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Transfert de résidence vers l’Espagne ou le Portugal : conséquences fiscales. Par Nathalie Aflalo, Avocat.
Parution : jeudi 22 octobre 2015
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Transfert de la résidence hors de France : cas pratique.

La détermination de la résidence fiscale d’une personne physique permet de connaître l’étendue de ses obligations fiscales vis-à-vis de cet Etat, et ainsi pouvoir déterminer le lieu d’imposition de l’ensemble de ses revenus.

Le cas pratique que je vous propose à la lecture est le suivant : un résident fiscal français, souhaite transférer sa résidence fiscale à l’étranger, Espagne ou Portugal et y vivre de façon permanente.

Ce transfert de domicile ne concernerait que lui et son épouse, ainsi que leur enfant en âge d’être scolarisé.

A – Détermination de lieu de résidence.

1 - Critères de droit Français.

Le droit interne français détermine la résidence fiscale par rapport à des critères alternatifs énoncés à l’article 4B du Code général des impôts :
- les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal,
- celles qui exercent en France une activité professionnelle non accessoire,
- celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.

Il suffit qu’un seul de ces critères soit rempli pour que l’intéressé puisse être considéré comme domicilié en France.

a ) Critère personnel : le foyer ou le lieu de séjour principal.

Selon ces critères, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France, les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal.
Ces deux critères doivent être regardés comme exclusifs l’un de l’autre, le lieu de séjour principal du contribuable ne devant être recherché que dans le cas où l’existence d’un foyer ne peut être déterminée, souvent le cas pour un célibataire.

En effet, est domiciliée en France toute personne qui a son foyer en France. Le foyer s’entend du lieu où le contribuable ou sa famille (épouse, et enfants) habite normalement, c’est-à-dire le lieu de sa résidence habituelle, à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent.

Un contribuable qui, au cours de l’année d’imposition, disposait d’un appartement à Paris, possédait un véhicule immatriculé dans cette ville et était titulaire d’un compte ouvert dans une agence bancaire parisienne doit être regardé comme ayant disposé d’un foyer en France au sens de l’article 4 B du CGI [1].

En règle générale, doivent être considérés comme ayant en France le lieu de leur séjour principal les contribuables qui y séjournent pendant plus de six mois au cours d’une année. La condition de séjour principal est réputée remplie lorsque les contribuables sont personnellement et effectivement présents à titre principal en France, quels que puissent être, par ailleurs, le lieu et les conditions de séjour de leur famille. Peu importe également que les intéressés vivent à l’hôtel ou dans un logement mis gratuitement à leur disposition.

b) Critère d’ordre professionnel.

Selon ce critère, est considéré comme ayant son domicile fiscal en France le contribuable qui exerce à titre principal une activité professionnelle en France.

En vertu de l’article 4 B-1 du CGI, doivent être considérées comme ayant leur domicile en France les personnes qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire.

c) Critère d’ordre économique.

En vertu de l’article 4 B-1 c du CGI, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France les personnes qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.

Il s’agit du lieu où le contribuable a effectué ses principaux investissements, où il possède le siège de ses affaires, d’où il administre ses biens. Ce peut être également le lieu où le contribuable a le centre de ses activités professionnelles, ou d’où il tire la majeure partie de ses revenus.
Donc, dans le cas de pluralité d’activités ou de sources de revenus, le Conseil d’État considère que le centre des intérêts du contribuable se trouve dans le pays d’où l’intéressé tire la majeure partie de ses revenus.

Une personne n’exerçant aucune profession en France et qui se borne à gérer en France un portefeuille de valeurs mobilières étrangères déposées à l’étranger doit être considérée comme ayant hors de France le centre de ses intérêts économiques [2].

Les biens appartenant à un contribuable et qui ne sont pas productifs de revenus - tels que les immeubles et les automobiles dont il se réserve la jouissance - ne peuvent pas être pris en compte pour la détermination du lieu de situation du centre de ses intérêts économiques. Par ailleurs, la détention de participations dans deux sociétés ayant leur siège en France ne suffit pas à faire considérer que l’intéressé, qui tire la majeure partie de ses revenus de son activité à l’étranger, a de façon prépondérante en France le centre de ses intérêts économiques [3].

