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Représentant unique du personnel : nullité du licenciement en l’absence de mention de l’assistance par un conseiller extérieur. Par Manuelle Puylagarde, Avocat.
Parution : vendredi 12 février 2016
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Lorsque l’entreprise ne compte qu’un représentant du personnel et que celui-ci est visé par une procédure de licenciement, la convocation à l’entretien préalable doit mentionner que le salarié protégé peut se faire assister par un conseiller extérieur, lors de l’entretien préalable au licenciement, à l’instar des salariés employés au sein d’entreprises dépourvues de représentants du personnel (CAA Paris, 8ème Chambre, 9 décembre 2013, n°s 13PA01670, 13PA01791 – CE 23 décembre 2014).

Le salarié dont le licenciement est envisagé peut se faire assister lors de l’entretien préalable. Cette assistance est prévue par l’article L. 1232-4 du Code du travail dans les termes suivants :

« Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.
Lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
La lettre de convocation à l’entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l’adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. »

Le conseiller intervient donc dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel, autrement dit, dépourvues de CE, DP, DS et de CHSCT (C. trav., art. L. 1232-4 et L. 1232-7 ; Circ. DRT n° 91-16 du 5 septembre 1991).

La présence ou l’absence d’IRP est appréciée non pas au niveau de l’établissement, mais au niveau de l’entreprise (Cass. soc., 26 novembre 1996, n° 95-42.457) ou de l’unité économique et sociale (Cass. soc., 21 septembre 2005, n° 03-44.810). Un salarié travaillant dans un établissement dépourvu d’IRP ne pourra faire appel à un conseiller pour l’assister que si aucun autre établissement de l’entreprise ne dispose d’IRP. Dans le cas contraire, il devra faire appel aux délégués de l’établissement qui en est pourvu.

La question de l’assistance par un conseiller du salarié n’était donc pas évidente s’agissant d’un représentant unique du personnel visé par une procédure de licenciement.

En l’espèce, il s’agissait d’un représentant du personnel dont l’autorisation de licenciement pour faute a été accordée par l’Inspection du travail. Le salarié a formé un recours gracieux devant le ministre du Travail au motif que la convocation à l’entretien préalable n’avait pas mentionné la faculté de se faire assister par un conseiller extérieur à l’entreprise alors qu’il était le seul représentant du personnel. Le ministre ayant validé la procédure, le salarié a saisi le tribunal administratif de Paris d’un recours pour excès de pouvoir aux fins d’obtenir l’annulation de la décision de l’Inspection du travail et de la décision du ministre du Travail, en arguant notamment que la lettre de convocation à l’entretien préalable qui lui avait été remise était contraire aux dispositions de l’article L. 1232-4 du Code du travail en l’empêchant de pouvoir être régulièrement assisté.

Il a fait valoir que :
-  le droit de se faire assister n’a de sens que si le salarié, objet de la procédure de licenciement, peut être assisté par une personne qui ne risque aucune rétorsion de la part de l’employeur ;
-  une interprétation littérale de l’article L. 1232-4 du Code du travail contreviendrait à la volonté du législateur ;
-  c’est d’ailleurs ainsi que l’interprète la circulaire du 5 septembre 1991.

Partant, l’absence de mention quant à la possibilité de se faire assister par un conseiller de son choix constituait selon lui la violation d’une formalité substantielle.

De son côté la société a argué que la convocation était régulière puisque le salarié avait la possibilité d’être assisté par un membre du personnel.

Par jugement du 4 avril 2013, le tribunal administratif de Paris a décidé de prononcer l’annulation des décisions de l’Inspection du travail et du ministre du Travail en considérant que le salarié étant le seul représentant du personnel, la convocation à l’entretien préalable était par conséquent irrégulière en ce que la mention de la faculté de se faire assister d’un conseiller extérieur de son choix était absente, laquelle constituait une formalité substantielle.

La société a interjeté appel du jugement.

Les conclusions du rapporteur public étaient favorables à l’annulation du jugement du tribunal administratif et, corrélativement, à la confirmation de l’autorisation de procéder au licenciement. Par arrêt du 9 décembre 2013, la cour administrative d’appel de Paris n’en a pas moins décidé de confirmer le jugement et d’annuler la procédure de licenciement au motif qu’il résulte des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1232-7 du Code du travail relatives à l’assistance du salarié dans une entreprise dépourvue d’instances représentatives du personnel que « lorsque le salarié concerné est le seul représentant du personnel dans l’entreprise, sa situation doit être assimilée à celle dans laquelle se trouve tout salarié dont l’entreprise est dépourvue d’institution représentative du personnel ; que, dans cette hypothèse, l’omission, dans la lettre de convocation adressée par l’employeur, de l’indication de la faculté de se faire assister par un conseiller du salarié entache d’illégalité la décision administrative autorisant le licenciement du salarié. »

Par arrêt du 23 décembre 2014, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de la société, et l’annulation de l’autorisation de licenciement est devenue définitive.

Les entreprises doivent donc être particulièrement attentives à la rédaction de la convocation à l’entretien préalable d’un salarié protégé car, contrairement à la sanction prévue lorsque le salarié n’est pas protégé, il ne s’agit pas d’une irrégularité de procédure ouvrant droit à une indemnité maximale d’un mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-2) mais d’une illégalité entrainant l’annulation de l’autorisation de licencier lorsqu’elle a été accordée.

Le représentant unique du personnel doit donc être informé qu’il peut se faire assister soit par un de ses collègues, soit par un conseiller extérieur inscrit sur une liste établie par le préfet au niveau départemental.

Manuelle PUYLAGARDE Avocat - Médiateur MPS AVOCATS
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