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Locations de courtes durées : quels sont les risques ? Par Romain Rossi-Landi, Avocat.
Parution : vendredi 29 janvier 2016
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Depuis quelques temps, les locations courtes durées sont dans le collimateur de la mairie de Paris. Il faut dire que l’offre sur Internet d’appartements et de studios à louer pour quelques jours a explosé au cours des deux dernières années, notamment sur le site Airbnb.

La réglementation en vigueur est complexe et souvent méconnue des propriétaires parisiens qui sont tentés d’arrondir leurs fins de mois en louant leur appartement à des touristes.

Pourtant le non-respect de cette réglementation peut aboutir à de lourdes amendes civiles pouvant aller jusqu’à 25.000 €.

Il convient donc de rappeler ce qu’il est possible de faire et ce qui ne l’est pas.

Dans les communes de plus de 200.000 habitants, celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, la loi ALUR n°2014-366 du 24 mars 2014 a ajouté un dernier alinéa à l’article L 631-7 du Code de la construction et de l’habitation selon lequel :
« Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article  ».

Autrement dit, ces locations de courtes durées sont alors considérées comme destinées à un usage hôtelier et non plus à un usage d’habitation.

Ce changement d’usage nécessite alors une autorisation préalable de l’administration.

Cette autorisation (de la mairie de Paris) est quasiment impossible à obtenir puisque le propriétaire souhaitant louer son bien sur Internet doit impérativement présenter au soutien de son dossier, en compensation, un bien d’activité d’une surface équivalente ou du double dans le même arrondissement et s’engager à le transformer en local d’habitation…

Heureusement, une exception pour les résidences principales a été introduite par l’ ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015 – (art. 9)

En effet, l’article L. 631-7-1 A du Code de la construction et de l’habitation précise en son dernier alinéa « Lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L. 631-7 du présent Code ou celle prévue au présent article n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ».

Il reste donc à savoir comment est définie la résidence principale.

La résidence principale est définie par renvoi à l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi ALUR n°2014-366 du 24 mars 2014 selon lequel « la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation ».

Ainsi, en ce qui concerne la location de courte durée de la résidence principale, aucune autorisation préalable de changement d’usage n’est donc nécessaire, dès lors que l’appartement n’est pas loué plus de quatre mois dans l’année.

La mairie de Paris recrute de nouveaux inspecteurs afin d’accentuer ses contrôles et ce d’autant que les amendes sont reversées dans ses caisses.

Même si les sanctions peuvent être très lourdes sur le plan financier (amende civile jusqu’à 25.000 €) , les condamnations, en l’état actuel du droit, risquent d’être assez rares. En effet, il appartient au ministère public d’apporter la preuve du caractère secondaire de la résidence proposée à la location.

Et ce n’est pas chose facile.

Très récemment, dans une ordonnance en date du 21 janvier 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a débouté le procureur de la République de sa demande de condamnation du propriétaire d’un studio à une amende de 25.000 € pour avoir (prétendument) contrevenu aux dispositions du Code de la construction et de l’habitation précitées en louant ledit logement sur le site Airbnb.

« Echouant dans la preuve, qui lui incombe, de ce que la résidence de M. X ne bénéficierait pas de la dispense prévue par les dispositions de l’article 631-7-1-A Code de la construction et de l’habitation, le demandeur échoue donc également à démontrer que les locations temporaires que les défendeurs reconnaissent consentir de temps à autre dans cet appartement seraient illicites.
Au demeurant, à supposer - pour les seuls besoins du raisonnement - qu’un doute sur ce point puisse bénéficier au demandeur, l’enquête de piètre qualité menée au soutien de la demande, qui se limite à rassembler le témoignage de Mme Z à tout le moins suspect de partialité au vu des indications étayées des défendeurs sur leur contentieux de voisinage, et deux déclarations anonymes et donc invérifiables, en refusant, ou à tout le moins en négligeant de soumettre ces éléments au contradictoire des parties mises en cause, ne pourrait en toute hypothèse fonder suffisamment une éventuelle condamnation.
 »

Ainsi, le Parquet doit donc faire la preuve du caractère principal de la résidence sur le seul critère énoncé par la loi du 6 juillet 1989, à savoir le temps d’occupation dans l’année par le propriétaire.

Le parquet aura donc la lourde tâche de prouver que le propriétaire passe moins de huit mois par an dans son appartement.

Bref, les loueurs parisiens de courtes durées (tout comme Airbnb) ont encore de beaux jours devant eux…

Romain ROSSI-LANDI Avocat à la Cour www.rossi-landiavocat.fr