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Accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et atteinte au secret des correspondances. Par Dalila Madjid, Avocat.
Parution : mardi 19 janvier 2016
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Un administrateur réseau d’une société était prévenu des chefs d’atteinte au secret des correspondances émises par voie électronique, d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé des données.
Et une inspectrice du travail était prévenue des chefs de recel de bien provenant d’un délit puni d’une peine n’excédant pas 5 ans d’emprisonnement et de violation du secret professionnel.

Un administrateur réseau a copié, à partir des serveurs informatiques de la société dont il était salarié, des mails et des documents laissant entendre que cette société exerçait des pressions sur une inspectrice du travail et les avait adressés à cette dernière.

Ces informations ont été publiées dans la presse, la société a alors déposé plainte.

Par un jugement du 4 décembre 2015, le tribunal correctionnel d’Annecy a condamné l’administrateur réseau pour accès et maintien frauduleux dans un STAD et pour atteinte au secret des correspondances. L’inspectrice du travail a, quant à elle, été condamnée pour recel de correspondances électroniques et de données internes à la société victime des actes frauduleux et pour violation du secret professionnel.

Sur l’introduction et le maintien frauduleux dans le système informatique de la société :

Un administrateur réseau d’une société a admis avoir pénétré dans le système automatisé de traitement de données de la société dans laquelle il est salarié, à la recherche d’éléments le concernant.

Il a consulté les serveurs de fichiers sans lien avec sa fonction, s’y est maintenu dans une intention autre que celle d’exécuter son travail habituel de développement du WIFI.

Selon les juges, les documents copiés ne résultaient donc pas d’une découverte effectuée par hasard.

L’introduction et le maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données apparaissaient caractérisés, et il ne pouvait être considéré de bonne foi.

Sur la violation du secret des correspondances :

Il admet avoir effectué des copies d’écran des mails du directeur des ressources humaines après s’être introduit dans le répertoire ressources humaines. Il reconnait les avoir enregistrées sur la carte SD de son téléphone et les avoir transmis, en connaissance de cause, à l’inspectrice du travail.

Cela a été fait en violation de la charte d’utilisation des systèmes d’information et de communication annexe au règlement intérieur de la société.

L’administrateur réseau a contacté l’inspectrice du travail sur sa boîte professionnelle, lui a envoyé les documents sur une boite personnelle, a créé une boite spécifique pour cet envoi qu’il a supprimée par la suite. Il a demandé à rester anonyme, ayant donc parfaitement conscience d’agir en infraction à la loi, et en fraude à la charte informatique du groupe et au règlement intérieur de la société.

Selon les juges, l’interception, l’utilisation et le détournement de correspondances électroniques de mauvaise foi apparaissaient caractérisés.

Sur les faits reprochés à l’inspectrice du travail :

- Sur le recel de correspondance électronique et de données internes à la société provenant du délit d’interception de détournement d’utilisation ou de divulgation de mauvaise foi de correspondances émises transmises reçues par voie électronique :

Selon les juges, elle ne pouvait ignorer, tant par le contenu des mails, que par l’identité des destinataires, qu’ils avaient été obtenus sans l’accord des titulaires des boîtes mail ; l’évidence de cette connaissance était renforcée par l’organisation de leur envoi anonyme.

La connaissance de la provenance douteuse des documents et le fait qu’elle les ait utilisés suffit à caractériser l’élément intentionnel de l’infraction de recel.

L’infraction de recel de détournement de correspondance électronique apparaissait en conséquence constituée.

- Sur les faits de violation du secret professionnel :

Aux termes de l’article 226-13 du Code pénal, la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

« L’inspectrice du travail est, comme tout fonctionnaire, tenu au respect des dispositions de l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983 qui rappelle l’obligation de respecter le secret professionnel.

Il résulte des règles déontologiques applicables à la profession d’inspecteur du travail que pour l’inspection du travail le secret professionnel a pour objet dans l’intérêt des personnes de garantir la sécurité des confidences recueillies et de protéger les informations à caractère secret auxquelles elle a accès.

L’inspectrice du travail a estimé à la lecture des documents qui lui avaient été communiqués à titre personnel, sous couvert de l’anonymat, qu’ils attestaient de pressions de la société à son encontre, qu’ils étaient des éléments d’information nécessaires dans le conflit qui l’opposait à son supérieur hiérarchique et qu’ils devaient être portés à la connaissance du CNT qu’elle avait décidé de saisir.

Elle a ajouté dans son audition qu’elle avait dressé procès-verbal estimant que des infractions pénales étaient caractérisées. Pourtant elle n’avait pas encore, lors de cette audition, soit plus de six mois après la réception des documents, saisi le Procureur de la République des infractions qu’elle affirme constituées ; alors qu’elle avait transmis, dès décembre 2013, à sept organisations syndicales l’ensemble de ces documents.
Elle a, en outre, prétendu à tort dans son audition devant les services de gendarmerie que cette diffusion avait été faite en application d’un article du Code du travail.

Cette diffusion aux organisations syndicales a rendu possible la publication dans la presse et sur internet de ces documents internes à la société, diffusion qui a conduit à l’identification de l’administrateur réseau et à son licenciement de la société.

Cette large diffusion, qui ne se limite pas à la simple diffusion a l’éventuelle organisation syndicale chargée de défendre ses propres intérêts, ne saurait s’apparenter à l’exercice des droits de la défense déjà pleinement mis en œuvre par la saisine du CNT, où siègent des représentants d’organisations syndicales. Elle atteste d’un choix délibéré de communiquer des documents secrets et internes à une entreprise, avec une volonté de large diffusion, qui dépasse l’échelon individuel. »

Ainsi, selon les juges, l’inspectrice du travail ne saurait de ce fait invoquer un quelconque fait justificatif tiré de l’exercice des droits de la défense.

Les faits de violation du secret professionnel apparaissaient caractérisés.

Par conséquent, par jugement en date du 4 décembre 2015, l’administrateur réseau a été déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés. Il a, ainsi été condamné à une amende de 3500 euros assorti d’un sursis total. Quant à l’inspectrice du travail, qui a également été déclarée coupable des faits qui lui sont reprochés, a été condamnée au paiement d’une amende de 3500 euros assorti d’un sursis total.

L’administrateur réseau et l’inspectrice du travail ont été également été condamnés à payer solidairement un euro symbolique à la société, et 2500 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

(Jugement du Tribunal de grande instance d’Annecy, Chambre correctionnelle du 4 décembre 2015)

Dalila Madjid Avocat au Barreau de Paris e-mail: dalila.madjid@avocat-dm.fr blog : https://dalilamadjid.blog site : http://www.avocat-dm.fr/