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Point de départ des intérêts dans les contrats de vente ou de prestation de service. Par Alexis Devauchelle, Avocat.
Parution : mercredi 25 novembre 2015
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L’article L. 441-6 du code de commerce, texte d’ordre public applicable aux contrats en cours à compter de son entrée en vigueur (Cass. Com. 3 mars 2009 pourvoi n°07-16527), modifié par les lois n°2012-387 du 22 mars 2012 (transposant en droit français la directive du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement) et n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite Loi Macron) prévoit que « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle ».

Ces conditions générales doivent inclure les conditions de règlement.

Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.

De plus, les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date.

La pénalité de retard prévue par l’article L. 441-6 du Code de commerce constitue un intérêt moratoire. Elle peut être assortie de la capitalisation prévue par l’article 1154 du Code civil.

Elle ne constitue pas une clause pénale et ne peut donc être réduite en raison de son caractère abusif (Cass. Com. 2 novembre 2011 pourvoi n°10-14677).

Les juges ne peuvent fixer le point de départ des pénalités de retard à la date de livraison sans constater que les conditions générales applicables entre les parties ou qu’un accord conclu par les organisations professionnelles du secteur concerné faisaient exception au délai de règlement de trente jours prévu par l’articles L. 441-6 du Code de commerce.

C’est ce que précise la Chambre commerciale de la Cour de cassation aux termes d’un arrêt rendu en son audience du 10 novembre 2015 (Cass. com., 10 novembre 2015, n° 14-15.968, FS-P+B).

Dans le cas d’espèce, se prévalant du non-règlement de factures par un acheteur, un producteur (de panneaux de bois) avait obtenu une ordonnance d’injonction de payer à laquelle le premier a fait opposition.

La Cour d’Appel (CA Nancy, 27 novembre 2013 n°12/02367) avait assujetti les pénalités de retard de 10,65 % et 10,38 % par an à la capitalisation prévue par l’article 1154 du Code civil. L’acheteur avait alors formé un pourvoi en cassation soutenant, tout d’abord, que la pénalité de retard prévue par l’article L. 441-6 du Code de commerce n’avait pas la nature d’intérêts moratoires et qu’il en résultait que l’article 1154 du Code civil ne lui était pas applicable.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel en ce qu’il a pu assortir la pénalité de retard de la capitalisation prévue par l’article 1154 du Code civil conformément à la demande du fournisseur impayé. Elle le censure cependant au visa de l’article L. 441-6 du Code de commerce, en ce que, pour condamner l’acheteur à des pénalités de retard de 10,65 % et de 10,38 %, par an, sur la base des taux d’intérêt applicables en 2010 et 2011, majorés de dix points, à partir du 9 juillet 2010, il a constaté que les panneaux de bois, objet des factures litigieuses, commandés au mois d’avril 2010, avaient été livrés au mois de juillet 2010.

Après avoir précisé le champ d’application des dispositions de l’article L. 441-6 et en avoir exclu la cession de fonds de commerce (Cass. Ch. Com. 3 mars 2015, n°14-11.414), les baux commerciaux (CA Grenoble, 13 septembre 2012, n°11/05339), les créances indemnitaires (CA Rouen, 20 novembre 2013, n°12/05259) ou à certains contrats de transport routier international (CA Grenoble, 18 septembre 2014, n°12/04878), la jurisprudence progresse désormais sur la nature juridique des pénalités prévues et leur mise en œuvre.

Alexis Devauchelle, Avocat à la Cour, spécialiste de la procédure d\'appel Ancien avoué à la Cour http://www.avocat-devauchelle-orleans.fr [mail-> avocat-devauchelle@orange.fr]