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Le cautionnement bancaire et la proportionnalité. Par Nathalie Aflalo, Avocat.
Parution : mardi 10 novembre 2015
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L’article L 341-4 du Code de la consommation dispose que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Cet article du Code de la consommation et d’une importance majeure, s’adresse à toutes les cautions personnes physiques y compris donc à une caution dirigeante.

Peu importe également que cette caution soit avertie ou profane, ledit article n’opère pas cette distinction.

L’appréciation des facultés de remboursement de la caution doit s’effectuer à deux moments : le cautionnement doit être disproportionné au jour de la souscription ainsi qu’au moment de sa mise en jeu.

Que recouvre la notion dite de proportionnalité ?

Lorsqu’une banque sollicite un cautionnement, elle doit se renseigner sur la situation financière de la caution, la valeur de ses biens, de ses revenus.

Dès lors, elle doit veiller à ce que l’engagement qu’elle sollicite de la part de la caution soit d’un montant compatible le patrimoine et les revenus de la caution.
Il convient de rappeler ce que l’on entend par patrimoine : le patrimoine tel que défini à l’article précité, s’entend uniquement des biens et revenus. Il s’agit du patrimoine net que les contribuables possèdent. Il s’agit de ce que l’on possède réellement, une fois, les dettes soustraites.
La disproportion au sens du cautionnement s’analyse en l’équation suivante :
Biens et revenus < engagements de cautionnement
Une analyse détaillée des biens et revenus de la caution s’impose.
Alors que la banque opposera dans le meilleur des cas une fiche de patrimoine qu’elle aura fait signer à la caution au moment de la signature de l’acte de cautionnement, il s’agira pour la caution de procéder méthodiquement à l’évaluation de ses biens et de ses revenus nets.

Pour cela, les déclarations d’impôts sur le revenu et tous documents attestant de l’évaluation des charges du foyer fiscal seront retenus dans cette analyse, le but étant de déterminer une situation nette fiscale.
Ainsi il semble logique et cela a été confirmé par l’arrêt de la Cour de Cassation, que l’ensemble des cautions souscrites par ailleurs par la personne physique soit pris en compte dans l’analyse de cette disproportion.

Cour de Cassation en date du 22 mai 2013, n°11-24812 :
« dans le cadre de l’appréciation du caractère disproportionné d’un engagement de caution, les engagements de caution souscrits par ailleurs par la caution poursuivie doivent être impérativement pris en compte ; qu’en excluant en l’espèce de prendre en considération pour apprécier la mesure de la disproportion, les quatre autres engagements de cautions souscrits par M. Emmanuel X, qui portaient sur un montant total de 751.744.99 €, la cour d’appel a violé le même texte. »

Enfin, chambres civile et commerciale se rejoignent enfin, s’agissant de l’appréciation du caractère disproportionné du cautionnement, depuis que par un arrêt en date du 3 juin 2015, nos 14-13.126 et 14-17.203, la première chambre civile de la Cour de cassation a décidé que le proportionnalité de l’engagement de la caution ne pouvait être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie.
La chambre commerciale l’avait précédé puisque les 27 janvier 2015, nos 13-27.625 ainsi que le 10 février 2015, par un arrêt n°13-27.141 , la même solution était retenue, un hypothétique revenu futur ne pouvait être retenu dans l’analyse de cette disproportion.

Vous l’aurez compris cet article du Code de la consommation doit être invoqué, et expressément invoqué, lorsque les circonstances de l’affaire laissent à penser que le contrat de cautionnement en tout état de cause est disproportionné aux revenus et patrimoine de la personne physique caution.

La sanction en cas de non-respect de cette règle édictée par le code de la consommation est l’inopposabilité de l’acte de cautionnement à la caution.

Nathalie Aflalo, Avocat, Barreau de Paris 126, Boulevard Haussmann, 75008 Paris, www.aflalo-avocat.fr [->avocat.aflalo@yahoo.fr]