Village de la Justice www.village-justice.com

Des rapports du droit, de l’économie et du management...
Parution : jeudi 5 novembre 2015
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/des-rapports-droit-economie,20787.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Entre nécessaire modernité et attachement à la tradition, entre fuite en avant de la mondialisation et inerties de la société, quel regard pouvons-nous porter sur ces frères ennemis que sont encore trop souvent les juristes et les hommes d’entreprise, que ce soit au niveau micro ou macro-économique ?

Economie et Management : définitions et étymologies.

Le terme Economie désigne les activités de production, distribution et consommation de biens et services. Il vient du grec Oikonomia, que l’on peut traduire par Administration d’un foyer.

Le terme Management est quant à lui souvent défini comme la mobilisation des moyens matériels et humains d’une entreprise, afin qu’elle puisse parvenir à ses objectifs. Il est certes la reprise d’un terme anglo-saxon : mais ceci n’est en fait qu’une apparence, car ce dernier a été lui-même l’adaptation d’un mot français de la Renaissance, « Mesnager », qui a d’abord signifié « Tenir les rênes d’un cheval » puis, au sens figuré, « Tenir les rênes d’une entreprise », ce qui nous rapproche bien sûr quelque peu de l’acception originelle du terme Economie.

Le terme Management a aujourd’hui très souvent remplacé l’expression Economie d’entreprise dans les référentiels d’enseignement.
Il est également parfois substitué à l’expression Gestion des entreprises, discipline dont on peut dire qu’elle consiste à réaliser des diagnostics externe et interne, puis à fixer des objectifs, arbitrer entre les solutions envisageables, mettre en œuvre celles qui seront retenues et contrôler régulièrement le niveau d’atteinte desdits objectifs afin de détecter les éventuels écarts négatifs, analyser leurs causes et apporter les corrections nécessaires. Ceci nous amène à la modélisation des résolutions de problèmes – tel l’IMC d’Herbert SIMON - et à la procédure budgétaire.
Une autre définition serait qu’elle consiste à allouer de la façon la plus efficiente possible les ressources matérielles, financières et humaines de l’entreprise.

Economie et Management sont en général enseignés de façon parallèle, aussi bien dans l’enseignement secondaire que supérieur. Mais l’Economie est une discipline pluriséculaire, alors que le Management apparaît plutôt quadragénaire, surtout dans sa composante marketing.

Une autre caractéristique commune à l’Economie et au Management est leur volonté de suivre une démarche comparable à celle des sciences, ce qui les conduit d’ailleurs à revendiquer leur appartenance à celles-ci, même si la réflexion philosophique s’interroge régulièrement sur la légitimité d’une telle reconnaissance (La question est également posée – voire plus encore – pour le Droit).

Quelques propos entendus sur le Droit et le Management

Le Droit est souvent perçu comme une discipline ennuyeuse, pour psychorigides et dans laquelle on défend tout et son contraire … Cette dernière appréciation s’avère, il est vrai, assez pertinente, notamment à la barre du tribunal, mais justement parce que nous, juristes, devons avoir cette capacité de percevoir la complexité des choses, donc à assouplir nos impressions premières, ce qui fait toute la richesse que nous retirons de nos professions : cqfd.
Le Management est quant à lui considéré par certains comme dépourvu de réelle noblesse, faute notamment d’une grande Histoire, et par d’autres comme inféodé aux détenteurs du capital.

Les entreprises, un dénominateur commun au Droit, à l’Economie et au Management

Le Droit, depuis plus de deux siècles, est au service du libéralisme : comment celui-ci aurait-il pu naître sans la notion de droit de propriété, perdurer sans le contrôle des ententes et concentrations ? Et quand le Droit renforce toujours plus les obligations d’information du consommateur, il n’agit pas contre le libéralisme : contrairement au sentiment du grand public, il le protège là encore, en facilitant le jeu de ce fondamental qu’est la concurrence.

