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L’échelle des fautes en droit social, Attention à la chute ! Par Yacine Zerrouk, Juriste.
Parution : lundi 24 août 2015
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« Toute faute qu’on fait est un cachot qu’on s’ouvre » Victor Hugo.

En droit du travail, un salarié peut être sanctionné par son employeur, s’il a commis un acte volontaire considéré comme fautif.

Dans ces conditions, la jurisprudence a précisé qu’un fait relevant de la vie personnelle du salarié ne peut constituer une faute dans les relations de travail (Soc. 23-06-2009, n° 07-45.256) sauf si ce fait se rattache à sa vie professionnelle (Soc. 02-12-2003, n° 01-43.227).
Par exemple, relève de la vie personnelle du salarié et se rattache à sa vie professionnelle, le fait d’avoir utilisé le véhicule mis en service par l’entreprise pendant le week-end afin de commettre un vol (Soc. 18-05-2011, n° 10-11.907).

Bien entendu, l’acte considéré comme fautif par le salarié et donc punissable par l’employeur, doit être commis après la conclusion du contrat de travail et/ou avant sa rupture.
Autrement dit, le salarié sera fautif dès lors qu’il aura manqué à ses obligations découlant de son contrat de travail et sera donc sanctionné selon la gravité de sa faute.

De ce fait, la jurisprudence a été amenée à classifier les fautes en différentes catégories et il appartient au juge d’en apprécier librement leur gravité.
Dès lors, on distinguera la faute simple (ou faute légère), la faute grave et la faute lourde.

La faute simple :

La faute simple n’est pas assez grave pour justifier d’une procédure de licenciement mais l’est assez pour justifier d’une sanction disciplinaire (blâme, mise à pied, ...).

En revanche, une accumulation de faute simple peut être caractérisée de faute sérieuse et donc justifier d’un licenciement.

Ainsi, a été jugé par la jurisprudence, qu’un salarié qui arrive en retard très rarement, ne pose en principe pas de problèmes graves mais si ces retards sont répétitifs, alors le salarié commet une faute sérieuse justifiant son licenciement.

Dans ces conditions, le salarié licencié pour faute sérieuse pourra alors :
- effectuer son préavis ou à défaut, percevoir une indemnité compensatrice ;
- bénéficier de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- solliciter l’obtention d’une indemnité de congés payés.

La faute grave :

La jurisprudence définit la faute grave comme celle « résultant de tout fait, non déjà sélectionné, imputable au salarié » (Soc. 23-02-2005) constituant une violation des obligations découlant de son contrat ou de sa fonction d’une importance telle qu’elle « rend impossible le maintien de l‘employé dans l’entreprise pendant la durée du préavis » (Soc. 26-09-2007, n° 06-53.867).

Néanmoins, le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire uniquement pour en apprécier le degré de gravité des fautes commises (Soc. 9-11-2004, n° 02-45.628).
Et à titre d’information, la jurisprudence a précisé que la faute grave ne peut être admise lorsque l’employeur a laissé au salarié le soin d’exécuter son préavis (Soc. 12-07-2005, n° 03-41.536).

Dès lors, la faute grave doit non seulement avoir le caractère d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais en plus de cela, être d’une telle gravité de sorte à ce que l’employeur doit se séparer immédiatement du salarié pour ne pas entraver la bonne marche des activités de son entreprise.

Ainsi, est jugée par la jurisprudence comme faute grave le fait :
- d’être coupable de harcèlement (moral ou sexuel) sur un autre salarié (Soc. 5-02-2002) ;
- de provoquer un accident en état d’ivresse en dehors de ses heures de travail constitue une faute grave pour un chauffeur de bus (Soc. 2-12-2003) ;
- de proférer des injures à l’égard d’un subordonné de santé fragile (Soc. 19-01-2010) ;
- de fumer dans une entreprise à risque (Soc. 1er-07-2008) ;
- de surfer longuement sur Internet pendant le temps de travail (Soc. 18-03-2009).

En revanche, n’est pas considérée par la jurisprudence comme faute grave le fait d’avoir des absences répétitives ou prolongés mais dûment justifiées par un motif valable ou encore, le fait de refuser une mutation géographique prévu par une clause du contrat de travail.

Concernant les conséquences sur les indemnités, le salarié licencié pour faute grave ne pourra pas solliciter :
- l’exécution d’un préavis et donc l’octroi d’une indemnité compensatrice de préavis ;
- le paiement d’une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Néanmoins, il pourra percevoir une indemnité compensatrice de congés payés.

La faute lourde :

La jurisprudence définit la faute lourde comme celle commise par un salarié avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise (Soc. 29-04-2009, n° 07-42.294).

C’est en réalité une faute grave mais avec une intention de nuire : le mobile du salarié doit être clairement établi.

C’est la seule faute qui permet à l’employeur de licencier un salarié gréviste ayant personnellement participé aux actes fautifs (cf : Article L.2511-1 du Code du travail : « l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié »).

Ainsi, a été jugé par la jurisprudence comme faute lourde le fait :
- de détourner un client de son employeur au profit d’une société concurrente dans laquelle le salarié avait des intérêts (Soc. 15-12-2011, n° 10-21.926) ;
- pour un salarié de saboter des machines en faussant les réglages (Soc. 23-09-2009, n° 08-42.913) ;
- de divulguer des informations importantes et confidentielles (Jurisprudence constante).

La faute lourde entraîne des conséquences très sévères pour le salarié puisqu’il sera licencié sans percevoir :
- l’indemnité de préavis ;
- l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- l’indemnité compensatrice de congés payés.

Note :

Attention : Le législateur veille à ce que la sanction infligée par l’employeur soit proportionnée à la faute commise par le salarié, c’est-à-dire qu’elle doit correspondre au degré de gravité de l’acte fautif (faute simple, faute grave et faute lourde).
A défaut, les juges du fond, ayant un pouvoir d’appréciation, pourront requalifier la faute avec les conséquences afférentes en termes d’indemnités.

Yacine Zerrouk Responsable Relations Sociales