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L’incidence de l’ordonnance n° 2016-131 sur les contrats internationaux. Par Marine Gherardi.
Parution : mercredi 8 juin 2016
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L’ordonnance portant réforme du droit des contrats intervient dans un contexte économique particulier. Cette réforme poursuit notamment un objectif d’harmonisation du droit français avec le droit européen, mais aussi avec les droits nationaux des autres États membres de l’Union européenne.

Avec le développement des nouvelles technologies, et notamment l’ère du numérique dans laquelle les contrats se retrouvent de plus en plus souvent avec une portée internationale, il est important de rendre le droit français lisible et accessible aux usagers étrangers ayant pour habitude de solliciter l’application d’autres droits nationaux.

Pour ce faire l’ordonnance s’est consacrée à plusieurs points fondamentaux tel que l’harmonisation avec le droit européen (1) et l’objectif d’attractivité du droit français (2), ce qui pourrait avoir un effet sur les droits nationaux qui nous entourent (3).

1. L’effort d’harmonisation avec le droit européen.

Dans un premier temps l’ordonnance n° 2016-131 portant réforme du Code civil tient compte de plusieurs travaux de droit européen.
L’ordonnance tient compte des différents projets d’harmonisation du droit européen avec les droits nationaux des différents États membres. Notamment la proposition de règlement du droit commun européen de la vente (DCEV).

Parce que le droit des contrats est en constante évolution notamment avec l’ère du numérique et tout ce qui se rapporte aux contrats électroniques (contrats dépersonnalisés, dématérialisés et internationaux), il était important pour la France, afin de ne pas se laisser dépasser juridiquement, de réformer entièrement tant le droit des contrats que le régime général et la preuve des obligations.
Cet effort d’harmonisation vient notamment de l’envie de se rapprocher des droits des différents États membres. A l’heure où les nouvelles technologies sont présentes dans la vie de chacun aussi bien dans un contexte personnel que professionnel, les différents acteurs de la vie économique, prestataires de services divers et variés, sont à même de devenir les parties d’un même contrat sans jamais se trouver au même endroit sur un plan géographique, tout en se rapprochant via l’utilisation démocratisé du numérique. C’est à cet égard que le législateur français a compris l’importance d’une refonte du droit des contrats, de la preuve et du régime général des obligations, afin de pouvoir apporter un niveau de sécurité juridique suffisant pour que d’une part les acteurs économiques français aient envie de conclure des contrats avec des prestataires étrangers et d’autres part que les prestataires étrangers est envie de faire le choix de l’application du droit français dans les contrats qu’ils souhaitent conclure.

2. Un regain d’attractivité du droit français.

Dans un second temps l’ordonnance portant réforme du Code civil poursuit un objectif de renforcement de l’attractivité du droit français en matière de contrat, tout aussi bien sur un plan politique, qu’économique. Pour ce faire la réforme se tourne vers un principe simple, et fondamental, celui de la sécurité juridique.

En effet, la réforme se voulait le plus clair, lisible, et donc le plus accessible possible afin d’atteindre un niveau maximum de sécurité juridique pour les cocontractants optant pour l’application du droit français à leurs contrats : il semblerait que ce soit une réussite, en partie au moins.
Parmi les nouvelles dispositions en vigueur, certaines notions reconnues en jurisprudence ont été définies et insérées dans le code ; c’est le cas de la théorie de l’imprévision qui est dans une certaine mesure rapprocher de l’état de dépendance économique. Cette théorie, devenu désormais un outil pratique, a pour but de ne pas faire supporter à une des parties au contrat un « surcoût » de l’exécution du contrat, sans que celui-ci ait été prévu. L’article 1195 dispose que le contrat peut être revu par les parties afin de renégocier le contrat pour retrouver un certain équilibre entre le coût de l’exécution et le bénéfice tiré du contrat. Dans le cas où cette renégociation échouerait, plusieurs dispositifs ont été prévus : soit les parties décident ensemble de la résolution du contrat (aux conditions qu’elles déterminent), soit les parties ont la possibilité pour de demander au juge de réviser et d’adapter le contrat, et enfin si aucun accord n’est trouvé dans un « délai raisonnable », le juge pourra réviser ou mettre fin au contrat.
D’autres notions, trop vagues comme la notion de cause du contrat, et qui participaient à l’éloignement du droit français d’autres droits nationaux, ont trouvé un porte de sortie bien que certains effets qui y étaient directement attachés soient encore d’actualité.

Concernant d’autres notions s’appliquant à tous les cocontractants, mais ayant été pensées dans une optique de protection de la partie dite « faible » au contrat - celle qui n’a pas ou peu accès à l’information et qui pourrait être rapproché du consommateur tel que définit en droit de la consommation - le législateur a choisi, pour certaines, d’en faire des obligations d’ordre public afin que les cocontractants ne puissent ni y déroger ni les exclure, c’est le cas du devoir général d’information par exemple.
Ce nouveau seuil de sécurité juridique choisi par le législateur pour le droit français des obligations, fer de lance des relations économiques, devrait alors faciliter l’application du droit français dans les contrats de droit international.

3. L’impact indirect de la réforme sur les droits d’autres pays.

L’ordonnance n° 2016-131 portant réforme du Code civil pourrait avoir une incidence, indirecte, sur les droit des pays qui nous entoure et avec lesquels il est habituel de conclure des contrats. En effet, les changements apportés au Code civil pourrait devenir une source d’inspiration notamment pour les pays frontaliers avec lesquels des contrats sont conclus tous les jours grâce à l’ouverture des frontières mais qui restent soumis au droit français.
Chaque fois qu’un contrat international est régi par le droit français, tout le nouveau corps de règles du droit civil devient applicable, sauf dans la mesure ou le Code civil permet aux parties d’y déroger, ce qui n’est pas toujours le cas, notamment pour tous articles qui se veulent protecteur de la partie dite « faible » au contrat.

Cependant entre un regain d’attractivité passant par le renforcement de la sécurité juridique et une harmonisation via notamment la simplification du droit des contrats par la suppression de notions vagues et inexistantes dans d’autres droit d’une part et la consécration de notion d’ores et déjà reconnue en jurisprudence d’autre part, il y a fort à parier que les contrats de droit international penche pour le choix de droit français notamment lorsqu’au moins un des deux cocontractant est français.

Ce qu’il faut retenir : l’ordonnance semblent avoir rempli son objectif d’attractivité vis-à-vis des contrats internationaux par la volonté de se rapprocher du droit européen et des droits nationaux d’autres pays. Il faudra cependant patienter jusqu’à l’entrée en vigueur au premier octobre pour voir apparaître les premières applications pratiques.

Marine GHERARDI, Master 2 Droit et communication, Paris 2