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Cession de fonds de commerce : focus sur les principales règles fiscales. Par Alexandra Six et Dimitiri Lecuyer, Avocats.
Parution : vendredi 17 février 2017
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Le fonds de commerce est généralement défini comme un ensemble de biens mobiliers, corporels et incorporels qu’un commerçant personne physique ou morale affecte à une activité commerciale.

Il comprend généralement :

- les éléments incorporels (biens ou valeurs immatériels) : clientèle, enseigne, nom commercial, droit au bail, contrats de travail, d’assurance et d’édition, enseigne, droits de propriété littéraire, artistique et industrielle (brevets, logiciels, marques, etc.), autorisations administratives (licences par exemple), nom de domaine, marchés en cours...

- le matériel, qui comprend tous les objets mobiliers servant à l’exploitation du fonds. Ces objets doivent donner lieu à un inventaire détaillé et estimatif dans un état en trois exemplaires rédigé sur des imprimés spéciaux fournis par l’administration.

- les marchandises, en principe assujetties à la TVA et exonérées des droits d’enregistrement.
Précisons qu’il n’est pas indispensable que l’ensemble des éléments soit réuni pour constater l’existence d’un fonds de commerce mais qu’il ne peut y avoir de cession de fonds s’il n’y a pas de clientèle.

En revanche, ne sont pas transmis à l’acheteur du fonds (ou cessionnaire) :

- les créances et les dettes, sauf si l’acheteur ne respecte pas certaines obligations et dans le cas de la solidarité fiscale ;
- les contrats en cours (à l’exception des contrats de travail en cours, du contrat de bail, des contrats d’assurance de dommage) ;
- les immeubles ;
- certaines autorisations et agréments : tel par exemple, s’agissant d’une cession de fonds dans lequel est exploitée une activité de restaurant, le droit de terrasse d’un restaurant ou d’un débit de boissons, ou encore, s’agissant des cessions de tabac, jeux à gratter, loto, PMU, les différents agréments douane, Française des jeux, PMU que l’acquéreur s’engage à obtenir en succession du vendeur.

La cession d’un fonds de commerce engendre des conséquences fiscales qui seront, en principe, supportées respectivement par l’acquéreur et le vendeur.

1/ Les conséquences fiscales supportées par le cessionnaire

a) Les droits d’enregistrement

Le droit d’enregistrement et les taxes additionnelles sont appliqués en principe sur le prix de cession convenu entre les Parties ou sur la valeur vénale du fonds si celle-ci est supérieure au prix convenu.

Le taux global est de :

· 0% pour la fraction du prix inférieure à 23.000 euros
· 3,00% pour la fraction du prix comprise entre 23.000 et 200.000 euros
· 5,00% pour la fraction du prix supérieure à 200.000 euros.

Exemple : pour un fonds d’une valeur de 250.000 euros, les droits d’enregistrement s’élèveront à (3,00% x 177 000) + (5,00% x 50 000) = 5.310 + 2.500.

Il est appliqué un abattement global de 300.000 euros sur la valeur du fonds quand l’acquéreur est :
- un salarié titulaire d’un CDI depuis au moins deux ans,
- ou un proche du cédant : conjoint ou partenaire pacsé, ascendants ou descendants en ligne directe, frères ou soeurs.

Sous réserve que l’acquéreur continue l’exploitation du fonds pendant au moins cinq ans.

Sont concernées les cessions globales de fonds de commerce portant sur l’ensemble des éléments corporels et incorporels. La cession isolée d’éléments corporels ou incorporels du fonds de commerce est soumise au droit d’enregistrement propre à cet élément (immeuble, meubles, etc.).

A noter que la cession successive des différents éléments du fonds à un même acheteur peut être assimilée à une cession globale.

Le droit budgétaire sur la fraction du prix comprise entre 23.000 euros et 107.000 euros est réduit à 1% pour les acquisitions réalisées dans les zones de redynamisation urbaine, dans les zones franches urbaines ou dans les zones de revitalisation rurale.

Pour bénéficier du taux réduit, l’acquéreur doit prendre l’engagement de maintenir l’exploitation du bien acquis pendant une période minimale de cinq ans.

b) Solidarité fiscale avec le vendeur pendant une durée déterminée

La solidarité fiscale avec le vendeur a été modifiée par la loi 2016-1691 du 9-12-2016 dite loi Sapin 2.
Cette loi réduit de manière conditionnelle la durée de la solidarité fiscale entre le cédant et le cessionnaire d’un fonds de commerce.

Pour rappel l’ancien dispositif était le suivant :
En vertu de l’article 1684-1 du Code général des Impôts, l’acquéreur d’un fonds de commerce est responsable solidairement avec le vendeur du paiement de l’impôt sur le revenu afférent aux bénéfices réalisés par ce dernier pendant l’année de l’exercice de la cession, ainsi qu’aux bénéfices de l’exercice précédent.
Cette solidarité s’applique également à l’impôt sur les sociétés et à la taxe d’apprentissage.
Jusqu’à présent, la durée de la solidarité était de 90 jours à compter de la première publicité de la vente au JAL ou au BODACC et ce délai était porté à 165 jours à défaut de dépôt de la déclaration de résultat dans les 60 jours de la publicité de la vente.
Ce sont principalement ces délais et leur point de départ qui ont été modifiés.