Un contribuable qui possède en France six appartements, perçoit d’importants revenus de source française et dispose dans ce pays d’un important portefeuille de valeurs mobilières, doit être regardé comme ayant en France le centre de ses intérêts économiques au sens de l’article 4 B-1-c du CGI, alors même qu’il assure en Tunisie la gérance d’une société et y possède un patrimoine dont l’importance est sensiblement moindre [4].

Le Conseil d’Etat dans un arrêt en date du 17 juin 2015 donne un nouvel éclairage à cette notion de « centre des intérêts économiques ».

En effet, le cas d’espèce est le suivant : un retraité a vécu au cours des années litigieuses au Cambodge où il exerce du bénévolat exclusivement. Parallèlement, il perçoit pour unique revenu une pension de retraite versée par un organisme français versé un compte bancaire ouvert en France.

Ces pensions donnèrent lieu à l’application d’une retenue à la source au visa de l’article 182 A du CGI.

Le Conseil d’Etat a jugé que le retraité avait conservé sa résidence en France qu’il n’avait pas cessé d’avoir en France le centre de ses intérêts économiques, alors qu’il n’étaitpas contesté que les revenus qu’il percevait étaient exclusivement de source française.

2 – Critères de droit Espagnol et convention fiscale franco-espagnole.

Selon la définition du droit fiscal espagnol, est fiscalement résidente d’Espagne la personne qui se trouve dans l’une ou l’autre des hypothèses suivantes.

- Présence sur le territoire espagnol plus de 183 jours au cours d’une année civile (continus ou non),
- Centre principal ou base des activités ou des intérêts économiques situés sur le territoire espagnol. Le centre des intérêts économiques se trouve là où le contribuable retire la majeure partie de ses revenus imposables.

Dès lors, et lorsqu’une personne physique est considérée comme un résident des deux Etats, en vertu des droits internes de chacun d’entre eux, la convention fiscale internationale conclue entre la France et l’Espagne, a entre autre pour objet de déterminer une résidence fiscale unique.

L’analyse de critères conventionnels successifs permet de déterminer de quel Etat cette personne doit être considérée comme résidente.

La convention fiscale franco-espagnole, définit la résidence tel que suit :

« Lorsqu’une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, elle est alors réputée pour l’application de la convention, résident de celui des deux Etats sur le territoire duquel elle dispose d’un foyer d’habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux , c’est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont le plus étroites.

Si elle ne dispose d’un tel foyer d’habitation permanent dans aucun des deux Etats, ou si le centre de ses intérêts vitaux ne peut être déterminé, elle est considérée comme résident de l’Etat dans lequel elle séjourne de façon habituelle.

Il existe enfin un critère accessoire qui est celui de la nationalité. »

Dans le cas d’une double résidence, il faut analyser successivement les critères conventionnels. Ceci signifie que le second critère se substitue au premier lorsque celui-ci n’est pas applicable et ainsi de suite.

Dans notre cas et le contribuable souhaite installer de façon durable son foyer en Espagne et ce pour une durée supérieure à 183 jours sur une année civile. Dès lors, et selon les dispositions de la convention franco-espagnole il disposerait d’un foyer d’habitation permanent dans cet Etat.

A cet effet, deux arrêts de jurisprudence viennent éclairer cette notion.

Conseil d’Etat : 11 mai 1987, n°43149, 9e et 8e s.-s.
« Toute résidence dont une personne dispose de manière durable est un foyer d’habitation permanent. Un espagnol, qui possède en France une villa où il a installé sa concubine et ses enfants qu’il entretient, y a un foyer d’habitation permanent. Il n’établit pas avoir un autre foyer en Espagne, où réside son épouse de laquelle il est séparé. »

Conseil d’Etat : 9 décembre 1988, n°59667-61300, 9e et 7e s.-.
« Un contribuable qui a conservé la disposition d’une habitation en France y est imposable, au regard tant de l’article 4 que de la convention franco-espagnole du 8 janvier 1963 dès lors qu’il ne dispose pas, de manière durable d’une habitation en Espagne. »

Ces arrêts posent de manière incontestable que si le contribuable dispose d’un foyer d’habitation permanent en Espagne il est considéré comme résident fiscal de ce pays.

