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Clauses abusives et contrat de construction de maison individuelle. Par Fouziya Bouzerda, Avocat.
Parution : mardi 20 octobre 2015
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Le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan fait l’objet d’une règlementation particulière et d’un formalisme poussé ayant pour finalité la protection du consommateur.

Les conditions formelles de formation du contrat de construction de maison individuelle sont devenues très importantes. Afin de mieux maîtriser le développement des contrats de construction de maison individuelle, la loi a encouragé une standardisation des contrats en permettant de recourir à des clauses types.

La loi répute non écrites six catégories de clauses.

L’article L. 231-3 du Code de la Construction et de l’Habitation dispose que :
« Dans le contrat visé à l’article L. 231-1, sont réputées non écrites les clauses ayant pour objet ou pour effet :
a) D’obliger le maître de l’ouvrage à donner mandat au constructeur pour rechercher le ou les prêts nécessaires au financement de la construction sans que ce mandat soit exprès et comporte toutes les précisions utiles sur les conditions de ce ou de ces prêts ;
b) De subordonner le remboursement du dépôt de garantie à l’obligation, pour le maître de l’ouvrage, de justifier du refus de plusieurs demandes de prêt ;
c) D’admettre comme valant autorisation administrative un permis de construire assorti de prescriptions techniques ou architecturales telles qu’elles entraînent une modification substantielle du projet ayant donné lieu à la conclusion du contrat initial ;
d) De décharger le constructeur de son obligation d’exécuter les travaux dans les délais prévus par le contrat en prévoyant notamment des causes légitimes de retard autres que les intempéries, les cas de force majeure et les cas fortuits ;
e) De subordonner la remise des clefs au paiement intégral du prix et faire ainsi obstacle au droit du maître de l’ouvrage de consigner les sommes restant dues lorsque des réserves sont faites à la réception des travaux ;
f) D’interdire au maître de l’ouvrage la possibilité de visiter le chantier, préalablement à chaque échéance des paiements et à la réception des travaux
 ».

De plus, l’article L. 231-7 II du Code de la construction et de l’habitation répute non écrite tout mandat donné par le maître de l’ouvrage au constructeur ou à un de ses préposés aux fins de percevoir tout ou partie d’un prêt destiné au financement de la construction.

L’article L. 132-1 du Code de la consommation précise que :

« Les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la commission instituée à l’article L. 534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.
Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.
Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d’ordre public
 ».

L’article R. 132-1 du même Code précise que :
« Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions du premier et du troisième alinéas de l’article L. 132-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
1° Constater l’adhésion du non-professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l’écrit qu’il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n’est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n’a pas eu connaissance avant sa conclusion ;
2° Restreindre l’obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses préposés ou ses mandataires ;
3° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre ;
4° Accorder au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat ou lui conférer le droit exclusif d’interpréter une quelconque clause du contrat ;
5° Contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service ;
6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ;
7° Interdire au non-professionnel ou au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d’inexécution par le professionnel de ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou de son obligation de fourniture d’un service ;
8° Reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au non-professionnel ou au consommateur ;
9° Permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non réalisées par lui, lorsque celui-ci résilie lui-même discrétionnairement le contrat ;
10° Soumettre, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation à un délai de préavis plus long pour le non-professionnel ou le consommateur que pour le professionnel ;
11° Subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le non-professionnel ou par le consommateur au versement d’une indemnité au profit du professionnel ;
12° Imposer au non-professionnel ou au consommateur la charge de la preuve, qui, en vertu du droit applicable, devrait incomber normalement à l’autre partie au contrat ».

L’article R. 132-2 du même Code précise enfin que :
« Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l’article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
1° Prévoir un engagement ferme du non-professionnel ou du consommateur, alors que l’exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;
2° Autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non-professionnel ou le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel ou le consommateur de percevoir une indemnité d’un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d’arrhes au sens de l’article L. 114-1, si c’est le professionnel qui renonce ;
3° Imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant manifestement disproportionné ;
4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable ;
5° Permettre au professionnel de procéder à la cession de son contrat sans l’accord du non-professionnel ou du consommateur et lorsque cette cession est susceptible d’engendrer une diminution des droits du non-professionnel ou du consommateur ;
6° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives aux droits et obligations des parties, autres que celles prévues au 3° de l’article R. 132-1 ;
7° Stipuler une date indicative d’exécution du contrat, hors les cas où la loi l’autorise ;
8° Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le non-professionnel ou le consommateur que pour le professionnel ;
9° Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ;
10° Supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges
 ».

Les clauses peuvent être donc présumées irréfragablement abusives et être interdites sur le fondement de l’article R. 132-1 du Code de la consommation, ou présumées abusives sur le fondement de l’article R. 132-2 du même Code.

On notera que l’insertion des clauses prévues par le Code de la construction et de l’habitation n’entraîne pas la nullité du contrat de construction dans son ensemble, mais l’absence d’effet de ces clauses qui seront réputées non écrites par le juge en cas de contentieux. Ce qui signifie que le contrat reste valable, seule la clause réputée non écrite est inefficace.

Le Code de la consommation laisse le juge librement appréciation le caractère abusif ou non d’une clause. En dehors des clauses mentionnées aux articles R. 132-1 et R. 132-2 du Code de consommation – présumées abusives sauf preuve contraire apportée par le constructeur s’agissant pour l’article R. 132-1.
En dehors des listes susvisées, le juge peut pleinement apprécier si la clause qui lui est soumise à l’occasion d’un litige est ou non abusive eu égard aux dispositions protectrices du code de la construction et de l’habitation, mais également aussi eu égard aux dispositions du code de la consommation.

Ceci a été rappelé avec force dans un arrêt récent rendu par la Cour de cassation en date du 6 mai 2015.

Dans cet arrêt, la Cour consacre le pouvoir autonome du juge pour écarter les clauses abusives d’un contrat de construction de maison individuelle ;
« (…) Ayant relevé que la clause litigieuse assimilant la prise de possession à une réception de fait et sans réserve, alors que la réception suppose la volonté non équivoque du maître de recevoir l’ouvrage que la seule prise de possession ne suffit pas à établir, la cour d’appel a (…) retenu à bon droit que cette clause qui insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel, crée au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des particuliers, puisqu’elle impose au maître de l’ouvrage une définition extensive de la réception, était contraire à al loi, ayant pour effet de rendre immédiatement exigibles les sommes restant dues, et devait être réputée non écrite »( Civ 3, 6 mai 2015, n° 13-24.947 – Jurisdata 2015-0102367).

En l’espèce, la clause présumant une réception tacite du maître de l’ouvrage du fait de la prise de possession a été jugée abusive puisque créant un déséquilibre entre les droits et obligations des parties.

Cet arrêt consacre donc le pouvoir souverain du juge de déclarer non écrite une clause qu’il juge abusive par application du Code de la consommation et de manière autonome par rapport aux dispositions du Code de la construction et de l’habitation.

Fouziya Bouzerda, Avocat http://www.cabinet-bouzerda.avocat.fr/avocat-lyon