Mais le Droit reste trop éloigné des entreprises …

Tous les ans, la Banque mondiale classe les différents pays en fonction du niveau facilitateur de leur législation à l’égard des affaires. En 2014, la France se situait au 31ème rang … résultat peu satisfaisant, auquel nous sommes d’ailleurs habitués, notre culture juridique héritée du droit romain n’ayant jamais été réputée très favorable aux entreprises (Relevons néanmoins, afin de garder une parfaite impartialité, que nous sommes en 10ème position pour le commerce transfrontalier et l’exécution des contrats).
Par contre, le droit germanique est déjà plus attentif aux entreprises : ainsi l’Allemagne se hisse au 14ème rang, la Suède au 11ème, la Norvège au 6ème et le Danemark au 4ème !
Mais le droit anglo-saxon, chacun le sait, reste indéniablement la référence, avec le Royaume-Uni au 8ème rang, les Etats-Unis au 7ème et la Nouvelle-Zélande qui, bon an mal an, caracole dans les deux premières places.
Remarquons cependant un point faible commun à ces différentes législations : elles restent fortement nationales, face à une économie de plus en plus mondialisée … Ceci explique cela …

Comme l’Economie peut-être …

Ce doute parfois exprimé a trouvé son plus tonitruant porte-parole en la personne de Ronald COASE, économiste britannique décédé en 2013, qui tempêtait contre ses confrères de l’establishment, au point d’écrire dans la revue d’Harvard – un an avant sa mort à l’âge de 102 ans ! : « Les instruments employés par les économistes pour analyser les entreprises sont trop abstraits et trop spéculatifs pour offrir le moindre conseil aux entrepreneurs et aux managers » …

Passer de l’ignorance mutuelle à la découverte réciproque … Du Droit économique et de l’Economie du droit …

Eléments de rapprochement et éléments d’éloignement entre le Droit et l’Economie :

• Le Droit économique, élément de rapprochement des deux disciplines

Il relève du droit public et définit l’intervention de l’Etat dans l’économie, s’inscrivant ainsi dans une conception keynésienne de celle-ci et non dans un libéralisme pur et dur. Nous le devons sans nul doute à Joseph HAMEL, décédé en 1962 après une carrière pour le moins exemplaire et dans laquelle nous relèverons notamment son décanat à la Faculté de droit et des sciences économiques de Paris de 1955 à 1959 et son enseignement à la Faculté de droit de Lille aux alentours de 1930. C’est entre ces deux périodes qu’aura lieu le sacre du Droit économique, avec son ouvrage Banques et opérations de banque.

On dit souvent que le vrai pouvoir est économique. Cette affirmation apparaît certes largement vérifiée … mais que serait ce tout puissant en l’absence du pouvoir normatif, sinon – comme le dit la chanson – « un avion sans ailes » ?

Que serait en effet le libéralisme sans le Droit ? Sans le renforcement des obligations d’information du consommateur, le jeu de la concurrence fonctionnerait moins bien. Sans volonté de protection du salarié face aux exigences croissantes de sa hiérarchie, le burn-out se développerait à grande vitesse et, plus largement, on finirait par oublier qu’il y a des hommes dans les entreprises, remisant ainsi les avancées de l’Ecole des relations humaines …

D’ailleurs, à la fin du 18ème siècle, Adam SMITH était déjà persuadé que le libéralisme, dont il détient la paternité, était indissociable du Droit. Bien que foncièrement économiste, il savait appréhender la logique juridique et défendre, par exemple, l’Acte de navigation. Mais d’autres économistes ont ensuite plaidé pour la reprise d’une large, voire totale, autonomie.

Aujourd’hui, la remise en cause des monopoles de l’Etat et, au-delà, la mondialisation ont renforcé cette analyse de l’économie par le Droit avec le droit de la régulation.
Dans le même ordre d’idées, face à l’intensification de ce commerce international, le Droit doit s’adapter par exemple à la pratique du law-shopping, par laquelle chacun choisit le régime juridique qui lui semble le plus favorable … notion que l’on retrouve notamment en droit du travail, avec les contrats des entreprises multinationales.

Un exemple franco-français de l’attention portée par le Droit à l’économie, et assez largement présenté dans la doctrine : la création d’un continuum en matière de prise en charge des risques, avec le rapprochement des litiges de la Sécurité sociale et de l’assurance privée au sein de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation, évolution que nous devons à Guy CANIVET avec l’approbation de la FFSA au début des années 2000.

Le souci d’efficacité économique du Droit peut être aussi trouvé dans la création de la fiducie en 2007, même si l’on ne peut oublier qu’il nous aura fallu une quinzaine d’années de débats pour y parvenir, alors que celle-ci existait bien sûr dans les pays anglo-saxons – sous la forme des « trusts », mais aussi au Canada ou au Luxembourg et même dans le droit romain !

