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Les ONG et le droit international des changements climatiques. Par Adoni Nyamuke, Juriste.
Parution : vendredi 22 juillet 2016
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Depuis les premières décennies de la révolution industrielle avec la théorisation de l’effet de serre par le physicien français Joseph Fournier jusqu’à la vingt-et-unième conférence des parties à la Convention sur le climat entrée en vigueur en 1994, bien des efforts ont été effectués en vue de lutter contre le changement climatique et d’en réduire les conséquences. Changement climatique qui, rappelons-le, est causée principalement par la consommation des énergies fossiles mais aussi par la déforestation.

En effet, l’Homme ayant pris conscience que ses agissements étaient à la base de ce phénomène, commença à mettre en place plusieurs mécanismes en vue de protéger la planète contre les comportements qui provoquent sa détérioration.
Cependant, ces actions étaient principalement limitées aux États et organisations internationales, sujets classique du droit international.

La participation des ONG et la reconnaissance de leur action en droit international de l’environnement devient effective à partir de la conférence de Rio de 1992. Aussi, l’adoption de l’Agenda 21 va confirmer la participation de ces organismes sur le plan national et international.
Depuis lors il y a une réelle expansion des acteurs dans le droit international de l’environnement. Les régimes juridiques changements climatiques faisant partie de ce droit ne déroge pas à la règle. Ainsi, ce travail portant sur les ONG au regard du droit international des changements climatiques est subdivisé en deux partie. Dans la première partie nous parlerons de l’émergence des ONG en droit international l’environnement avant de plancher sur l’influence effective des ONG dans la formation du droit international des changements climatiques dans le la seconde partie.

I. L’émergence des ONG en droit international de l’environnement

Tel qu’évoqué dans la note introductive du présent travail, c’est lors de la Conférence de Rio de 1992 que la reconnaissance des actions des ONG en droit international de l’environnement devient effective.

A la lumière du chapitre 27.1 de l’agenda 21, les ONG sont appelées à jouer un rôle vital dans la mise en place des normes du DIE. Ce rôle passe par la mise en place des actions d’information et de participation.
Ainsi, de cette disposition se dégage plusieurs rôles essentiels que sont appelées à jouer les ONG. Cependant nous allons en analyser deux qui paraissent être principaux à savoir la sensibilisation et la participation.

A. La sensibilisation

La sensibilisation se voit être le rôle primordial et principal des ONG. Il consiste à informer les décideurs et les citoyens ou tout simplement à les sensibiliser sur les enjeux écologiques majeurs.

Cette sensibilisation se fait principalement à deux niveaux :

Les décideurs emploient les ONG en guise de relai dans la diffusion des informations sur l’environnement. Ici le rôle des ONG est d’accompagner les pouvoirs publics dans la démocratisation des enjeux et orientations des plans en phase d’articulation.

Il convient de rappeler que les ONG travaillent généralement sur le terrain. Ainsi, elles peuvent démontrer l’ineffectivité de certaines actions et en proposer d’autres plus efficaces. Leur présence sur le terrain leur permet d’être constamment informés des réalités environnementales des populations. Ainsi, elles peuvent présenter aux décideurs les situations réelles.
De ce qui précède nous constatons que dans le cadre de la sensibilisation, les ONG jouent un rôle d’intermédiaire entre les décideurs et les citoyens.

B. La participation

L’Agenda 21 dans sont chapitre 27 explique l’importance de l’implication des ONG : « renforcer les procédures et mécanismes existants par lesquels les ONG participent à la conception des politiques, à la prise des décisions, à l’exécution et à l’évaluation des activités au niveau de chaque organisme. »
Cependant il sied de noter que cette reconnaissance n’accorde pas aux ONG la personnalité au plan international ainsi elles ne peuvent se prévaloir des droits et devoirs accordés à des sujets du droit international classique.

II. L’influence effective des ONG dans la formation du droit international des changements climatiques.

L’influence des ONG sur le droit international des changements climatiques peut être directe ou indirecte. Elle est directe quand l’ONG participe activement à la rédaction d’une norme internationale, dans une conférence interétatique.

