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La France se dote d’une nouvelle réglementation sur les drones civils avec les arrêtés du 17 décembre 2015. Par Thierry Vallat, Avocat.
Parution : mardi 29 décembre 2015
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Avec la publication le 24 décembre dernier des deux nouveaux arrêtés « espace » et « conception » signés le 17 décembre 2015, la France met enfin à jour sa réglementation en matière de drones civils, dont l’explosion que ce soit pour les activités professionnelles ou pour les drones de loisirs rendait obsolètes les deux précédents textes d’avril 2012.

La France avait été l’un des premiers pays à encadrer juridiquement l’usage des drones civils avec deux arrêtés du 11 avril 2012 définissant la réglementation pour l’usage de drones :
- un premier arrêté relatif aux conditions d’insertion dans l’espace aérien ;
- un second arrêté relatif à la conception, aux conditions d’utilisation et aux capacités requises pour les télépilotes.

Force était cependant de constater que les drones civils devenaient de plus en plus nombreux dans l’espace aérien hexagonal et qu’il devenait urgent d’actualiser les textes.
On estime en effet à plus de 100.000, les drones de loisirs vendus en 2014 et l’exercice 2015 ne dérogera pas à cet engouement, conforté par une utilisation de plus en plus poussée à titre professionnelle des aéronefs télépilotés sans personne à bord (drones-journalisme, agriculture, surveillance, sécurité etc.)
Pour l’aéromodélisme (drone de loisirs) comme pour les activités particulières, les nouveaux textes ne changent cependant pas la donne : l’accès à l’espace aérien est libre en dessous de 150 m (ou 50 m dans certaines zones de manœuvres militaires).
Mais, seuls les vols en vue sont autorisés pour les aéromodèles. Un aéronef télépiloté est dit « évoluer en vue » lorsque ses évolutions se situent à une distance du télépilote telle que celui-ci conserve une vue directe sur l’aéronef et une vue dégagée sur l’environnement aérien permettant de détecter tout rapprochement d’aéronef et de prévenir les collisions. Dans les autres cas, il est dit « évoluer hors vue ». Dans cette définition, la vue directe est obtenue sans aucun dispositif optique autre que des verres correcteurs ou des lentilles de contact oculaires correctrices compensant une anomalie visuelle.

Attention, les vols sont autorisés seulement de jour et toujours :
- en dehors des agglomérations et des rassemblements de personnes ou d’animaux ;
en dehors des zones proches des aérodromes ;
- en dehors des espaces aériens spécifiquement réglementés qui figurent sur les cartes aéronautiques.

Donc, pas de vols nocturnes (sauf zone dédiée) ou à proximité des aéroports.
En revanche, il n’est plus interdit de survoler les rassemblements en zones de campagne.

Le survol des agglomérations ou des rassemblements de personnes n’est possible que dans le cadre d’une autorisation préfectorale délivrée après avis du service de la défense et de la direction régionale de l’aviation civile.

Pour les activités à proximité des aérodromes, dans des espaces réglementés, ou au-dessus de 150m, il faudra prendre contact avec les services de la direction régionale de l’aviation civile. Leur autorisation sera soumise à l’établissement d’un protocole avec les responsables de l’aérodrome ou de la zone d’espace aérien concerné. C’est dans ce cadre que des activités d’aéromodélisme peuvent notamment trouver place sur des aérodromes d’aviation générale.

Nouveauté de la nouvelle règlementation, le télépilote d’un drone doit pouvoir détecter « visuellement et auditivement tout rapprochement d’aéronef », ce qui va exclure de facto les personnes sourdes et malentendantes.
Le pilotage d’un drone de loisirs à distance "hors vue" est toléré, sous réserve de rester à moins de 200 mètres du pilote et de ne pas voler à plus de 50 mètres de hauteur. Et il faut en outre qu’une seconde personne ait l’engin en vue pour sécuriser le vol et prévenir le pilote en cas de danger.
En vol dit « hors de vue », il est interdit de voler dans les nuages.

Lorsque l’aéromodèle évolue de façon automatique, le télépilote doit par ailleurs être en mesure à tout instant d’en reprendre le contrôle manuel (par ailleurs possible pour un drone non télépiloté de moins de 1kg, de vol autonome n’excédant pas 8 minutes).

Enfin, le droniste devra céder le passage à tout aéronef habité et appliquer vis-à-vis des autres aéronefs qui circulent sans personne à bord les dispositions de prévention des abordages prévues par les règles de l’air annexées au règlement d’exécution (UE) n° 923/2012 (donc avec manœuvre d’évitement par la droite pour éviter toute collision).

Les règles de responsabilité des dommages causés par l’évolution de l’aéromodèle ou les objets qui s’en détachent aux personnes et aux biens de la surface ne sont pas modifiées (article L.61613-2 du Code des transports).
Si la mise en œuvre du drone s’est fait en violation des règles de sécurité, les dispositions pénales du Code des transports vont s’appliquer : peine maximale d’un an d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende (article L.6232-4 du Code des transports).

Dès lors qu’un drone est équipé (comme la plupart entre-eux) d’un appareil photo, d’une caméra mobile ou d’un capteur sonore, voire encore d’un dispositif de géolocalisation, il peut potentiellement porter atteinte à la vie privée, capter et diffuser des données personnelles.

Sachant que la prise de vue aérienne est réglementée par l’article D133-10 du Code de l’aviation civile et dans le respect de ses dispositions, les arrêtés précisent qu’il est possible de réaliser des prises de vue avec un aéromodèle, dans le cadre du loisir ou de la compétition, mais limitées à un but privé excluant un usage commercial publicitaire ou professionnel (les autres cas de prises de vue seront traités obligatoirement au titre des activités particulières).

Rappelons au passage que l’article 226-1 du Code pénal punit d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 45.000 euros le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui.

Les deux arrêtés de 2012 sont abrogés par les nouveaux textes du 17 décembre 2015 qui sont applicables dès le 1er janvier 2016.
La DGAC a annoncé une nouvelle note d’information ainsi qu’un guide pratique, à partir du 6 janvier prochain.

Précisons pour compléter qu’un nouvel arrêté « formation » fait actuellement l’objet d’une consultation publique avant sa publication en fin de premier trimestre 2016, afin de mettre en place un certificat pour les télépilotes d’activité particulières.

Enfin, il est plus que probable qu’à l’instar des Etats-Unis (depuis le 21 décembre 2015) et de la Chine, une obligation d’immatriculation et d’enregistrement des drones de loisirs sera prochainement mise en place, conformément aux vœux des instances européennes.

Thierry Vallat, Avocat www.thierryvallatavocat.com
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