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Précisions sur les possibilités de construire au sein d’un emplacement réservé. Par Antoine Louche, Avocat.
Parution : mercredi 6 juillet 2016
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Les emplacements réservés constituent des servitudes publiques qui peuvent couvrir un ou plusieurs terrains pour tout ou partie et destinées à encadrer la constructibilité sur ces derniers en vue d’une affectation prédéterminée.

La problématique des conséquences de cet emplacement en matière de constructibilité a donné lieu à une jurisprudence relativement abondante.

La décision commentée vient apporter une nouvelle précision en cette matière.

En principe, les services instructeurs sont tenus de refuser une demande de permis, même émanant de la personne bénéficiaire de la réserve, dont l’objet ne serait pas conforme à la destination prévue par l’emplacement réservé (CE, 14 octobre 1991, Association Cadre de vie des résidents de Courbevoie-Becon, n° 92532).

L’administration en cette matière est en situation de compétence liée.

Or, le cas de construction précaire, il existe donc un rapport de conformité entre le projet et l’emplacement réservé grevant le terrain (voir notamment en ce sens CE, 16 mai 2011, n°324967).

En l’espèce, une société avait sollicité un permis en vue de la réalisation d’un immeuble de 20 logements et d’un poste de redressement électrique de la RATP.

Ce projet occupait la totalité d’une parcelle appartenant au domaine public communal qui était grevé d’une servitude d’emplacement réservé pour la réalisation d’un poste de redressement de la RATP.
La parcelle en cause a finalement été déclassée et cédée à la RATP.

Des tiers ont contesté le permis délivré.

La question se posait donc de savoir si un projet dont l’une des composantes n’était pas conforme à la destination de la réserve est légal ?

Au visa des dispositions de l’article L. 123-1-5 du Code de l’urbanisme, le Conseil a indiqué que l’autorité administrative chargée de délivrer le permis de construire est tenue de refuser toute demande, même émanant de la personne bénéficiaire de la réserve, dont l’objet ne serait pas conforme à la destination de l’emplacement réservé, tant qu’aucune modification du plan local d’urbanisme emportant changement de la destination n’est intervenue.

Il a poursuivi en précisant qu’en revanche, un permis de construire portant à la fois sur l’opération en vue de laquelle l’emplacement a été réservé et sur un autre projet peut être légalement délivré, dès lors que ce dernier projet est compatible avec la destination assignée à l’emplacement réservé.

Autrement dit, pour construire sur une parcelle qui est grevée d’un emplacement réservé, la construction en cause doit correspondre à l’opération prévue par ledit emplacement mais peut également porter sur un autre type additionnel d’installation ou de construction, dès lors que cette dernière est compatible avec cet emplacement.

Il existe donc un double rapport et un contrôle asymétrique.

De conformité tout d’abord, entre la une partie de la construction ou installation par rapport à la destination de l’emplacement.

De compatibilité ensuite, entre une seconde destination de l’installation ou de la construction, par rapport audit emplacement.

Si l’annulation du permis en cause a été in fine confirmée, cette illégalité ne portait pas sur la mixité du projet.

Ce nouveau principe ouvre de nouvelles perspectives pour les promoteurs.

Références : CE, 20 juin 2016, n°386978 ; CE, 14 octobre 1991, Association "Cadre de vie des résidents de Courbevoie-Becon, n° 92532 ; CE, 16 mai 2011, n°324967

Antoine Louche, Avocat associé chez Altius Avocats www.altiusavocats.fr