C’est le cas de la participation active de plusieurs ONG lors des négociations sur la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Elle est indirecte quand son influence s’exerce sur la formulation d’une politique globale qui va être concrétisée en normes juridiques, instaurées par les États.

A. Les ONG Impliquées lors des négociations sur la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

Lors des négociations pour la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques certaines ONG ont joué un rôle majeur. En effet, elles étaient impliquées dans les négociations dès le démarrage. Les ONG qui ont joué un rôle important dans l’évolution des négociations sont entre autres : World Wildlife Fonds (WWF) en français le Fonds mondial pour la nature, Greenpeace, Sierra Club et Worldwatch Institute.
Le Fonds mondial pour la nature (WWF) est la plus grande organisation environnementale indépendante. Il a des représentations nationales dans plus de cinquante pays et a réalisé des projets dans plus 100 pays.
Le WWF ayant accès à un large éventail d’acteurs nationaux, internationaux et dans les milieux d’affaires, joua un rôle important lors des négociations.
Greenpeace est la plus connue, en particulier grâce à son utilisation habile des médias de masse. Greenpeace a été activement impliqué dans les négociations pour la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Le Worldwatch Institute (WWI) joue également un rôle important lors des négociations sur le climat.
Loin d’être les seules, plusieurs autres ONG ont une part active à échelles différentes lors des négociations.

B. Implication des ONG dans l’adoption des Normes Internationales sur la protection de la nature

Les ONG ont pris une part active dans l’adoption des normes internationales sur la protection de la nature. Les ONG ont eu un rôle important dans la fixation de quotas pour le commerce de l’ivoire, au sein de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction, parce qu’elles étaient les seules à avoir des connexions avec le niveau local, et à posséder des données sur les chasseurs d’éléphants et le commerce illégal de l’ivoire.

Dans la Convention de Londres sur l’immersion des déchets en mer, la participation de Greenpeace a été importante, et à aidé à l’adoption, dès 1990, du principe de précaution.
L’Union internationale pour la conservation de la nature a une influence certaine sur les principaux accords internationaux environnementaux. La coopération de l’UICN avec les États s’opère en plusieurs dimensions : elle offre des propositions d’articles, par exemple pour la Convention de Aarhus, sur l’accès à l’information, la participation publique dans le processus et l’accès à la justice pour des questions environnementales.

Plus récemment lors de la COP21, plusieurs ONG ont été accrédités afin de participer aux différentes discussions. Elles étaient présentes en tant qu’observatrices. Ces ONG ont ainsi joué un rôle de médiateurs entre les partis en vue de s’assurer que les directives et les cibles exposées dans le document final soient ambitieuses.

Conclusion

Les organisations non gouvernementales sont des acteurs importants dans la mise en place des politiques environnementale internationale. Elles fournissent des informations scientifiques et des options politiques alternatives et fournissent également une assistance dans le suivi de la mise en œuvre des accords et convention internationaux.

Certes, il y a moult exemples des différentes contributions des ONG à la normalisation du droit international de l’environnement. Mais, il y a carence d’études plus précises sur l’influence effective des ONG dans la formation du droit international de l’environnement.

Comme le dit le professeur Marcelo Dias Varella : « Le traitement de cette question exige une méthodologie propre et un effort considérable. » Ainsi, B. Arts propose une méthodologie intéressante, en analysant « l’ego-perception » des ONG, autrement dit, la perception de l’influence que les ONG pensent avoir eue dans les négociations internationales sur l’environnement. Suit « l’alter perception » ou la perception que les représentants des gouvernements participant aux conférences internationales ont de l’influence des ONG, pour qu’enfin l’analyse causale confronte les documents présentés par les ONG et les textes des accords et décisions internationales. C’est la confrontation de ces informations qui permet d’identifier s’il y a eu ou non une influence concrète des ONG.

Néanmoins, les ONG environnementales sont à ce jour des acteurs incontournables concernant la lutte contre le changement climatique. Aussi, elles sont des intermédiaires efficaces entre gouvernants et gouvernés. Enfin, leur rôle fondamental dans la recherche scientifique et dans le plaidoyer fait qu’aujourd’hui elles tendent vers un statut participatif auprès des organisations internationales.

Adoni Nyamuke