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Fiscalité de l’alyah : résidence fiscale en Israël et statut de « Olé Hadash ». Par Georges-David Benayoun et Mélissa Pun, Avocats.
Parution : lundi 7 décembre 2015
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La position des cours administratives d’appel, confortée par des décisions récentes du Conseil d’Etat, appelle aujourd’hui à se poser un certain nombre de questions relatives à l’application de la convention fiscale conclue entre la France et Israël dans le cadre de l’expatriation en Israël ou alyah et plus particulièrement de l’application du régime Olé Hadash.

Les contribuables français qui décident de s’installer en Israël conservent en général des revenus de source française dont les modalités d’imposition sont réglées par ladite convention.

Or, il convient de noter que dans cette hypothèse, ces contribuables sont nécessairement qualifiés de résidents fiscaux des deux Etats concernés en application de leur droit interne propre et qu’il est donc nécessaire de se reporter à la convention fiscale visant à éviter les doubles impositions signées entre ces deux Etats pour déterminer le lieu de leur résidence fiscale.

La définition de la résidence fiscale proposée par la convention détermine alors l’Etat dont cette personne devra être considérée comme fiscalement résidente.

En l’espèce, l’article 4.1 de la convention fiscale franco-israélienne du 31 juillet 1995 prévoit pour sa définition de résident que :

« …cette expression (i.e. résident d’un Etat contractant) ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située ».

Ainsi, un résident d’un Etat contractant qui n’est imposable dans cet Etat que pour les revenus de source situés dans cet Etat ne serait pas considéré comme résident au sens de la convention.

Or, le conflit de résidence n’est tranché par l’application des critères conventionnels qu’à la stricte condition que le contribuable concerné soit un « résident » au sens de la convention.

Il résulte donc d’une façon générale que les personnes exonérées, même si elles le sont sous certaines conditions, ne sont pas des « résidents » éligibles au bénéfice des conventions fiscales.

Les contribuables français qui partent s’installer en Israël peuvent opter pour le statut de « Olé Hadash », lequel statut permet de bénéficier, en Israël, d’une exonération définitive d’impôt pendant dix ans sur les revenus générés hors d’Israël, tant passifs (intérêts, dividendes, loyers…) de source étrangère, que d’activité hors du territoire hébreu.

Ainsi, dans l’hypothèse où le contribuable opterait pour ce régime d’exonération, l’administration fiscale française pourrait considérer qu’il n’est pas résident au sens conventionnel et donc le traiter comme un résident fiscal français.

L’administration fiscale a eu à se prononcer au sujet des conventions conclues entre la France et l’Algérie, l’Allemagne, Chypre, le Japon, Le Royaume-Uni, la Tunisie, les Etats-Unis, l’Italie, les Pays-Bas, et l’Arabie Saoudite.

L’administration fiscale n’a pas, à notre connaissance, eu à se prononcer s’agissant de la convention conclue entre la France et Israël mais il convient de prendre bonne note de la décision du Conseil d’Etat du 27 juillet 2012 relative à la notion de résident fiscal telle que définie par la convention franco-britannique.

En effet, de la même manière que les « Olé Hadash » ne sont imposables en Israël que sur leurs seuls revenus de source israélienne, les français bénéficiant du régime de la « remittance basis », ne sont imposables en Grande-Bretagne que sur leurs seuls revenus de source britannique.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur le point de savoir si un contribuable français bénéficiant du régime de « remittance basis » au Royaume Uni devait être considéré comme résident domicilié au Royaume Uni en application de la convention franco-britannique.

Or, il convient de préciser que l’article 3-1 de ladite convention prévoit également que ne sont pas qualifiées de résidents «  les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus et les gains en capital de source situées dans cet Etat ».

Ainsi, l’administration fiscale française en concluait que les Français bénéficiant de la « remittance basis » qui ne rapatriaient pas leurs revenus en Grande-Bretagne (et qui donc étaient imposés de façon limitée en Grande-Bretagne) ne pouvaient pas se prévaloir de la qualité de résident au sens conventionnel.

Le Conseil d’Etat est donc intervenu pour mettre fin à ce débat en considérant que le bénéfice du régime de la « remittance basis », en ce qu’il constitue non pas une exonération définitive des revenus étrangers mais un simple sursis d’imposition jusqu’au jour où ils sont rapatriés en Grande-Bretagne, ne fait pas obstacle à la qualité de résident fiscal telle que définie par la convention.

Le Conseil d’Etat a donc adopté une position libérale dans le cadre de cette convention fiscale en estimant :

« qu’une personne physique assujetties à l’impôt au Royaume-Uni en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue n’était pas susceptible de perdre la qualité de résident fiscal du Royaume-Uni au seul motif que , n’ayant pas la nationalité britannique, tout ou partie de ses revenus de source étrangère pouvaient, en application du régime de la « remittance basis » ne pas être imposés au Royaume-Uni au titre de l’année au cours de laquelle ils étaient perçus mais seulement au titre de l’année au cours de laquelle ils sont rapatriés ou utilisés au Royaume-Uni ».

Il s’en déduit que seul compte le fait que les revenus étrangers soient imposables dans le pays de résidence, en théorie, et non pas nécessairement en fait, y compris s’ils le sont au titre d’une année ultérieure à celle au titre de laquelle la convention fiscale est appliquée.

Le Conseil d’Etat estime que la condition d’assujettissement intégral est remplie car ce système n’a pas pour objet d’exonérer définitivement les revenus de source non britannique mais permet seulement de les imposer au moment de leur rapatriement ou de leur utilisation au Royaume-Uni.

Ainsi, et compte tenu des diverses jurisprudences, il apparait que le contribuable français qui conserve des revenus de source française et qui a opté pour le statut de « Olé Hadash » puisse éventuellement voir son statut de non-résident fiscal français remis en cause par l’administration fiscale française.

Il en résulterait donc une imposition en France en qualité de résident fiscal français.

Nous tenons également à souligner que le Conseil d’Etat est très récemment venu se prononcer au sujet d’une personne exonérée d’impôt pour en conclure qu’elle n’avait pas la qualité de résident au sens conventionnel.

En effet, par un arrêt du 9 novembre 2015, le Conseil d’Etat a précisé qu’une personne exonérée d’impôt en Allemagne n’avait pas la qualité de résident pour l’application de la convention franco-allemande et ne pouvait donc pas bénéficier du taux réduit de retenue à la source sur les dividendes qui lui ont été distribués par une société française.

Il s’agissait en l’espèce d’un organisme de retraite allemand exonéré d’impôt sur les sociétés en Allemagne.

Le Conseil d’Etat s’est basé sur l’article 2 de ladite convention qui définit son champ d’application pour considérer que dans la mesure où l’objet principal de la convention est d’éviter les doubles impositions, qu’une personne exonérée d’impôt dans un Etat à raison de son statut ou de son activité ne pouvait être regardée comme assujettie à cet impôt au sens de la convention, ni par voie de conséquence, comme résident de cet Etat.

A noter que par un arrêt du même jour, le Conseil d’Etat a retenu une solution identique pour l’application de la convention franco-espagnole à des fonds de pension espagnols exonérés d’impôt sur les sociétés en Espagne.

Georges-David BENAYOUN Avocat spécialisé en droit fiscal Mélissa PUN, Avocate. [mail->gdb@cbavocats.com]
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