On pourrait peut-être rapprocher également de ce souci d’efficacité l’instauration de l’obligation faite au gouvernement en 2009 de joindre à tout projet de loi un inventaire des conséquences de celui-ci en matière économique (mais aussi sociale et environnementale).

Un exemple plus proche de nous pourrait être la réforme de l’insaisissabilité de l’habitation principale des entrepreneurs individuels, rejoignant l’esprit de l’instauration des EIRL en 2010, face à la trop fréquente présence dans les dépôts de bilan (25 % du total) des entreprises individuelles dont, par ailleurs, l’effectif s’envolait avec le succès du statut d’auto-entrepreneur (appelé aujourd’hui micro-entrepreneur).

Enfin, nous devrions, en 2016, voir s’imposer une clause de hardship légale, consacrant ainsi ce que le droit français a toujours refusé, sauf en matière administrative : la théorie de l’imprévision, i.e. la possibilité d’adapter l’économie d’ un contrat – voire le résilier - au seul motif d’un changement imprévisible des circonstances (Même si la jurisprudence est allée parfois jusqu’à valider cette résiliation quand l’un des cocontractants venait à perdre toute contrepartie – Cf Cass. comm. 29 Juin 2010 SOFFIMAT c/ SEC).

• L’Economie du droit, élément de rapprochement des deux disciplines

La paternité de cette discipline revient à trois américains, membres de « l’Ecole » de l’Université de Chicago :
-  deux économistes : Gary BECKER, décédé en 2014, qui a travaillé notamment sur la criminalité et George STIGLER, décédé en 1991, partisan par exemple de supprimer la réglementation de la production afin de contrecarrer les lobbies
-  un professeur de droit : Richard POSNER
... auxquels il faut associer l’économiste britannique Ronald COASE et un magistrat américain, Guido CALABRESI.

Les économistes reprochent aux juristes de se draper dans leurs certitudes sans toujours prendre en considération la notion d’efficacité, voire d’efficience, qui doit, selon eux, présider à l’attribution des droits subjectifs. Faisons observer cependant que les finalités de l’entreprise sont prises en considération par le gouvernement d’entreprise, i.e. l’ensemble des législations qui régissent les rapports entre stakeholders.

Les adeptes de l’analyse dite « Management et Droit » étudient quant à eux comment les entreprises tirent profit du Droit pour optimiser leur performance.
Dans le même esprit, Ronald DWORKIN, philosophe américain décédé en 2013, très souvent considéré comme le plus grand spécialiste du Droit, défendait l’idée de comparer les réglementations nationales à l’aide d’outils économétriques.

Il est vrai que, depuis au moins deux siècles, on pense que le Droit doit être au service de l’économie. Cette idée ne semble pas poser de problème pour, notamment, le droit de la concurrence ou celui de la consommation. Mais penser que l’ensemble du Droit serait déterminé par l’économie, comme la psychanalyse freudienne établit la détermination de l’Homme par ses pulsions et les interdits, parait peu crédible : qu’en est-il, par exemple, des législations sur la nationalité ou la filiation, qui créent régulièrement le débat dans notre société ? Et quand bien même une norme de droit semblerait aller à l’encontre de l’efficacité économique, devrait-on y renoncer si elle répond à un certain intérêt général ?

Pensons ici au droit positif contractuel, qui est lui conforme à ces conceptions libérales et apparaît donc logiquement régi par la conviction de l’Ecole de l’autonomie de la volonté – initiée par Jean-Jacques ROUSSEAU, à savoir que nous serions parfaitement libres de contracter ou non. Mais force est de constater l’inégalité fréquente des parties au contrat, ce qui relativise sérieusement cette affirmation de liberté. Pour cette raison, les tenants de ce qu’on appelle le solidarisme contractuel – hérité des conceptions sociales de Léon BOURGEOIS, Président du conseil à la fin du 19ème siècle - défendent l’idée – de façon un peu désespérée … - que le cocontractant en position de force devrait concéder quelques renoncements.

