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Nouveau régime du travail dominical : dans quel cas un accord collectif et/ou des salariés est-il nécessaire ? Par Guillaume Dedieu, Avocat.
Parution : jeudi 27 août 2015
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La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (plus connue sous le nom de « Loi Macron ») a profondément modifié la réglementation du travail dominical, en modifiant les cas de dérogation au principe de repos hebdomadaire du dimanche.

Ces modifications n’ont toutefois pas remis en cause le principe même du Code du travail selon lequel le repos hebdomadaire de chaque salarié doit être donné le dimanche (de 0 h à 24 h).

Pour les besoins de la vie économique et sociale, le Code du travail prévoyait déjà un certain nombre de dérogations à ce principe du repos dominical. La loi Macron a modifié ces dérogations (essentiellement concernant les commerces de détail), les a réorganisées et en a étendu le champ d’application.

Toutefois, pour pouvoir faire régulièrement travailler les salariés le dimanche, le législateur a parfois imposé aux employeurs la conclusion d’accord collectif préalable, voire dans certains cas exigé l’obtention formelle de l’accord des salariés. L’employeur est alors tenu de s’assurer de la preuve du volontariat de ses salariés.

Si certains décrets d’application devront être publiés pour rendre effectif de nombreux pans du nouveau régime du travail dominical, les situations dans lesquelles un accord collectif sera obligatoire ou non peuvent d’ores et déjà faire l’objet d’un examen.

Au final, ce sont 8 situations différentes qui peuvent être analysées au regard de cette obligation de conclure un accord collectif.

• 1ère situation : la dérogation permanente de droit accordée par décret à certains secteurs d’activités pour lesquels on considère que la continuité de leurs activités est nécessaire (hôtels, cafés et restaurants, établissements de santé, entreprises de transport routier, distributeur d’ameublement, journaux, centres sportifs…).

Ce dispositif préexistait à la loi Macron qui ne l’a pas modifié [1]. Les catégories d’établissements ainsi que les travaux ou activités concernés sont listés à l’article R3132-5 du Code du travail.

Aucun accord collectif n’est obligatoire lorsque les entreprises de ces secteurs souhaitent faire travailler leurs salariés le dimanche. Attention toutefois, des dispositions conventionnelles de branche peuvent intervenir pour fixer des compensations. Lorsque ces dispositions conventionnelles sont étendues, elles s’imposent aux employeurs.

• 2ème situation : la dérogation autorisée par le préfet lorsque le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement.

Ce dispositif préexistait également à la loi Macron. L’autorisation du préfet est dorénavant à durée déterminée et limitée à 3 ans [2].

Dans cette situation, un accord collectif d’entreprise préalable à la demande en préfecture peut être requis [3]. En effet, l’autorisation préfectorale ne peut être accordée qu’ « au vu d’un accord collectif ». Cet accord collectif doit fixer les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris par l’employeur en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Peu importe toutefois le niveau de négociation de l’accord.

A défaut d’accord collectif applicable et peu important ce qui le justifie (un procès-verbal de désaccord mettant fin aux négociations n’est pas exigé), une décision unilatérale de l’employeur est nécessaire [4]. Celle-ci doit, dans un premier temps, être prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent. Dans un second temps, la décision doit être approuvée par un référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical. Attention, dans le seul cas d’une décision unilatérale, la rémunération du salarié privé de son repos dominical doit a minima être doublée et un repos compensateur doit être mis en place.

Une fois l’autorisation préfectorale obtenue et avant la mise en place pratique du travail du dimanche, il convient de noter que les éventuels représentants du personnel de l’établissement devront de nouveau être consultés. L’employeur devra également pouvoir démontrer le caractère volontaire du travail le dimanche des salariés. Un accord écrit et explicite du salarié doit ainsi être conservé, ainsi qu’une information annuelle de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus (Art. L.3132-25-4 du code du travail). Enfin, une période de repos compensateur devra être octroyée au salarié selon l’une des modalités suivantes fixées par le législateur : un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l’établissement ; du dimanche midi au lundi midi ; le dimanche après-midi avec un repos compensateur d’une journée par roulement et par quinzaine ; par roulement à tout ou partie des salariés [5].

