractères standards d’imprimerie : « Que le graphisme et les couleurs du signe contesté contribuent encore à différencier visuellement les signes ; Qu’en effet, l’écriture du signe contesté se caractérise par un tracé arrondi et d’épaisseur variable (y compris pour des lettres « bâton » telles que le I, le T ou le L), contrairement à la typographie standard adoptée dans la marque antérieure ».
Cette décision est intéressante car elle explique que la calligraphie et la couleur contribuent à différencier les marques. Ainsi dans un autre paragraphe, l’INPI explique : « la présentation en rouge de la seule lettre d’attaque D du signe contesté met celle-ci individuellement en exergue (et non pas toute la séquence DISTRI, contrairement à ce qu’affirme l’opposante), et ajoute une caractéristique visuelle propre à ce signe. »

Les marques composées de signes courts, sigles ou acronymes.
En général l’INPI donne beaucoup d’importance à la structure du signe quand il s’agit de comparer des marques qui sont composées de sigles ou d’acronymes. La tendance de l’INPI est de considérer que pour les signes courts les éléments graphiques renforcent la distinctivité de la marque et permettent de la distinguer des autres signes. On peut citer comme exemple de cette position la décision de l’INPI rendu le 8 juillet 2014 dans laquelle l’INPI considère que la demande d’enregistrement de la marque verbale HTD ne constitue pas l’imitation de la marque antérieure HSD. En l’espèce, l’INPI a considéré que : « Visuellement, le sigle HTD du signe contesté et l’élément HSD de la marque antérieure, se distinguent par leur lettre centrale, à savoir respectivement les consonnes T et S, dont l’architecture n’est pas comparable (petite barre horizontale placée perpendiculairement à une barre verticale plus longue pour la lettre T, forme sinueuse et très incurvée pour la consonne S), en sorte qu’il en résulte une physionomie d’ensemble distincte ; Que ces différences sont de surcroît accentuées par le fait que, dans la marque antérieure, la lettre S est présentée de façon très stylisée avec une césure centrale et des petits disques sombres insérés dans le creux de chaque courbe, l’ensemble du sigle HSD étant en outre souligné d’un trait noir fin, alors que le sigle HTD du signe contesté est inscrit en simples lettres majuscules d’imprimerie ».

Les marques composées de deux termes d’importance comparable.
L’ajout d’un élément figuratif (ex. un nuage, une maison) peut mettre en exergue un des éléments distinctifs de la marque afin de renforcer son importance au sein du signe. Ainsi, dans une décision du 10 juillet 2014 opposant la marque verbale antérieure SPIRIT au signe semi-figuratif STRATOSPIRIT, l’INPI a constaté l’absence de risque de confusion en décidant que : « contrairement à ce qu’affirme la société opposante, le fait que le terme SPIRIT du signe contesté est présenté en caractères gras ne saurait suffire à lui conférer un caractère prépondérant, d’autant que le terme STRATO qui le précède est porteur d’une forte évocation (à savoir de strato-cumulus ou de stratosphère) et que cette évocation est renforcée par la représentation stylisée d’un nuage, de couleur verte qui entoure les deux éléments verbaux ».

Les marques composées d’un tout indivisible.
Le choix d’une couleur peut également venir renforcer les différences phonétiques et/ou intellectuelles afin de conclure à l’absence de risque de confusion.
Dans une affaire opposant la marque antérieure BLUE ENERGY à la demande d’enregistrement BLUE (en bleu) pour désigner notamment des « batteries et piles » (projet devenu définitif le 25 novembre 2014), le Directeur de l’INPI a décidé que d’un point de vue visuel, la couleur et la calligraphie du signe contesté contribuaient à différencier les signes.
Ainsi, les éléments graphiques contribuent à distinguer les signes, en présence d’autres éléments de différenciation visuels, phonétiques et intellectuels relevés par l’INPI.

Le Tribunal de l’Union Européenne est, quant à lui, allé plus loin en admettant que les éléments figuratifs, en l’espèce la typographie, présentaient un impact aussi important que les éléments verbaux d’un signe lorsque ce signe dispose d’une certaine renommée.

Ainsi, dans une affaire opposant la marque semi-figurative COCA-COLA à la demande MASTER le TUE a jugé le 11 décembre 2014 (T-480/12) que la reprise de la typographie de The Coca-Cola Company au sein de la demande de marque et du même code couleur permettaient d’établir une similarité entre les signes.

Les éléments figuratifs permettent alors d’accroître le champ de protection de la marque.

Aussi, la protection de vos marques sous leur forme figurative telle qu’exploitée présente un intérêt majeur dans la défense de vos droits notamment à l’encontre des actes de parasitisme et ce, en particulier, lorsque les marques tendent à gagner en notoriété.

Lena VAVASSEUR Juriste PI INLEX IP EXPERTISE Diego LUQUE Juriste stagiaire
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