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L’expertise médicale dans le cadre des CRCI. Par Meryam Sablon, Docteur en médecine.
Parution : mardi 15 septembre 2015
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La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a institué les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) lesquelles ne se substituent pas aux juridictions de droit commun mais viennent offrir une alternative à toute personne s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins (ou ses ayants droit, si la personne est décédée), laquelle victime dispose donc d’un choix entre saisir la CRCI ou bien la juridiction de droit commun.
Dans le cadre de cette procédure amiable, l’expertise médicale revêt une importance capitale.
Pour motiver son avis, la commission va se fonder sur le rapport d’expertise médicale.
Les avis rendus par les CRCI n’ont pas force obligatoire. Ils doivent donc être particulièrement bien motivés pour être suivis et conduire rapidement à une indemnisation de la victime.
De plus, si à l’issue de la procédure amiable, le demandeur saisit une juridiction, le rapport d’expertise « CRCI » reste un élément important versé au dossier, dont certaines juridictions se suffisent parfois, sans ordonner une nouvelle expertise médicale.

La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a institué les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, dites CRCI, chargées de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales, ainsi que des autres litiges entre usagers et professionnels de santé, établissements de santé, services de santé ou organismes ou producteurs de produits de santé.
Ces commissions ne se substituent pas aux juridictions de droit commun mais offrent une alternative aux usagers du système de santé entre saisine de la CRCI et procédure juridictionnelle de droit commun.

La simplicité et la gratuité de la procédure amiable devant les CRCI explique son succès auprès des patients.

La procédure de règlement amiable devant les commissions de conciliation et d’indemnisation.

Les missions des CRCI et de l’ONIAM.

Les commissions de conciliation et d’indemnisation ne se substituent pas aux juridictions de droit commun mais offrent une alternative aux usagers du système de santé entre saisine de la CRCI et procédure juridictionnelle de droit commun.

Il s’agit de soumettre les litiges à une commission laquelle, de par sa composition, vise à représenter l’ensemble des intervenants du système de santé.

C’est ainsi que l’article L.1142-6 du code de la santé publique dispose que « les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont présidées par un magistrat de l’ordre administratif ou un magistrat de l’ordre judiciaire, en activité ou honoraire. Elles comprennent notamment des représentants des personnes malades et des usagers du système de santé, des professionnels de santé et des responsables d’établissements et services de santé, ainsi que des membres représentant l’office institué à l’article L. 1142-22 et les entreprises d’assurance  ».

L’ONIAM s’est vu confier, par la loi relative aux droits des malades et au système de santé du 4 mars 2002, un rôle original.

En premier lieu, l’ONIAM est un organisme payeur au titre de la solidarité nationale financé par l’assurance maladie .

Pour assurer une équité d’indemnisation sur le territoire national, l’établissement s’est doté d’un référentiel publié sur son site. Il s’agit là d’une spécificité à souligner par rapport à la diversité des références utilisées par les différentes juridictions, diversité qui provoque des disparités de montants d’indemnisation selon les ressorts géographiques de chaque juridiction.

L’ONIAM a un deuxième rôle, qui est de participer à l’élaboration des avis des commissions de conciliation et d’indemnisation dont il est membre.

La recevabilité de la demande d’indemnisation.

Pour être recevable, la demande doit concerner un accident médical postérieur au 4 septembre 2001 et dont les dommages sont supérieurs à des seuils de gravité.

Le seuil de gravité est atteint lorsque la victime demeure atteinte d’une incapacité permanente partielle de 24% minimum (IPP ou AIPP), ou si la victime s’est trouvée en incapacité temporaire pendant au moins 6 mois consécutifs ou 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois.

Depuis le décret du 19 janvier 2011 (décret n°2011-76) prévu par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009, un nouveau seuil de compétence a été instauré. L’article L 1142-1 du Code de la santé publique prévoit désormais que les CRCI sont compétentes lorsque le taux du déficit fonctionnel temporaire (DFT),correspondant aux périodes d’hospitalisations et à la perte de qualité de vie de la victime, est supérieur ou égal à 50% durant 6 mois consécutifs ou non consécutifs sur une période de 12 mois.

A titre exceptionnel, les CRCI sont compétentes si la victime est définitivement inapte à l’exercice de son activité professionnelle antérieure,ou si la victime a subi des troubles particulièrement graves dans ses conditions d’existence. C’est à la victime de prouver qu’elle remplit cette condition de gravité par la production d’un certificat médical attestant la consistance précise des dommages ou de tout document justificatif de nature à appuyer sa demande et à établir le critère de gravité.

Par décret n° 2014-19 du 9 janvier 2014 publié au Journal Officiel du 11 janvier 2014 de nouvelles règles ont été édictées qui donnent aux présidents des commissions de nouvelles prérogatives.

Le décret a apporté une modification majeure à la procédure en donnant au président le pouvoir de rejeter seul les demandes pour lesquels la gravité des dommages allégués est manifestement inférieure au seuil légal fixant la compétence de la commission.

Jusqu’à présent, si au vu des pièces produites, les seuils n’apparaissaient pas atteints, le dossier était étudié en commission et c’était la commission qui décidait de se déclarer incompétente. Elle pouvait aussi en cas de doute diligenter d’une expertise.