Désormais, pour les cessions de fonds de commerces réalisées à compter du 1er janvier 2017, les règles ont changé.
Tout d’abord, le point de départ de la solidarité est repoussé de la date de la publicité de la vente à la date de déclaration du résultat.
Ensuite, ce délai est raccourci de 90 jours à 30 jours si les conditions suivantes sont réunies :
La déclaration de résultat a été déposée dans les 60 jours à compter du jour où la cession a été publiée dans un JAL ;
L’avis de cession du fonds de commerce a été adressé à l’administration dans les 45 jours de la publicité de la cession ;
Le cédant est à jour de ses obligations déclaratives et du paiement en matière fiscale le dernier jour du mois qui précède la cession au plus tard.

On notera également que la loi Sapin 2 a par ailleurs sensiblement allégé les obligations comptables afférentes aux cessions de fonds de commerce.
En effet, jusqu’à présent, au jour de la cession du fonds de commerce, le cédant et le cessionnaire était tenus de viser les livres de comptabilité tenus par le vendeur durant les trois exercices comptables précédant la vente ainsi qu’un document présentant les chiffres d’affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice et le mois précédant celui de la vente. Ces livres devaient faire l’objet d’un inventaire signé par les parties dont un exemplaire était remis à chacune d’elles (C. com. art. L 141-2).
Cette formalité était très peu respectée en pratique compte tenu du volume des livres comptables.
La loi Sapin 2 a pris acte de ces considérations de sorte que seule demeure aujourd’hui l’obligation pour le vendeur et l’acquéreur de viser un document présentant les chiffres d’affaires mensuels (C. com. art. L 141-2, al. 1 modifié  ; Loi art. 129, 3o).
Le vendeur reste tenu de mettre à la disposition de l’acheteur tous les documents comptables qu’il a tenu durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente pendant trois ans à compter de l’entrée de l’acquéreur en jouissance du fonds (C. com. art. L 141-2, al. 2 modifié).

2/ Les conséquences fiscales supportées par le cédant

La cession du fonds de commerce implique pour le cédant des conséquences fiscales qui concernent l’imposition des revenus, la TVA et la taxe professionnelle.

a) Impôt sur le revenu

La cession du fonds de commerce entraîne l’imposition immédiate des bénéfices non encore taxés à la date de cet événement, à savoir :
- des bénéfices d’exploitation réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé ;
- des bénéfices en sursis d’imposition, en particulier les provisions précédemment constituées qui deviennent sans objet du fait de la cession ;
- des plus-values de cession d’éléments d’actifs immobilisés dont la détermination et les modalités d’imposition sont spécifiques.

Les plus-values réalisées à l’occasion d’une cession de fonds de commerce peuvent sous certaines conditions, bénéficier d’exonération. Une étude est consacrée à ces cas d’exonération dans notre article susvisé.

Le cédant est alors soumis à deux obligations aux termes de l’article 201 du Code Général des Impôts :

Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d’une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ou d’une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d’après le régime du bénéfice réel, l’impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n’ont pas encore été imposés est immédiatement établi.

Les contribuables doivent, dans un délai de quarante-cinq jours déterminé comme il est indiqué ci-après, aviser l’administration de la cession ou de la cessation et lui faire connaître la date à laquelle elle a été ou sera effective, ainsi que, s’il y a lieu, les nom, prénoms, et adresse du cessionnaire.

Le délai de quarante-cinq jours commence à courir :
- du jour où la vente ou la cession a été publiée dans un journal d’annonces légales (dans les 15 jours de la cession) ;
- lorsqu’il s’agit de la vente ou de la cession d’autres entreprises, du jour où l’acquéreur ou le cessionnaire a pris effectivement la direction des exploitations ;
- lorsqu’il s’agit de la cessation d’entreprises, du jour de la fermeture définitive des établissements.
Les contribuables assujettis à un régime réel d’imposition sont tenus de faire parvenir à l’administration, dans un délai de soixante jours déterminé comme indiqué au 1, la déclaration de leur bénéfice réel accompagnée d’un résumé de leur compte de résultat.

Si les contribuables imposés d’après leur bénéfice réel ne produisent pas les déclarations ou renseignements visés au 1 et au premier alinéa du présent paragraphe, ou, si invités à fournir à l’appui de la déclaration de leur bénéfice réel les justifications nécessaires, ils s’abstiennent de les donner dans les trente jours qui suivent la réception de l’avis qui leur est adressé à cet effet, les bases d’imposition sont arrêtées d’office.

b) TVA

L’exploitant redevable de la TVA, qui cède son activité, doit déposer une déclaration de TVA au service des impôts des entreprises dont il dépend dans un délai de 30 jours. Ce délai est porté à 60 jours s’il est placé sous le régime simplifié d’imposition.

En outre, la cession globale du fonds de commerce entraîne en principe le paiement de la TVA. Toutefois, cette opération est exonérée de TVA dès lors qu’elle remplit les conditions cumulatives suivantes :
- la vente porte sur l’intégralité du fonds de commerce ;
- l’acquéreur est redevable de la TVA.

L’exonération concerne alors l’ensemble des ventes de biens et prestations de services réalisées à l’occasion de la cession du fonds. Sont ainsi visés, les biens mobiliers d’investissement, les marchandises, les biens meubles incorporels (marques, brevets, licences, etc.) et les immeubles.

c) Contribution économique territoriale

En cas de cession en cours d’année, le cédant reste logiquement redevable de la cotisation pour l’année entière. D’un commun accord entre les Parties, il demeure toutefois parfaitement possible de prévoir dans l’acte de cession que l’acquéreur supporte une partie de l’imposition du vendeur.
En revanche, si la vente prend effet au 1er janvier, le nouvel exploitant est imposé sur les bases d’imposition déclarées par son prédécesseur, qui ont été déclarées au début du mois de mai de l’année précédant celle du changement par le cédant.

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