• 3ème situation : la dérogation de droit des commerces de détail alimentaire.

Ces établissements sont autorisés à n’accorder le repos hebdomadaire qu’à partir de 13 heures le dimanche [6].

Ce dispositif préexistait également à la loi Macron et n’a été modifié que pour les commerces de plus de 400m².

Attention, les commerces de détail alimentaires ne doivent pas en soi être confondus avec les établissements de vente au détail. Les commerces de détail alimentaires constituent en effet seulement une catégorie d’établissement de vente au détail, spécialisée dans la distribution d’aliments. Ces commerces peuvent à ce titre bénéficier des dispositions applicables aux établissements de vente au détail, notamment lorsqu’ils souhaitent faire travailler leur salarié le dimanche au-delà de 13 heures.

Dans cette situation, aucun accord collectif n’est nécessaire dès lors qu’on ne dépasse pas le seuil des 13 heures. C’est uniquement lorsque l’employeur souhaitera ouvrir au-delà de 13 heures qu’il devra s’interroger sur sa possibilité de bénéficier d’une autre situation de dérogation, notamment les dérogations d’ordre géographique [7].

Concernant les commerces alimentaires de plus de 400 m², la nouveauté réside dans l’obligation de majorer de 30 % la rémunération des salariés travaillant le dimanche, et ce depuis le 8 août 2015 [8].

• 4ème situation : les établissements de vente au détail qui sont situés dans « les zones touristiques internationales » (ZTI).

Ces zones seront délimitées par un arrêté des ministres chargés du travail, du tourisme et des commerces. Seront pris en compte le rayonnement international de la zone concernée, l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers de l’importance de leurs achats [9].

Ce dispositif est une création de la loi Macron.

A l’exception des établissements de moins de 11 salariés, un accord collectif préalable sera obligatoire pour les établissements présents dans la zone [10]. Ce peut être un accord collectif de branche mais aussi de groupe, d’entreprise ou d’établissement, y compris conclu avec un salarié élu du personnel ou mandaté en l’absence de délégué syndical. Le législateur prévoit aussi la possibilité de passer par un accord conclu au niveau territorial. Lorsque l’accord résulte d’une négociation, en l’absence de délégué syndical, avec un salarié élu du personnel ou mandaté par une organisation, l’accord conclu doit être être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés [11].

Quel que soit le niveau de négociation de l’accord collectif, celui-ci devra comporter obligatoirement certains engagements de l’employeur en matière de compensations en repos et contreparties salariales, en matière d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Il doit également prévoir des mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés privés et des contreparties compensant les charges induites par la garde d’enfants [12].

Par exception, les établissements de moins de 11 salariés situés dans les ZTI peuvent instaurer le travail dominical par décision unilatérale de l’employeur, après consultation des salariés concernés sur les compensations proposées et approbation d’une majorité d’entre eux. En d’autres termes, un vote devra être organisé par l’employeur sur le contenu de son projet de décision unilatérale [13].

A noter qu’en cas de franchissement du seuil de 11 salariés, une période de 3 ans de maintien de la validité de la décision unilatérale est prévue [14]. Au-delà, un accord collectif sera nécessaire pour continuer à déroger au repos dominical. De même, comme pour toute dérogation fondée sur une zone géographique, un accord écrit de chaque salarié amené à travailler le dimanche devra être recueilli par l’employeur pour s’assurer de la réalité du volontariat.

• 5ème situation : les établissements de vente au détail situés dans les « zones touristiques » (ZT).

Ces zones seront délimitées par un arrêté préfectoral et seront caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes [15].

A l’instar des ZTI, un accord collectif devra obligatoirement être conclu selon les mêmes modalités. Les établissements de moins de 11 salariés pourront également procéder par décision unilatérale, en organisant une consultation et un vote. L’accord écrit du salarié est également requis.

