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Crédits immobiliers aux particuliers : nouveau cadre juridique. Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : jeudi 31 mars 2016
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Les liens intimes entre la qualité des normes juridiques et l’efficacité d’un marché ne sont plus à démontrer. Les crédits aux particuliers, notamment immobiliers, se présentent comme un marché de masse. C’est dire que la parution, par épisodes, du très attendu nouveau Livre Troisième (Endettement), Titre I (Crédit), Chapitre III (Crédit immobilier) du Code de la consommation porte des enjeux de première importance (Ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016).

Formant un texte essentiel du point de vue de la protection des emprunteurs, il se veut indispensable à l’équilibre et à la qualité du marché du crédit immobilier. Avant même la parution des attendues dispositions purement réglementaires, qui seront essentielles, il apporte déjà un dessin global - avec des insuffisances conceptuelles.

Un cadre d’exercice unifié pour la distribution bancaire, des obligations divergentes à délivrer : voici les grands traits du nouveau régime du droit du crédit immobilier.

1 – Des fondements juridiques précisant et renouvelant profondément le droit du crédit immobilier.

Le marché des crédits immobiliers forme un incontestable marché de masse, désormais doté d’un nouveau cadre juridique, dont les grandes lignes attendent d’essentielles précisions par décret.

1.1. Un marché de masse. Le marché des crédits figure indubitablement parmi les grands marchés de masse en France : près de 1.055 milliards d’euros d’encours, à fin 2015, avec une production mensuelle de l’ordre de 15 milliards d’euros (même, avec des points à plus de 20 milliards d’euros, à deux reprises, durant l’année 2015 ; Banque de France, Stat Infos, 5 février 2016).

Près d’un ménage sur trois (30,2 %, en 2015) détient un crédit immobilier (Observatoire des crédits aux ménages, 28e rapport, 2015), soit, sans doute, près de vingt millions de Français

La directive 2014/17/UE portant « sur les contrats de crédits aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel » s’insère donc en droit bancaire français.

Sa transposition se traduit par le renouveau du Code de la consommation ; celui-ci a d’abord subi un toilettage (Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, pour la partie législative, aménageant son plan par un nouvel ordonnancement de ses « Livres ».

Il se prolonge avec l’ordonnance n°2016-351 du 26 mars 201, pour la partie législative (JORF n°73, du 26 mars 2016). Le décret précisant les modalités de ces dispositions législatives est attendu.

1.2. Nouvelles codifications. L’article L. 311-1 de ce Code présente des définitions juridiques utiles. Le crédit à la consommation s’inscrit à partir de l’article L. 312-1. Le crédit immobilier est codifié aux articles L. 313-1, et suivants, L. 314-1 et suivants. Le traitement de situations de surendettement est placé au Livre VII (article L. 711-1 et suivants).

Les sanctions civiles ou pénales relatives aux infractions en crédit figurent aux articles L. 341-1 et suivants du Code de la consommation.

Le Code monétaire et financier voit également nombre d’articles modifiés, principalement pour la partie traitant des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, ou IOBSP.

Le champ d’application vise tous les crédits immobiliers aux particuliers (les crédits à vocation professionnelle sont exclus de ce régime), quels que soient leur montant et leur finalité ; les crédits pour travaux, non garantis par une hypothèque, supérieurs à 75.000 euros, seront désormais des crédits à la consommation (nouveaux articles L. 312-4 2° et L. 313-1 1° c du Code de la consommation).

2 – L’alignement positif et volontariste du cadre de la distribution bancaire, pour tous les distributeurs, Intermédiaires ou prêteurs.

Le couple « compétence / rémunération » est placé au cœur du cadre d’exercice de la distribution bancaire, commun à tous les distributeurs.

2.1. Homogénéité du cadre juridique de la distribution bancaire. La commercialisation des crédits immobiliers aux particuliers est désormais en partie assumée par des professionnels de la distribution bancaire, les IOBSP, courtiers en crédits, mandataires de banques ou mandataires des premiers et des seconds (articles L. 519-1 et suivants, du Code monétaire et financier). La distribution bancaire constitue une activité économique en soi, partagée par les prêteurs et par les intermédiaires.

La suppression de la limitation des chaînes d’intermédiaires (bancaires) à deux degrés et celle dite du non cumul des catégories (article R. 519-4 II du Code monétaire et financier), toutes deux sources de complexité inutile et sans effet pratique sur la protection des consommateurs, sera à examiner avec le décret.

