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Violation du statut protecteur d’un délégué du personnel : confirmation du plafonnement de l’indemnisation à hauteur de 30 mois de salaire. Par Pierre-Damien Venton, Avocat.
Parution : mercredi 28 octobre 2015
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Aux termes d’un arrêt du 14 octobre 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation vient de confirmer la position qu’elle avait exprimée récemment à l’occasion de deux précédents arrêts du 15 avril 2015 et rappelle que l’indemnité pour violation du statut protecteur -en l’espèce d’un délégué du personnel- ne saurait excéder 30 mois de salaire.

I – Sur le droit à une indemnisation pour violation du statut protecteur en présence d’une rupture du contrat de travail intervenue sans autorisation de l’inspecteur du travail

La rupture du contrat de travail des salariés protégés est strictement encadrée par le Code du travail.

Elle requiert obligatoirement le respect d’une procédure spécifique au cours de laquelle l’inspecteur du travail doit donner son accord sur la rupture envisagée :
-  convocation du salarié à un entretien préalable de licenciement ;
-  consultation du comité d’entreprise (NB : cette consultation n’étant pas toutefois exigée pour certains salariés protégés comme les délégués syndicaux) ;
-  envoi à l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licenciement motivée  ;
-  notification au salarié par LRAR de son licenciement, une fois l’autorisation de l’inspecteur du travail acquise.

Faute de justifier d’une autorisation de l’inspecteur du travail -que cette autorisation n’ait pas été sollicitée ou qu’elle ait fait l’objet d’une annulation-, la rupture du contrat de travail -qu’il s’agisse d’un licenciement, d’une prise d’acte de rupture ou d’une résiliation judiciaire aux torts de l’employeur-, ouvre droit au profit du salarié protégé concerné -qui ne demande pas sa réintégration- à une indemnité pour violation du statut protecteur.

II – Sur le montant plafonné de l’indemnisation pour violation du statut protecteur à hauteur de 30 mois de salaire

Définie par la Chambre sociale de la Cour de cassation, le montant de l’indemnisation pour violation du statut protecteur des représentants du personnel élus avait été fixé à l’origine, en se référant à la rémunération brute qu’aurait perçue l’intéressé entre la date de la rupture de son contrat de travail et l’expiration de la période de protection en cours -c’est-à-dire jusqu’au terme de son mandat plus 6 mois- [1].

On rappellera qu’à cette époque, le mandat des représentants du personnel élus (délégués du personnel – membres du comité d’entreprise – membres du CHSCT) avait une durée de 2 ans.

Il en résultait que l’indemnisation maximale à laquelle les représentants du personnel pouvaient prétendre à ce titre, représentait 30 mois de salaire (2 ans plus six mois).

Après la loi n°2005-882 du 2 août 2005 qui a porté à 4 ans, la durée des mandats des membres du comité d’entreprise et des délégués du personnel, une partie de la doctrine a suggéré, sur la base des principes énoncés précédemment, que l’indemnité pour violation du statut protecteur de ces salariés protégés, serait susceptible de représenter une somme de 54 mois de salaires (4 ans plus six mois).

Par deux décisions du 15 avril 2015 concernant des délégués du personnel, la Chambre sociale de la Cour de cassation a mis un coup d’arrêt à cette analyse -reprise à leur compte par certaines Cours d’appel-, en plafonnant expressément l’indemnisation à 30 mois de salaire (2 ans plus 6 mois) en référence à la durée minimale des mandats des représentants du personnel élus [2].

En effet, si la durée normale du mandat des délégués du personnel et des élus du comité d’entreprise est fixée à 4 ans depuis la loi n°2005-882 du 2 août 2005, elle peut cependant être réduite à 2 ans par accord de branche, de groupe ou d’entreprise.

C’est dans ce contexte qu’une nouvelle fois interrogée sur cette problématique s’agissant d’un délégué du personnel, la Cour de cassation a confirmé, aux termes d’un arrêt du 14 octobre 2015, sa position de principe consistant à plafonner à 30 mois le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur [3].

Cette solution retenue dans des affaires concernant des délégués du personnel, est vraisemblablement transposable aux élus du comité d’entreprise.

Elle devrait également l’être aux membres du CHSCT dont la durée du mandat est alignée sur celle des élus du comité d’entreprise, depuis la loi Rebsamen du 17 août 2015.

III – Sur les conséquences de ce plafonnement sur l’indemnisation pour violation du statut protecteur due aux salariés justifiant d’un mandat extérieur à l’entreprise

Depuis de nombreuses années, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel les indemnités pour violation du statut protecteur auxquelles peuvent prétendre les salariés justifiant d’un mandat extérieur à l’entreprise, sont limitées à la durée de la protection des représentants élus.

Sont notamment concernés par cette règle :

-  les administrateurs de mutuelle dont le mandat peut atteindre 6 ans [4] ;
-  les conseillers prud’homaux qui sont élus pour 5 ans [5] ;
-  les administrateurs salariés d’un organisme du régime général dont le mandat dure 4 ans [6].

Après les arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation aux mois d’avril et octobre 2015 au sujet des délégués du personnel, on peut logiquement en conclure que ces salariés protégés doivent eux-aussi continuer à voir leur indemnisation pour violation du statut protecteur plafonnée à hauteur de 30 mois de salaire (2 ans plus six mois), nonobstant les augmentations intervenues au niveau de la durée des mandats des représentants élus en 2005 et 2015.

IV – Sur l’impossibilité de prétendre à plusieurs indemnisations au titre de la violation du statut protecteur lorsque le salarié protégé est en situation de cumul de mandats

On rappellera enfin -ce qui n’est pas neutre dans un contexte de plafonnement de l’indemnisation- que la Cour de cassation considère qu’en cas de cumul de mandats, la violation du statut protecteur ouvre droit, non pas à plusieurs indemnités, mais à une seule correspondant à la période de protection expirant la dernière [7].

Pierre-Damien VENTON Avocat à la Cour VENTON AVOCATS CONSEIL ET CONTENTIEUX EN DROIT SOCIAL E-mail : pierre.venton@venton-avocats.fr Site internet : www.venton-avocats.fr

[1Cass. soc. 10 juillet 1990, n°86-43.699 ; Cass. soc. 7 juin 2005, n°03-44.969

[2Cass. soc. 15 avril 2015 n°13-24.182 et n°13-27.211

[3Cass. soc. 14 octobre 2015, n°14-12.193

[4Cass. soc. 1er juin 2010, n°09-41.507

[5Cass. soc. 2 mai 2001, n°98-46.319 - Cass. soc. 30 novembre 2004, n°01-41.780

[6Cass. soc. 22 juin 2004, n°01-41.780

[7Cass. soc. 3 mai 2007, n°05-43.863