Notons enfin que la conviction selon laquelle l’entreprise ne doit pas se limiter à une finalité financière se retrouve par exemple chez Jacques ATTALI - économiste mais aussi ancien Conseiller d’Etat – qui promeut la notion d’économie positive. Pour lui, il faut dépasser non-seulement l’objectif unique de maximisation du profit, mais également celui de répartition de la valeur ajoutée, pour atteindre une finalité humaniste : les entreprises doivent prendre en considération la société dans laquelle elles vivent, i.e. notamment préserver son environnement, produire des biens non-dangereux et satisfaisant les besoins de la population. Or ces idées, reprises par une partie croissante de l’opinion publique, sont forcément génératrices de réglementations en matière de normes ou d’écologie par exemple.

• Eléments d’éloignement.

Tout d’abord, le Droit, a fortiori français, a une culture qui lui est quasiment spécifique. Prenons l’exemple du concours de l’agrégation, un parcours du combattant défiant l’imagination … Il faut, en termes de pré-requis, être titulaire du doctorat, puis réussir une épreuve de leçon, et ensuite une épreuve de droit des obligations. Les « survivants » finiront par un sujet à présenter en trois-quarts d’heure, à l’issue de 24 heures de préparation non-stop avec l’assistance d’une équipe ad-hoc !

Ensuite, il faut reconnaître que, face à la relative volonté de prise en considération des phénomènes économiques par le Droit, il existe néanmoins une certaine inertie de celui-ci : nous sommes encore fort attachés à nos racines romaines. Plus proche de nous, le Code Napoléon semble quant à lui quelque peu étranger au temps qui passe, même si la jurisprudence – voire la loi - continue de le faire vivre.

Reconnaissons également que la réflexion juridique ne procède que partiellement d’une démarche scientifique et le principal objet de son attention reste cette jurisprudence.
Les juristes ont aussi bien moins recours que les économistes à certains outils comme la théorie des jeux selon laquelle l’optimisation de la situation d’un acteur est conditionnée par l’anticipation des décisions des autres acteurs concernés. Un exemple classique est le dilemme du prisonnier, exposé en 1950 par un mathématicien américain, Albert TUCKER. Celui-ci imagine deux délinquants complices, mais contre lesquels il existe peu de charges. Faute de communication entre eux, l’un risque de dénoncer l’autre : il pourra ainsi espérer une clémence mais son complice paiera le prix fort. Par contre, en cas de dénonciation réciproque, la clémence pourra bénéficier aux deux … Dans l’hypothèse inverse – existence d’une communication, ils pourraient envisager jusqu’à un non-lieu pour insuffisance de preuves ! En résumé, le fait de communiquer représenterait ici la meilleure solution mais, à défaut de dialogue, chacun va – par sécurité - choisir d’abandonner l’autre et rechercher ainsi une moindre peine.

L’homo-oeconomicus, quant à lui, est avant tout un homme libre et raisonnable, ce qui signifie qu’il va toujours prendre la bonne décision, mais il cherche en plus la satisfaction maximale pour un coût minimal. Une telle conception, chère aux néo-classiques, est totalement étrangère aux raisonnements des juristes …

Par ailleurs, le législateur et les juges prennent des décisions parfois lourdes de conséquences pour les entreprises, mais il leur est plus ou moins reproché de ne pas suffisamment maîtriser l’essence de celles-ci et de leur environnement. Certains magistrats, notamment, acceptent cette observation puisqu’ils défendent l’idée qu’une expérience significative en entreprise est indispensable avant d’entrer en fonctions.

Pensons aussi au droit de la responsabilité où l’a. 1149 C.C. limite tous dommages-intérêts au damnum emergens et au lucrum cessans, alors qu’aux Etats-Unis on octroie des versements supérieurs, censés prévenir la récidive dans, notamment, des situations de fraudes ou mauvaise foi.

D’ailleurs, pour Christophe JAMIN, Professeur à SCIENCES PO, le Droit doit se borner à acter les travaux économiques : il n’a vocation ni à les approuver, ni à les critiquer.
Le Droit n’a de toute façon pas pour finalité première de viser l’efficacité économique et l’allocation optimale des ressources : quitte à être taxé de prétentieux, il revendique des horizons plus vastes, un autre registre, partagé avec les sciences sociales, celui de l’équité … bien au-delà du voyage proposé par les économistes libéraux.
Comme le rappelle, par exemple, la fameuse formule judiciaire « Au nom du peuple français », le Droit entend clairement être, au-delà du simple pouvoir législatif ou exécutif – et parfois avec un peu de retard, la voix de la Nation.
N’oublions pas en effet que les préoccupations prioritaires des juristes sont légitimement et nécessairement les droits de l’homme ou les grandes problématiques actuelles d’environnement par exemple, et qu’elles ne peuvent pas toujours intégrer l’efficacité économique.