De même, les relations de partenariat entre banques et intermédiaires sont soigneusement ignorées. Alors que tout emprunteur dispose de la liberté de choisir un courtier-IOBSP, les banques gardent la liberté intégrale de simplement refuser des demandes de crédits de la part des IOBSP avec lesquelles elles n’ont pas de conventions.

2.2. Compétence professionnelle pour tous les distributeurs. La directive 2014/17/UE introduit des « standards professionnels ». La plupart étaient déjà présents en droit français, mais seulement pour les IOBSP.

Des dispositions déjà mises en pratique par ces derniers sont étendues : formation et capacité professionnelle minimale, priorité donnée à l’intérêt de l’emprunteur (article 7 de la directive, art. L. 519-4-1 du Code monétaire et financier).

Le principe de la compétence professionnelle s’élargit à tous les distributeurs. Tout comme les IOBSP, les prêteurs doivent également justifier de compétences professionnelles de distribution dès l’entrée dans la profession ; ils doivent mettre à jour ces compétences tout au long de leurs activités professionnelles. Tout professionnel de la distribution bancaire possède et maintient à jour « des connaissances et compétences appropriées concernant l’élaboration, la proposition et l’octroi des contrats de crédit […], la fourniture de service de conseil […] ainsi que, le cas échéant, l’activité d’intermédiation  » (article L. 314-24 du Code de la consommation).

Au titre de cette compétence professionnelle, la formation continue de tous les distributeurs devient la règle. C’est une nouveauté, y compris pour les IOBSP.

Le principe de la détention d’une attestation individuelle de formation est rappelé (article L. 314-24 du Code de la consommation et art. L. 6353-1 du Code du travail).

2.3. Rémunération encadrée de tous les distributeurs de crédits. Parmi les points nouveaux, la question - forcément sensible - de la rémunération des distributeurs, des vendeurs de crédits, se voit davantage précisée. La rémunération des IOBSP par les établissements de crédits, ainsi que les systèmes de rémunérations internes aux IOBSP, ne doivent pas aller à l’encontre de l’intérêt du client (art. L. 314-23 du Code de la consommation).

Ce principe, déjà adopté par les IOBSP, est étendu aux prêteurs agissant en tant que distributeurs directs. Désormais, « les prêteurs agissent d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle, au mieux des droits et des intérêts des consommateurs » (article L. 314-22 du Code de la consommation). Un bouleversement pour la relation « banque-client ».

Parmi les points en suspens, il ne faudra pas assimiler la rémunération d’un courtier-IOBSP par un établissement de crédit avec l’enfreinte systématique de l’intérêt du client. En effet, en rémunérant le courtier-IOBSP (ou le mandataire non exclusif-IOBSP), la banque assume simplement le coût de distribution qu’elle transfère à l’Intermédiaire.

2.4. Regroupement du crédit mieux protégé. Redoutées à juste titre, les conséquences négatives de la directive sur le marché du regroupement de crédits ont été finalement écartées, par l’Arrêté du 16 juin 2016

La directive pouvait avoir pour conséquence que le regroupement de crédit relève du crédit immobilier dès qu’un euro de crédit immobilier s’y trouve. Mais cette disposition n’avait pas de caractère impératif.

Un regroupement de crédits peut réunir à la fois des crédits immobiliers, des crédits à la consommation, et même des créances (« LS1 » et « LS2 »). Cette distinction est maintenue (articles L. 314-10 et suivants du Code de la consommation, notamment, article L. 314-11, dans le nouveau Code de la consommation).

Le Code de la consommation adapte les règles applicables au regroupement de crédit au nouveau périmètre du régime du crédit immobilier.

Les regroupement de crédit relèvent, soit du crédit immobilier (articles L. 313-1 1° et s. du Code de la consommation), si la part relative de crédit(s) immobilier(s) dans le regroupement est supérieure (ou égale) à 60%, soit du crédit à la consommation si cette part est inférieure à 60%. L’Arrêté du 16 juin 2016 apporte cette précision, quant aux catégories à retenir pour le calcul des taux d’usure applicables aux différents prêts aux particuliers.

Cette disposition préserve, simplement, le droit antérieur et permet le déploiement du regroupement de crédit, notamment auprès de personnes en fragilité financière due à la structure de leur endettement. Désormais très sérieusement encadré, il offre un haut niveau de protection des emprunteurs.