En effet, il a été jugé par un arrêt de la Cour de Cassation, chambre commerciale, en date du 15 octobre 1996, que :
« un contribuable qui séjournait pendant les dernières années de sa vie plus fréquemment à l’étranger qu’en France doit néanmoins être regardé comme ayant eu son domicile fiscal en France, dès lors que sa résidence dans ce pays était le point d’attache du couple et de la famille. »

Conseil d’Etat 9 décembre 1988, « un ingénieur en mission longue durée en Irak, qui a gardé à Paris, la disposition d’un appartement où a séjourné en permanence sa fille étudiante de moins de 25 ans et dont l’épouse a séjourné en France plus durablement qu’en Irak, a conservé son foyer en France, et est, par suite, fiscalement domicilié en France au sens de l’article 4 B du CGI ».

Seront pris en considération, les relations familiales et sociales, les occupations, les activités politiques, culturelles ou autres.

En l’espèce, la scolarisation d’un enfant constitue indéniablement une preuve d’un foyer d’habitation permanent dans le pays où l’enfant est scolarisé.

Le Conseil d’Etat a considéré qu’une personne dont les enfants étaient scolarisés en France et qui utilisait régulièrement un appartement à Neuilly (attesté par le montant non contesté des factures téléphoniques) avait son foyer et le lieu de séjour principal en France.

3 – Convention fiscale franco-portugaise.

La convention fiscale a été signée à Paris le 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal.

S’agissant de la détermination de la résidence fiscale, cette convention reprend exactement les mêmes critères que la convention franco-espagnole.

Par suite, le contribuable sera considéré comme résident fiscal portugais s’il disposez dans ce pays d’un foyer d’habitation permanent, dans les mêmes conditions qu’indiquées supra.

B – Incidence fiscales de la délocalisation sur vos revenus et biens de source française.

1 – Résidence fiscale espagnole.

a) Pensions de retraite.

Conformément à l’article 18 de la convention du 10 octobre 1995, les pensions et autres rémunérations similaires versées à raison de l’exercice d’un emploi antérieur à caractère privé demeurent imposables exclusivement dans l’Etat de résidence du bénéficiaire.
La retenue à la source visée à l’article 182 A du CGI ne peut donc s’appliquer auxdites pensions versées à une personne physique résidente d’Espagne.

Selon les dispositions de l’article 18 de la convention fiscale franco-espagnole du 27 juin 1973, les pensions versées à un Français (retraites de la sécurité sociale et de la caisse des cadres) au titre d’une activité exercée en France ne sont imposables qu’en Espagne si le bénéficiaire devient résident de cet Etat [5].

b) Dividendes, intérêts.

Les dividendes et intérêts de source française sont imposables en Espagne, et feront l’objet d’une retenue à la source en France.

En ce qui concerne, ces revenus dits passifs, la retenue à la source opérée par l’Etat français constitue un crédit d’impôt dans l’Etat de résidence du bénéficiaire. L’application de ce régime passe en général par la justification de la résidence du bénéficiaire en dehors de l’Etat de la source des revenus. Le circuit est en principe organisé autour de l’établissement payeur.

c) Plus-values immobilières :

Si vous réalisiez en France une plus-value immobilière alors que vous être résident fiscal espagnol, la plus-value serait imposable en France.

d) ISF – Impuesto sobre el patrimonio.

Enfin et s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune il a été instauré de manière temporaire pour les années 2011 et 2012.

A compter du 1er janvier 2013, il n’y plus d’obligation légale de déclarer cet impôt.

2 – Résidence fiscale portugaise.

a) Pensions de retraite.

