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A qui va profiter la médiation de la consommation ? Par Jean-Louis Lascoux, président de l’EPMN.
Parution : lundi 11 janvier 2016
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Pour répondre aux exigences de la législation européenne, le gouvernement français a décrété (décret n° 2015-1382 du 30 octobre 2015), avec quelque précipitation et une concertation très fermée, que tous les professionnels ayant une activité en lien avec des particuliers devaient mettre en place des médiateurs de la consommation.

Les dispositifs amiables de résolution des différends mis en place par l’État ont pour objectif de désengorger les tribunaux. Mais ils ouvrent néanmoins aux consommateurs le recours à des modes amiables financés par les professionnels.

Ce financement a un caractère logique dans la mesure où le secteur d’activité producteur de différends en assume l’entière responsabilité. Le dispositif est obligatoire côté professionnel mais les consommateurs ne sont pas obligés d’y recourir et peuvent directement engager une procédure judiciaire. Cette modalité n’est pas avantageuse pour la médiation. Elle témoigne du peu de crédibilité a priori que le gouvernement concède à la médiation même.

Compte tenu de l’évolution européenne, et de l’idéologie juridique, il est néanmoins peu probable qu’un juge regarde avec bienveillance une saisine directe sans passer par un système de médiation.

Cela dit, la médiation a pour vocation de permettre de rétablir les meilleures conditions relationnelles que l’on trouve lors de l’établissement d’un accord, d’un contrat. Quel intérêt y a-t-il donc à enfermer la médiation dans une approche juridique ?

Le texte n’est pas rassurant. Il est inquiétant de constater que la médiation se retrouve placée sous la tutelle juridico-judiciaire, qu’elle ressemble à la conciliation, dont l’échec perdure depuis plusieurs décennies. La question de la crédibilité est ainsi très clairement posée.

Renommer un processus ne va pas permettre d’en assurer la réussite. Chercher à rétablir un dialogue et l’enfermer dans un vocabulaire juridique apparait bien contradictoire. Le droit n’est que la conséquence d’une relation, en aucune manière ce qui la motive. On ne résout pas les plus graves difficultés en traitant les conséquences.

Les médiateurs professionnels sont étonnés, alors qu’ils sont à l’origine de la professionnalisation de la médiation, de la définition du processus structuré de la médiation, de l’inspiration générale pour le renforcement de l’usage de la médiation jusqu’à son recours obligatoire, et enfin les promoteurs du droit à la médiation, au moyen de la discipline de la médiation professionnelle et de la qualité relationnelle, ils sont étonnés de ne pas être inclus dans cette commission qui doit examiner les médiateurs de la consommation. Ils expriment leur crainte d’une plus grande dérive de la médiation placée sous tutelle qui ne garantira rien pour les consommateurs et pas plus pour les professionnels, puisqu’elle sera aux mains d’un lobby qui craint de perdre le terrain du contentieux.

Les médiateurs professionnels affirment leur choix éthique de promouvoir la qualité des relations et que c’est au travers de cette promotion que les meilleurs résultats s’obtiennent autant dans l’accompagnement de projet que dans la résolution de différends.

Les médiateurs professionnels attendent donc que le gouvernement respecte les principes du dialogue social et sollicite la CPMN en tant qu’organisation professionnelle syndicale pour la mise en place de toute commission et dispositif qui concernent la médiation.

Code de la médiation

Jean-Louis Lascoux, auteur du Dictionnaire de la Médiation (ESF) ; Pratique de la Médiation Professionnelle (ESF) ; Médiation en milieux hostiles (ESF). Président du centre de recherche en entente interpersonnelle et sociale et ingénierie relationnelle - www.creisir.fr
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