Attention, les établissements de vente au détail situés à ce jour dans les « communes d’intérêts d’intérêt touristiques ou thermales », et dans les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle » (classifications qui sont amenées à disparaître) sont de plein droit intégrés dans les zones touristiques (ZT) [16]. Les établissements présents à ce jour dans ces zones seront donc soumis à l’obligation de conclure un accord collectif. Un délai de deux ans leur a été toutefois été octroyé par le législateur pour se conformer à cette nouvelle exigence [17].

• 6ème situation : les établissements de vente au détail situés dans les « zones commerciales » (ZC).

Ces zones seront délimitées par un arrêté préfectoral et seront caractérisées par une « une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d’une zone frontalière » (article L.3132-25-6 du code du travail).

A l’instar des ZTI et des ZT, un accord collectif devra obligatoirement être conclu selon les mêmes modalités. Les établissements de moins de 11 salariés pourront également procéder par décision unilatérale, en organisant une consultation et un vote. Un accord écrit de chaque salarié amené à travailler devrait être recueilli par l’employeur pour s’assurer de la réalité du volontariat.

Attention, les établissements de vente au détail situés à ce jour dans un périmètre urbain de consommation exceptionnelle (PUCE), établi par décision préfectorale, intègrent de droit la nouvelle catégorie des zones commerciales (ZC) [18]. Si aucun accord collectif ne préexistait dans ces établissements à l’entrée en vigueur de la loi Macron, un délai de deux ans leur a été octroyé pour se conformer à cette nouvelle exigence.

• 7ème situation : les établissement de vente au détail situés dans l’emprise d’une gare à affluence exceptionnelle.

Ces gares et leur zone géographique d’emprise seront délimités par arrêté ministériel, compte-tenu de leur affluence et de leur non-intégration dans une ZTI [19].

Un accord collectif préalable sera également nécessaire, suivant le régime fixé pour les autres zones géographiques (ZTI, ZT et ZC). La possibilité de recourir à une décision unilatérale pour les établissements de moins de 11 salariés demeure. La preuve d’un accord écrit du salarié devra enfin également être établie.

• 8ème situation : les dérogations sur décision du maire.

En dehors des différents cas de dérogations précédemment énoncés, le repos hebdomadaire dominical des commerces de détail peut être supprimé certains dimanches précisément désignés par décision annuelle du maire, prise après avis du conseil municipal et dans la limite de 5 dimanches par an [20]. Au-delà de 5 dimanches et jusqu’à 12, la suppression du repos dominical sera également possible à compter du 1er janvier 2016, sur autorisation du maire, après avis conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre [21].

Dans cette situation, les commerces de détail ne sont pas tenus de recourir à un accord collectif ou à une décision unilatérale. Ils doivent seulement octroyer au salarié privé de repos dominical une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps dont les modalités sont fixées dans l’arrêté municipal désignant les dimanches travaillés [22].

Guillaume DEDIEU

[1Art. L.3132-12 du code du travail.

[2Art. L.3132-21 du code du travail.

[3Art. L.3132-25-3 I du code du travail.

[4Art. L.3132-25-3 I du code du travail.

[5Art. L3132-20 du code du travail.

[6Art. L.3132-13 du code du travail.

[7Art. L.3132-13 du code du travail.

[8Art. L.3132-13 du code du travail.

[9Art. L3132-24 du code du travail.

[10Art. L3132-25-3 II du code du travail.

[11Art. L. 5125-4 du code du travail.

[12Art. L3132-25-3 II du code du travail.

[13Art. L3132-25-3 II du code du travail.

[14Art. L3132-25-3 II du code du travail.

[15Article L.3132-25 du code du travail.

[16Article 257 I de la Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

[17Article 257 I de la Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

[18Article 257 II de la Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

[19Art. L3132-25-6 du code du travail.

[20Art. L.3132-26 du code du travail.

[21Art. L. 3132-26 du code du travail.

[22Art. L.3132-27 du code du travail.