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Le CDD : la vraie fausse bonne solution pour obtenir de la flexibilité. Par Nathalie Kelyor, Avocat.
Parution : mardi 15 mars 2016
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C’est dans l’air du temps d’entendre que les entreprises ont recours de manière massive à des embauches en CDD pour se garantir une certaine flexibilité.

Mais est-ce la bonne solution ? N’y a-t-il pas de gros risques à agir de la sorte ?

Pour rappel, les règles principales régissant ce type de contrat sont les suivantes :
Le CDD ne peut être conclu que pour les motifs limitativement cités dans le Code du travail (article L1242-2), à savoir :
-  remplacement d’un salarié ou du dirigeant d’entreprise absent ;
-  accroissement temporaire d’activité ;
-  exécution de travaux temporaires par nature (notamment emplois saisonniers, vendanges,…) ;
-  remplacement d’un chef d’exploitation agricole ou d’entreprise, d’un aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur conjoint.

Ce contrat, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise article L1242-1 du Code du travail). Le contrat à durée déterminée doit être écrit et être conclu avant tout début de travail.

Ces dispositions, ainsi que celles encore nombreuses non rappelées ici, sont interprétées très strictement par les tribunaux. Dès lors qu’une seule de ces règles n’est pas respectée, le contrat est requalifié en CDI, cette requalification entrainant le paiement d’une indemnité d’un mois de salaire.

Vous me direz que ce n’est pas cher payé pour se garantir une fin de contrat automatique.

Or, les risques sont en réalité beaucoup plus importants.

En effet, si le contrat est requalifié en CDI, il sera considéré comme ayant été conclu à durée indéterminée dès l’origine. En cas de succession de CDD avec la même personne, même entrecoupée de « pauses », l’ancienneté du salarié pourra remonter au premier CDD.

Ainsi, si à l’arrivée du terme du contrat que nous pensions à durée déterminée, les relations contractuelles entre l’employeur ont pris fin, il suffira au salarié de saisir le conseil de prud’hommes non seulement d’une demande de requalification du contrat en CDI mais aussi de demandes tendant à voir qualifier la rupture du contrat en licenciement abusif.

Le raisonnement est le suivant : le CDD était en réalité un CDI et ne pouvait donc pas être rompu par l’arrivée du terme. Les relations contractuelles ayant pris fin, cela équivaut à un licenciement qui, à défaut de procédure, de lettre de licenciement et de motif, est nécessairement abusif.

Le tarif est alors beaucoup plus élevé : indemnité de requalification en CDI, soit un mois de salaire, indemnité de rupture (indemnité de licenciement et de préavis en fonction de l’ancienneté et de la convention collective) et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (en fonction de l’ancienneté du salarié).

Outre ce risque financier, le recours au CDD présente un autre risque. En effet, le contrat fixe la durée des relations contractuelles. Il est impossible de mettre un terme au contrat avant l’arrivée du terme ainsi prévu, sauf faute grave, force majeure ou inaptitude constatée par le médecin du travail.

Ainsi, ce contrat utilisé pour garantir de la flexibilité vous lie de manière encore plus stricte qu’un contrat à durée indéterminée, puisqu’une simple faute du salarié ne peut pas vous permettre de rompre le contrat.

Pour rappel, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Elle est par conséquent rare et très difficilement admise par les tribunaux dans les cas de rupture de CDD.

Enfin et en tout dernier lieu, le recours au CDD pour un remplacement doit être manié avec prudence en cas de multiplication d’absences du salarié à remplacer. En effet, il faut bien garder en tête que dans cette hypothèse, le contrat est conclu pour la durée de l’absence. Dès lors que le salarié remplacé reprend le travail, le CDD prend fin et ce, même si la reprise ne dure que quelques heures et est suivie d’une nouvelle absence. Il faut alors, pour éviter la requalification du CDD de remplacement en CDI, conclure un nouveau CDD pour chaque nouvelle absence.

Le recours au CDD n’est donc en rien la solution miracle présentée par beaucoup. Il est tout au contraire très peu flexible et présente des risques indéniables.

Le recours au CDI avec la fixation d’une période d’essai la plus longue possible en fonction des dispositions de la convention collective applicable à votre secteur apparait comme une bien meilleure solution.

Attention toutefois au renouvellement qui pour être valable doit être prévu par la convention collective et le contrat de travail. A défaut, le renouvellement ne sera pas opposable au salarié et toute rupture de contrat pendant cette période de renouvellement sera considérée comme un licenciement abusif faute de procédure et de motivation.

Me Nathalie KELYOR Cabinet KELYOR Barreau de Meaux 41 Quai du Pré Long - 77400 LAGNY SUR MARNE