2.5. Création du « passeport européen » d’IOBSP. Le marché intérieur de l’Union offre un « espace sans frontière intérieure ». En théorie. La directive tire toutes les conséquences de la nécessité « de développer, au sein de cet espace, un marché du crédit plus performant et plus transparent » (Directive, préambule, 2).

Elle étend, et c’est positif, aux IOBSP la possibilité de travailler directement en partenariats avec des établissements de crédits de l’Union européenne. Jusqu’à présent, il fallait que la banque étrangère dispose d’une implantation en France, au titre de l’un des dispositifs d’exercice existants.

La formulation inadéquate des obligations précontractuelles des distributeurs, le recul sans raison devant la généralisation de l’obligation de conseil en crédits, risquent de compromettre l’équilibre du nouveau cadre de distribution bancaire.

3 - Les incohérences du dispositif d’obligations précontractuelles des distributeurs, préjudiciables à la protection de l’emprunteur en crédit immobilier.

Avec la confirmation de l’encadrement strict de la communication publicitaire, les normes de présentation (du professionnel), d’information, d’explication (ou de mise en garde ou d’alerte) et de conseil (à l’emprunteur) assemblent la charpente juridique de la phase précontractuelle.

Or, la question du conseil en crédits demeure particulièrement mal résolue.

3.1. Obligation de présentation du professionnel. La présentation du professionnel est assurée au moyen d’une série d’informations à délivrer. Ces dernières diffèrent pour le prêteur (article 13 de la directive) et pour l’intermédiaire (article 15 de cette même directive). Elles revêtent un caractère permanent, et sont étrangères au profil de l’emprunteur, comme à celui du crédit envisagé.

Outre des éléments de pure identification, le prêteur doit délivrer des informations générales sur les crédits qu’il conçoit. Pour l’intermédiaire, les données de présentation rejoignent celles déjà en vigueur (art. L. 519-4-2 et R. 519-20 du Code monétaire et financier), avec des précisions dès l’entrée en relation quant à son mode de rémunération.

3.2. Obligation d’information. Une fiche standard (FISE, Fiche d’Information Standardisée Européenne) vient essentiellement matérialiser cette obligation précontractuelle d’information.

Riche de quinze rubriques, la Fiche d’Information Standardisée Européenne (FISE, Annexe II de la Directive) décrit les informations substantielles du contrat. Son but consiste à faciliter les comparaisons. Elle est remise « au plus tard lors de l’émission de l’offre de crédit » (article L. 313-7 du Code de la consommation), soit par le prêteur soit par l’IOBSP.

La notion de « taux effectif » évolue. Plus complète que celle de taux nominal, indicateur qui détermine financièrement la masse d’intérêts du prêt, elle délaisse le TEG pour lui substituer le taux effectif annualisé global, ou TAEG (art. L. 314-3 du Code de la consommation), déjà pratiqué pour les crédits à la consommation. Ce TAEG reçoit une formulation européenne unique (Annexe I de la Directive) ; tous les TAEG des crédits aux particuliers octroyés sur le territoire de l’Union sont donc désormais calculés selon une même formule financière.

A l’exception notable des « frais de notaire », l’assiette de calcul du TAEG ne diffère pas de celle du TEG. Mais le calcul du TAEG repose sur la méthode équivalente, alors que le TEG était proportionnel. Le décret fournira le détail de son assiette (art. L. 314-4 du Code de la consommation).

Ces dispositions européennes relatives à la FISE et au TAEG sont d’harmonisation maximale.

Le délai de réflexion ainsi que le régime des remboursements par anticipation est largement laissé à l’appréciation des Etats membres.

3.3. Obligation d’explication. Pour étoffer l’obligation précontractuelle d’explication, l’analyse de la solvabilité et de la qualité du bien immobilier se renforcent. Leurs interactions vont créer un champ nouveau, en droit français du crédit.

Il s’agit, pour le prêteur comme pour l’intermédiaire de crédit, de fournir « gratuitement à l’emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le ou les contrats de crédit proposés et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière » (nouveaux articles L. 313-11 et L. 314-22 du Code de la consommation). « Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l’emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui » (article L. 313-12 du même Code).

L’obligation d’explication est également désignée en droit français par « obligation de mise en garde ». Leurs contenus sont identiques, comme le constatent beaucoup de juristes. La notion très française d’emprunteur « averti » est gommée, tout comme en crédit à la consommation. Le devoir de mise en garde/d’explication est dû à tous les emprunteurs.

L’identification « des risques que la durée du contrat fait courir à l’emprunteur » (art. L. 313-22 du Code de la consommation) prend une place centrale. L’approfondissement de l’analyse de solvabilité de l’emprunteur matérialise cette obligation d’explication. Cette obligation du prêteur, ou de l’intermédiaire, avant tout octroi de crédit immobilier, n’était auparavant pas codifiée ; elle s’impose, désormais, sans ambiguïté : « avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur procède à une évaluation rigoureuse de la solvabilité » (art. L. 313-16 du Code de la consommation).

La notion de la solvabilité est définie comme la « probabilité qu’il [l’emprunteur] remplisse ses obligations au terme du contrat de crédit ». Vérifier la solvabilité consiste donc à « prendre en compte les facteurs pertinents permettant de vérifier » cette probabilité (art. 18 de la directive et art. L. 313-16 du Code de la consommation). Le Code de la consommation précise que ces facteurs sont « les informations nécessaires, suffisantes et proportionnées relatives aux revenus et dépenses de l’emprunteur » ainsi que « d’autres critères économiques et financiers  ». Les modalités de cette pratique bancaire fondamentale figureront au décret (art. L. 313-19 du Code de la consommation).

La nécessaire coopération de bonne foi du demandeur de crédit est, à cette occasion, rappelée (art. L. 313-17 du Code de la consommation).

Pour le prêteur, l’analyse requise par la délivrance de l’obligation d’explication passe par la consultation, systématique, du fichier des incidents de paiement (article L. 751-1 du Code de la consommation).

Au titre des « autres critères économiques et financiers » l’introduction de l’évaluation du bien immobilier (art. L. 313-20 du Code de la consommation) apporte un complément financier à l’analyse de la solvabilité. Le rapport entre le montant du prêt et la valeur du bien (dite « loan to value ») devra être connu plus finement. Il fait l’objet d’un rapport écrit (art. L. 313-22 du Code de la consommation).

3.4. Obligation de conseil en crédits. La directive introduit, c’est notable, un régime de conseil en crédits (art. 22, article L. 313-13 du Code de la consommation et article L. 519-1-1 du Code monétaire et financier). Elle pose la séparation de ce service de l’octroi ou de la distribution. Voici - enfin - l’introduction du conseil en crédits, indépendant de la commercialisation des contrats. Mais il n’est pas généralisé de manière impérative et il reste facultatif. Sa généralisation aux emprunteurs particuliers reste totalement fondée. De plus, son contenu n’est pas identique selon qu’il est délivré par un Intermédiaire ou par un prêteur. En dépit de ce regrettable déséquilibre, ce principe est certainement appelé à un beau développement.

L’obligation de conseil en crédit n’est pas impérative.

Le renforcement de l’obligation d’information, portée sur les crédits à taux variables (art. L. 313-46 et s. du Code de la consommation), en monnaie étrangère ou sur les modalités du remboursement par anticipation, frôle le conseil, puisqu’elle peut amener à dissuader de la souscription d’un contrat inadéquat. Elle est impérative. Ces crédits, sources de litiges, offriront d’intéressants supports à l’examen pratique des frontières entre obligation d’information, d’explication et de conseil.

Optionnel, le conseil en crédit trouve au passage une définition. Sans surprise : « le service de conseil consiste en la fourniture à l’emprunteur de recommandations personnalisées en ce qui concerne un ou plusieurs contrats de crédit » (art. L. 313-13 du Code de la consommation). Le décret relatif aux dispositions réglementaires en précisera les contours détaillés.

Ce conseil en crédit vient modifier la définition de l’Intermédiaire bancaire (art. L. 519-1 du Code monétaire et financier). Est intermédiaire, celui qui fournit ce conseil indépendant (nouvel article L. 519-1 du CMF). Pourtant, ce même conseil « constitue une activité distincte de l’octroi de crédit et de l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement » (art. L. 519-1-1 du même Code monétaire). Difficile à ce stade de dire si l’activité de conseil en crédits relève, ou non, de l’intermédiation.

En droit français antérieur au 25 mars 2016, seuls les courtiers-IOBSP (art. L. 519-1 et R. 519-4 1° du Code monétaire et financier) sont clairement débiteurs d’une obligation de conseil, y compris en crédits (art. L. 519-4-1, R. 519-19, R. 519-27 à R. 519-31 du Code monétaire, Conseil d’Etat, 24 juin 2013 n°363544).

La rémunération de ce conseil en crédit peut, par dérogation, être effective hors de toute mise à disposition des fonds (art. L. 519-6-1, dérogatoire à l’art. L. 519-6 du Code monétaire et financier).

Déjà optionnelle, l’obligation de conseil en crédits se révèle de surcroît différente, selon le professionnel concerné.

De manière surprenante, le périmètre du conseil en crédits n’est pas identique pour le courtier-IOBSP (qui n’a pas le choix de s’en dispenser), pour le mandataire-IOBSP (qui peut choisir, ou non, de l’adopter) et pour le distributeur préposé du prêteur (qui peut, également, choisir ou non d’en faire usage). En effet, alors que le conseil en crédits de l’IOBSP, courtier ou intermédiaire, suppose de prendre en considération « un nombre suffisamment important de contrats de crédit disponibles sur le marché » (article L. 313-13 du Code de la consommation, art. L. 519-1-1 et art. R. 519-28 du Code monétaire et financier, pour les seuls Courtiers), le même « conseil en crédit » du prêteur ou de son mandataire-IOBSP repose sur « un nombre suffisamment important de contrats de crédit de leur gamme de produits » (mêmes articles L. 313-13 du Code de la consommation et L. 519-1-1 du Code monétaire et financier).

Conception étonnante que celle qui consiste à donner deux définitions différentes à un même acte juridique, identiquement nommé.

Quoi qu’il en soit, il appartient donc au professionnel d’afficher explicitement s’il délivre, ou non, un conseil en crédit. Ce sera l’occasion de constater combien de banques déployant des « conseillers en crédit » proposeront effectivement du conseil en crédit… Seuls les distributeurs respectant les principes posés pourront se prévaloir de la dénomination, nouvelle, de « conseiller indépendant » (art. L. 131-14 du Code de la consommation). Cette appellation distingue une nouvelle catégorie de distributeurs bancaires, en réalité, deux : le conseil en crédits du marché et le conseil en crédits d’une gamme.

Âprement débattue, cette sensible question du « conseil en crédits », fondamentale du point de vue de la protection des emprunteurs, et la manière dont les IOBSP devront matérialiser ce conseil (article R. 519-28 du Code monétaire et financier) figure parmi les apports finalement très mal éclaircis du nouveau droit du crédit immobilier.

Pour autant, la généralisation de l’obligation de conseil en crédits est inéluctable. Elle reviendra donc aux tribunaux, auxquels est de fait confié le soin de concevoir et de régler correctement le droit de la consommation bancaire.

Les amateurs reliront avec attention le récit d’Emmanuel Carrère, « D’autres vies que la mienne » (POL, 2009). Outre la dure peinture de la maladie, ce roman décrit le combat de juges d’instance en faveur des emprunteurs, afin de réintroduire dans les contrats de crédit l’équilibre que les producteurs de normes n’ont pas pris le soin d’y loger.

L’ensemble de ces nouvelles normes du crédit immobilier impose un dispositif complet de traçabilité. La preuve de leur délivrance incombe totalement aux professionnels et à chacun d’entre eux (article 1315 du Code civil, voir également l’article R. 132-1 12° du Code de la consommation).

En conclusion, gérer la diversité des situations sans générer des divergences de droit(s) s’inscrit au cœur de tout processus normatif.

Chaque exercice de transposition suggère d’abord l’occasion d’une forte ambition normative. Le crédit immobilier, par son importance économique, par les millions de particuliers concernés, par les professionnels engagés, méritait un peu d’audace.

Cette impulsion aurait pu porter, d’une part, sur la mise en cohérence du Code de la consommation et de la jurisprudence, par la clarification des principes, en serait-ce que par un basique effort de vocabulaire ou de définitions. Et, d’autre part, sur un juste équilibre des obligations des prêteurs-distributeurs et des intermédiaires-distributeurs, notamment, par une prise de position explicite sur la généralisation du conseil en crédits à tous les distributeurs, quels que soient leurs statuts. L’introduction de différences sans motivation juridique claire peut être regrettée.

Un immense marché de masse reçoit son nouveau cadre juridique, hors du législateur, dans la totale indifférence des politiques. Ces choix ne sont pas à la hauteur ni des enjeux de protection des consommateurs, ni de ceux d’un marché de la distribution bancaire plus équilibré et plus ouvert. Seule l’Union européenne poursuit l’harmonisation, européenne, comme nationale, des crédits aux particuliers.

Laurent Denis Juriste - Droit bancaire et financier - Droit et Conformité des Intermédiaires www.endroit-avocat.fr Intervenant en Formations bancaires (www.isfi.fr) www.droit-distribution-bancaire.fr
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