Dans le même ordre d’idée, lorsqu’une expertise avait été diligentée et qu’elle concluait à une évaluation des préjudices inférieurs au seuil, le dossier était tout de même évoqué en commission. Les parties présentaient leurs observations et la commission décidait de retenir ou non sa compétence.

Désormais dans ces deux cas, le président décide seul.

Il peut préalablement soumettre les pièces à un expert dans les conditions prévues par l’article R.1142-14 du code de la santé publique. Cette expertise n’est pas contradictoire et seules ses conclusions sont communiquées aux parties.

Au regard de cette évolution notable, il convient de rappeler que le seuil légal de gravité du dommage correspond à un taux d’incapacité (ou déficit fonctionnel) qui est fixé par un médecin expert, le plus souvent après examen clinique de la victime.

En l’absence d’examen médical, le risque d’erreur est bien évidemment majeur, conduisant à des rejets injustifiés.

L’expertise médicale, en responsabilité médicale, dans le cadre des CRCI.

L’expertise médicale est soumise aux délais fixés par le législateur, la commission devant rendre un avis dans les six mois de la date du dépôt de la demande, les experts disposant de trois ou quatre mois pour déposer leur rapport.

Le choix de l’expert.

La commission désigne un expert ou un collège d’experts sans préalablement consulter les parties ni sur l’opportunité de désigner un expert de telle ou telle spécialité ni sur le contenu de la mission.

L’expertise médicale est systématiquement délocalisée pour éviter tout conflit d’intérêt.

La commission informe l’expert de ce qu’il dispose de la possibilité de mettre en cause d’autres parties que celles mises en causes par le demandeur.

L’expert, naturellement soumis au secret professionnel, peut effectuer toute investigation et demander aux parties et aux tiers la communication de tout document. Les pouvoirs de l’expert sont très étendus.

En cas de difficulté dans la transmission des documents demandés aux différentes parties, une commission peut autoriser l’expert à déposer son rapport en l’état et tirera toute conséquence, dans son avis, du défaut de communication des documents.

Les opérations d’expertise sont contradictoires en présence des parties ; l’expert devra prendre en considération leurs observations et joindre, sur leur demande, à son rapport tous documents y afférents.

La date de la réunion d’expertise.

En pratique, le respect de la loi, sous la forme du respect du délai de dépôt du rapport d’expertise empêche de trouver une date de réunion qui convienne à chacune des parties. Seules, les demandes de report motivées peuvent faire décaler la date de réunion, mais toujours après avis de la commission.

Les convocations à la réunion d’expertise se font par lettre recommandée avec accusé de réception pour chacune des parties et en lettre simple pour leurs conseils.

Dans cette convocation, il est mentionné, outre la date et le lieu de la réunion, que chacune des parties peut se faire assister par un médecin de son choix.

Souvent le demandeur ne découvre qu’au stade de la convocation à l’expertise qu’il risque de se trouver seul lors de l’expertise, face à l’expert désigné par la commission et surtout face aux nombreux médecin conseils missionnés par les assureurs des professionnels et établissements de santé mis en cause.

Au regard du court délai entre la convocation et l’expertise, et du refus quasi systématique de report de l’expertise , le demandeur est souvent dans l’impossibilité d’organiser son assistance par un médecin conseil.

La mission d’expertise.

La mission d’expertise a été rédigée par un groupe de travail issu de la commission nationale des accidents médicaux créée par la loi du 4 mars 2002 . Les présidents de CRCI ont été associés à la rédaction de la mission d’expertise.

Publiée en 2006, la mission fut mise à jour en 2007 pour intégrer la nomenclature Dintilhac.

La mission d’expertise est structurée en trois parties : la première porte sur les circonstances de la survenue du dommage, la deuxième sur l’analyse médico-légale et la troisième sur les causes du dommage que l’expert va ensuite évaluer dans tous ses composants selon la nomenclature Dintilhac.

Des questions spécifiques sont également posées en cas d’infection, en cas de perte d’autonomie, ou en cas de décès.

Le rapport d’expertise.

L’expert n’établit pas de pré-rapport et n’adresse même pas le rapport aux parties. Ces dernières le découvrent en même temps qu’elles sont convoquées à une audience devant la commission. Les parties sont invitées à communiquer leurs observations au plus tard dans un délai de quinze jours avant l’audience de la commission.

Lors de l’audience, les membres de la commission ont tous lu les différents rapports d’expertise.
Pour chaque dossier, un rapporteur (juriste ou président de la commission) lit un rapport composé des faits et d’un résumé synthétique de la discussion médico-légale. Il fait également état des observations écrites des parties en les synthétisant (il n’y a pas de pré rapport), et fait alors une proposition d’avis.

Le rapport d’expertise médicale peut être critiqué et contesté par le médecin conseil du patient demandeur lors de l’audience de la commission, laquelle peut alors décider de tenir compte des observations du demandeur et s’éloigner des conclusions de l’expert, voire désigner un autre expert.

Le demandeur a donc intérêt à contester à ce stade un rapport d’expertise qui lui est défavorable car demandeur s’il saisit une juridiction, le rapport d’expertise « CRCI » constituera un élément important versé au dossier.

Docteur Meryam SABLON Docteur en Médecine Diplômée de la réparation juridique du dommage corporel Master II Droit de la santé Médecin conseil SELAS COMPENSEO http://www.compenseo.fr http://www.medecin-dommage-corporel.expert
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