A fortiori, les juristes sont très attachés au jus naturale, bien différent du droit positif puisqu’il est déterminé par la nature de l’Homme et non par l’Homme lui-même. Il comprend donc tous les droits dont chacun devrait bénéficier sans discrimination d’aucune sorte. Cette idée se retrouve notamment dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui cite à ce titre, par exemple, la liberté et la sûreté.

Enfin, grand défenseur du formalisme dans les procès, Rudolf Von JHERING, juriste allemand du 19ème siècle, aimait à dire : « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté ». Effectivement, elle s’avère protectrice du justiciable et contribue à garder de la distance par rapport aux choses. Au-delà, le Droit est probablement la seule discipline où la forme compte autant que le fond : le droit de la copropriété en est une autre bonne illustration.

Et si nous parvenions à une véritable entente ?

La concorde entre Economie et Droit ne se trouverait-elle pas dans l’Ecole de Vienne, née à la fin du 19ème siècle et portée au 20ème par des économistes comme Friedrich Von HAYEK ? Son credo était le libéralisme non-seulement économique, mais aussi au niveau de l’ensemble de la société, reprenant ainsi la doctrine de ce que nous appelons aujourd’hui l’Ecole de Salamanque, louée par SCHUMPETER dans son Histoire de l’analyse économique.

Ce mouvement regroupait en Espagne, au 16ème siècle, des juristes et théologiens disciples de Francisco De VITORIA, Professeur de théologie à l’université de ladite ville. Celui-ci – peut-être visionnaire de l’Europe actuelle … - défendait par exemple la libre circulation des biens, mais aussi des personnes, nécessaire à ses yeux pour se découvrir les uns les autres et ainsi devenir plus fraternels. Par conséquent, il va à l’encontre de l’anathème jeté par le catholicisme sur les commerçants à la recherche d’un profit toujours plus grand : le rapport à l’argent rejoint ici quelque peu les religions réformées et ces hommes doivent même être valorisés, puisqu’ils contribuent à une société meilleure.
Francisco De VITORIA a en effet imposé aux catholiques le thomisme, i.e. la pensée de Thomas D’AQUIN qui, dans le moyen-âge finissant, s’est affirmé comme le maître de la philosophie de son temps – la scolastique - en essayant de concilier la Croyance et la Raison aristotélicienne – ce qui lui valut de devenir le saint-patron des universités catholiques … Pour lui, à côté de la vérité qui découle de l’écoute absolue de Dieu existe une vérité à laquelle seule la démarche philosophique peut conduire : la quête de la Connaissance exige donc que la théologie et la philosophie s’éclairent mutuellement.

A partir de tous ces travaux, l’Ecole de Salamanque défend l’idée que le Droit, l’équité, voire l’éthique, doivent trouver leurs sources dans un ordre naturel vers lequel nous guidera la Raison, donc s’émanciper de la religion et même de la coutume. C’est la fin du droit moyenâgeux, dont le souci de reconnaître des libertés n’était pas une vertu cardinale. Le credo de l’Ecole de Salamanque, c’est le jus naturale avec, par exemple, le droit de propriété ou la liberté d’opinion.

Ainsi, s’inscrivant dans cet héritage, l’Ecole de Vienne commence par considérer d’une part que les hommes sont tous différents, d’autre part qu’ils sont néanmoins tous rationnels. Puis, grâce à des raisonnements cartésiens, elle ambitionne de mettre en place, en réponse aux comportements humains, des solutions économiques efficaces. Au-delà, elle propose ses services pour définir comment optimiser l’organisation des entreprises mais aussi de l’Etat. Cette méthode aprioriste propose donc notamment au Droit de l’aider à percevoir ce qu’il devrait être …

Jean-François BOURGEOIS Professeur d'enseignement supérieur Référencé par l'Annuaire de l'industrie immobilière Membre actif des Professeurs de Droit des Grandes Ecoles
Comentaires: