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La rupture du contrat de distribution en droit turc. Par Belgin Özdilmen, Avocat.
Parution : mercredi 4 mai 2016
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Pendant très longtemps, les investisseurs étrangers désireux d’intégrer le marché turc ont préféré ne pas investir directement et ont ainsi eu recours à des distributeurs turcs. En effet, c’est par le biais de contrats de distribution que ces investisseurs étrangers assuraient la distribution de leurs produits en Turquie. Depuis une décennie, ces investisseurs étrangers souhaitent désormais être directement présent sur le marché turc et à cette fin mettent fin aux contrats de distribution signés avec les distributeurs turcs. La rupture du contrat de distribution a très souvent provoquée une action en justice du distributeur tendant à l’obtention d’une compensation appropriée.

La rupture du contrat de distribution doit se faire dans le respect d’un certain nombre de modalités (I) sachant que les conséquences ne sont pas des moindres mais non insurmontables (II).

I. Les modalités de rupture du contrat de distribution

En droit turc, il n’existe pas de disposition particulière régissant le contrat de distribution qui peut alors être qualifié de contrat sui generis. Le juge a donc recours aux dispositions générales du Code des obligations relatives au contrat et, par analogie, aux dispositions du Code de commerce relatives à l’agent commercial. Toutefois, à la différence du contrat conclu avec l’agent commercial, le distributeur agit à son nom et pour son propre compte. Il n’est pas un simple intermédiaire et ne reçoit aucune commission en cas de vente réalisée. Le distributeur engage donc sa propre responsabilité.

En présence d’un contrat de distribution à durée déterminée, celui-ci prendra fin soit (i) à son terme soit (ii) pour juste motif tel qu’un manquement de l’une des parties à ses obligations prévues dans le contrat.

En présence d’un contrat de distribution à durée indéterminée, celui-ci peut toujours être résilié (i) immédiatement pour juste motif ou tout simplement (ii) sans motif de façon unilatérale. Dans les deux cas, la rupture doit être faite de façon écrite conformément à l’article 18 paragraphe 3 du Code de commerce turc.
Ainsi, la partie souhaitant mettre un terme au contrat doit en avertir l’autre partie par écrit soit via le notaire, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par télégraphe soit par courriel avec signature électronique.

S’agissant de la rupture sans juste motif, en plus de l’exigence d’un écrit, un délai de préavis doit être respecté. Selon l’article 121 du Code de commerce turc relatif au contrat d’agent commercial et qui s’applique par analogie au contrat de distribution, le délai de préavis est de trois mois.
Toutefois, en pratique et selon la jurisprudence de la Haute juridiction, il s’agit du délai minimum à respecter sachant que le juge en faisant usage de son pouvoir souverain doit prendre en considération la durée du contrat de distribution faisant l’objet de la rupture, le secteur d’activité ainsi que les enjeux économiques en cause.

Ainsi, en pratique le délai de préavis considéré comme étant un délai raisonnable par le magistrat turc est en moyenne de six mois. Ici, soulignons que même si un délai de préavis est prévu dans le contrat, le juge peut considérer celui-ci comme insuffisant selon les circonstances de l’espèce. Il est donc important pour l’investisseur étranger qui a eu recours au contrat de distribution de respecter un délai de préavis raisonnable pour rompre le contrat afin d’éviter le paiement de sommes astronomiques au distributeur.

II. Les conséquences de la rupture du contrat de distribution

Mécontent, le distributeur turc qui se trouve face à une rupture de son contrat de distribution n’hésitera pas à intenter une action en justice.

Ainsi, si le contrat a été rompu sans juste motif et sans respecter un délai de préavis raisonnable, le distributeur peut valablement requérir le versement de dommages et intérêts pour la perte de profits qui en résultent.

Le distributeur peut également demander une compensation pécuniaire pour les investissements réalisés dans le cadre du contrat de distribution. Il peut s’agir d’investissements pour la promotion du produit distribué, de l’embauche de personnel nécessaire pour la concrétisation des obligations découlant du contrat de distribution etc. Dans un tel cadre, le juge fait droit à la demande du distributeur uniquement si les investissements réalisés ont été approuvés par le fournisseur (investisseur étranger) dans la mesure où il est alors considéré que ce dernier a manqué à son obligation de loyauté.

Des dommages et intérêts pour préjudice moral peuvent également être requis par le distributeur considérant que sa réputation commerciale a été endommagée en raison de la rupture du contrat de distribution.

Enfin, en dehors des cas où le contrat a été rompu pour juste motif, la rupture du contrat de distribution à durée indéterminée par le fournisseur (investisseur étranger) entraine le versement d’une indemnité de portefeuille de clientèle au distributeur sous certaines conditions. Par analogie, ce sont les dispositions de l’article 122 du Code de commerce turc relatives au contrat d’agent commercial qui s’appliquent.
Ainsi, des indemnités de portefeuille de clientèle doivent être versées au distributeur si, suite à la rupture du contrat de distribution, le fournisseur (investisseur étranger) bénéficie d’avantages résultant du portefeuille de clientèle constitué par le distributeur et si le versement de ces indemnités est équitable. Le juge calcule cette indemnité en prenant en compte la moyenne des cinq dernières années du bénéfice net réalisé par le distributeur. Le distributeur doit requérir cette indemnité dans un délai de un an suite à la rupture du contrat de distribution.

Belgin ÖZDILMEN Avocat GÜRHAN LAW FIRM