Conformément à l’article 19 de la convention franco-portugaise dispose que :

« les pensions et autres rémunérations similaires versées à un résident d’un Etat contractant, au titre d’un emploi antérieur, ne sont imposables que dans cet Etat. »

En d’autres termes, les pensions versées à un résident fiscal portugais ne sont imposables qu’au Portugal.

Néanmoins, le Portugal a pris récemment des dispositions fiscales favorables aux retraités français.

Ainsi, acquérir le statut de « résident-non habituel » permet d’exonérer fiscalement les retraites françaises perçues au Portugal.

Cette inscription en tant que non résident habituel se fait désormais sous forme d’une simple déclaration du contribuable attestant qu’il n’a pas été résident fiscal portugais au cours des cinq dernières années.

Ensuite, il convient de démontrer au fisc local que vous résidez au Portugal plus de 183 jours par an, ce qui sera le cas. Le dispositif est valable 10 ans.

b) Dividendes, intérêts.

Les dividendes et intérêts de source française sont imposables au Portugal, et feront l’objet d’une retenue à la source en France.

En ce qui concerne, ces revenus dits passifs, la retenue à la source opérée par l’Etat français constitue un crédit d’impôt dans l’Etat de résidence du bénéficiaire. L’application de ce régime passe en général par la justification de la résidence du bénéficiaire en dehors de l’Etat de la source des revenus. Le circuit est en principe organisé autour de l’établissement payeur.

c) Plus-values immobilières.

Si vous réalisiez en France une plus-value immobilière alors que vous être résident fiscal portugais, la plus-value serait imposable en France.

d) ISF.

Il n’y a pas d’impôt de solidarité sur la fortune au Portugal

C – ISF dû en France.

1) ISF dû en France en qualité de non résident fiscal français.

L’hypothèse est la suivante : vous avez quitté la France et au 1er janvier 2015 vous avez acquis une résidence fiscale étrangère, devenant par la même non résident fiscal français.

Si vous possédez des biens immobiliers en France, le droit commun s’appliquera et vous serez redevable de l’ISF.

Les personnes physiques qui n’ont pas en France leur domicile fiscal soit au sens de l’article 4 B du CGI, soit par application des règles prévues par les conventions fiscales ne sont soumises à l’ISF qu’au titre des biens français leur appartenant.

C – Transfert de résidence à l’étranger et disposition d’une habitation en France.

Que se passe-t-il lorsqu’une fois domicilié à l’étranger, le contribuable désire acquérir, une habitation en France.

Le principe posé par l’article 164 C du CGI, et selon lequel les contribuables domiciliés hors de France qui disposent d’une ou plusieurs habitations en France sont imposables sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative de cette (ou de ces) habitation(s), comporte quatre catégories d’exceptions.

L’une d’elles prévoit que toutes les personnes de nationalité française ou étrangère, domiciliées dans l’un des nombreux pays ou territoires ayant conclu avec la France une convention relative aux doubles impositions.

En l’espèce, l’Espagne et le Portugal ont signé une convention relative aux doubles impositions avec la France, dès lors, ce principe selon lequel un contribuable domicilié hors de France qui dispose d’une habitation en France est imposable sur une base forfaitaire, n’est pas applicable.

Cet article est mis en ligne à des fins exclusivement d’information et ne peut en aucun cas être considéré comme une consultation, en raison de l’évolution permanente des règles fiscales en vigueur.

Nathalie Aflalo, Avocat, Barreau de Paris 126, Boulevard Haussmann, 75008 Paris, www.aflalo-avocat.fr [->avocat.aflalo@yahoo.fr]

[1CAA Lyon 3 mars 1994 n° 92-940, 4e ch., de Pedri.

[2CE 8 février 1960 n° 44881, 7e s.-s.

[3CE 25 janvier 1978 n° 95424, 8e et 9e s.-s.

[4CE 17 mars 1993 n° 85894, 8e et 9e s.-s., Memmi.

[5Rép. Perrut : AN 24 octobre 1988 p. 3006 n° 2005.

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