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Annulation d’un procès-verbal de saisie-contrefaçon reposant sur une description biaisée. Par Coraline Favrel et Nicole Bondois, Avocats.
Parution : lundi 12 octobre 2015
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Victime d’actes de contrefaçon, la titulaire d’un brevet portant sur le profilé d’un encadrement de porte, obtenait du Président du Tribunal de grande instance, l’autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de sa concurrente.
La saisie avait eu lieu, et la brevetée avait engagé une procédure.

La défenderesse obtint des juges du fond la nullité de description détaillée de la saisie, au motif que si l’huissier, autorisé à se faire assister d’un homme de l’art, avait pris soin de distinguer les observations de ce dernier des siennes, il s’était contenté de reproduire mot pour mot les observations orientées du conseil en propriété industrielle, sans faire valoir ses propres constatations.

Concrètement, le mandataire de la brevetée avait opportunément exposé être en présence d’un « profilé tubulaire » comprenant « deux rebords formant une aile médiane, qui s’étend parallèlement à la face plane du profilé ». En reprenant ainsi les termes de la revendication indépendante du titre en cause, il précisait être face à un produit contrefaisant.
Pourtant, la photographie à l’appui de ces constations ne permettait pas de rapporter objectivement de telles caractéristiques !
Ce faisant, l’homme de l’art avait interprété le produit stigmatisé dans un sens très favorable à sa cliente.

Dans son arrêt du 29 septembre 2015, la Cour de cassation valide ce raisonnement, fustigeant ainsi la délégation des pouvoirs de constatations de l’officier ministériel à l’ingénieur. En s’appropriant les termes du prestataire de la brevetée, et « en l’absence de tout esprit critique », l’huissier leur avait conféré foi jusqu’à inscription de faux, et ce, alors même que ceux-ci avaient la valeur d’un simple témoignage consigné dans le procès-verbal.

La sanction tenant à la nullité de la description détaillée du procès-verbal, et non à la diminution de la force probante de la saisie, est sévère, et l’arrêt commenté, largement diffusé.

Il permet de rappeler que le rôle de l’homme de l’art lors d’une saisie-contrefaçon doit se cantonner à expliquer à l’huissier les moyens techniques incriminés et leur fonctionnement et à le guider quant aux produits ou documents pertinents.
Lorsqu’il assume cette fonction, le Conseil en propriété industrielle, qui n’a pas été désigné par un juge, et qui intervient avant le début de la procédure, se doit d’être indépendant vis-à-vis des parties, et ce, dans un souci de garantie de procès équitable ; le saisi, surpris, n’étant pas assisté à ce stade.

Coraline Favrel, Carmen avocats