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Les risques d’une circulation non maîtrisée des flux financiers et informationnels sur Internet. Par Frédéric Echenne, Docteur en droit.
Parution : vendredi 22 juillet 2016
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Un service financier en ligne peut être entendu comme tout service ayant trait à la banque au crédit à l’assurance aux retraits individuels aux investissements et aux paiements. En réalité, le commerce de produits financiers sur Internet – ou cyberfinance – couvre plus largement le commerce de valeurs mobilières en ligne, les différentes prestations de nature bancaire mais également l’apparition des sociétés offshore online. Parallèlement, ces services financiers en ligne ou par voie électronique ont fortement augmenté les schémas de fraudes.

« L’échelle de temps des marchés n’est en effet même plus la journée, elle est de quelques centaines de microsecondes. Mois après mois, le temps se dilate et la barrière du millionième de seconde pourrait bientôt être franchie. La barrière suivant étant la nanoseconde ».

Le commerce de produits financiers sur le réseau Internet illustre l‘aboutissement de l’informatisation des activités économiques. Dans un environnement désintermédié et dématérialisé, l’absence de visibilité et de localisation des transactions financières dominent. Sur le réseau, milieu amoral et peu éthique, la traçabilité et le contrôle de ces flux se compliquent. Internet, intermédiaire désincarné idéal entre les activités illicites, génératrices de fonds, et l’économie globale, est une zone grise car non réglementée. Les comportements déviants sont aussi encouragés par les règles propres à l’Internet que sont, entre autres, l’anonymat, la dématérialisation et la rapidité de circulation des flux financiers ou informationnels.

Le réseau Internet peut être donc perçu sous deux angles différents. Il est un support de diffusion massive de l’information financière et un support de circulation des flux financiers caractérisé par le développement exponentiel du commerce électronique. Dans le premier cas, on constate depuis plusieurs années notamment en France et aux Etats-Unis, que les abus sur les marchés financiers et les escroqueries à l’investissement s’appliquent au réseau du fait de son accessibilité directe et peu couteuse. Dans le second cas, les technologies de l’information, du fait de leur caractère innovant, sont un vecteur pour encourager des formes de dissimulation d’argent d’origine illicite.

Le réseau est donc constitué de flux soit informationnels exposant Internet à des risques de dissimulation (d’argent) et de manipulation (d’information). Le « support-flux » est par conséquent un élément essentiel. Cela conduira en conséquence à examiner d’abord les risques liés à la circulation des flux financiers puis ceux liés à la circulation des informations financières sur Internet.

I. Les risques liés à la circulation des flux financiers

Un service financier en ligne peut être entendu comme tout service ayant trait à la banque au crédit à l’assurance aux retraits individuels aux investissements et aux paiements. En réalité, le commerce de produits financiers sur Internet – ou cyber finance – couvre plus largement le commerce de valeurs mobilières en ligne, les différentes prestations de nature bancaire mais également l’apparition des sociétés offshore online. Parallèlement, ces services financiers en ligne ou par voie électronique ont augmenté une forte augmentation des fraudes.

En droit des affaires, la notion de ‘risque’, est un « événement dont la réalisation remet en cause l’accomplissement des objectifs fixés par l’entreprise ». Avec l’avènement d’Internet, la gestion du risque s’effectue lorsque le réseau est un support de flux financiers mais également lorsque c’est un support de flux d’informations financières. Dans le premier cas, il s’agit de prévenir les tentatives d’infiltration de l’argent sale dans les marchés financiers et d’identifier les destinations illégitimes quand il s’agit de financer des activités terroristes. Dans le second cas, les mesures de vigilance sont liées à différentes manipulations de marché quand il s’agit de manipuler l’information financière, d’en altérer le contenu ou les escroqueries, quand il s’agit d’utiliser indûment une qualité .

D’après l’AMF, l’électronisation des marchés favorise l’émergence d’une nouvelle forme de risque, « le cyber risque (entendu comme) l’ensemble des activités via des ordinateurs, des systèmes IT et/ou Internet visant la confidentialité, l’intégrité et l’accessibilité des systèmes informatiques des données et de la présence sur Internet d’entreprises ’cible’ ».

Cas du Trading à haute fréquence (THF)

Le THF est une « activité de trading utilisant une technologie algorithmique sophistiquée pour interpréter les données de marché et, en réponse, mettre en œuvre des stratégies de trading résultant généralement en l’émission d’ordres à très haute fréquence et leur transmission en des temps de latence extrêmement réduits. Ces stratégies consistent le plus souvent en une tenue de marché non contractuelle ou en arbitrage sur des horizons à très court terme. Elles impliquent une négociation essentiellement pour compte propre et un dénouement des positions à la fin de chaque séance ».

Il est évident que l’utilisation des outils de THF augmente les risques de manipulations de marchés : du fait de la rapidité d’exécution des opérations, un environnement concurrentiel, le contrôle et les sanctions (dont le montant s’aligne progressivement sur le modèle anglo-saxon ; infra) des régulateurs en cours d’adaptation.

Le processus, vu sa rapidité d’exécution, peut faillir et aboutir à des Flash Events (ou ‘krach éclair’) : le 06 05 2010, entre 14h35 et 14h47, l’indice Dow Jones s’est effondré d’environ 9% sans raison apparente, avant de recouvrer son cours habituel. En 8 minutes, plus de 1000 milliards de dollars ont été perdus. Par conséquent, les deux autorités de régulation des marchés financiers compétentes, la SEC et la CFTC ont ouvert une enquête.

En juin, la SEC a décidé de mettre en place un coupe circuit obligatoire dès lors que le cours d’une valeur varie de plus de 10 % en moins de cinq minutes.

La SEC a également enquêté sur les communications entre certaines sociétés boursières et certaines firmes de trading à haute fréquence (BATS Global Markets, Direct Edge Holdings, Getco et Tradebot) pour déterminer si certaines ententes n’auraient pas été nouées pour limiter la concurrence et manipuler les marchés.

La première décision de l’AMF, en avril 2009, portant sur l’utilisation du THF, concerne la société SAFE. Condamnée à 300.000 euros d’amende, il est reproché, notamment, à la société d’avoir pris des positions trop importantes entrainant, de fait, une position dominante.

En juin 2011, l’AMF a sanctionné d’une amende de 10.000 euros le société Kraay Trading au titre d’un manquement sur les marchés financiers pour avoir manipulé le cours du titre Nexans Kraay Trading a passé une multitude d’ordres de vente sur Nexans le 6 mars 2008, dans l’objectif de faire chuter le cours de la valeur. Les ordres de vente ont ensuite été annulés et remplacés par un ordre d’achat à un cours plus faible. Kraay Trading a ensuite effectué l’opération inverse en lançant un grand nombre d’ordres à l’achat, suivi par un ordre de vente.

Comparativement, en matière de THF, la Financial Industry Regulatory Authority (FINRA) a, dès septembre 2010, condamné à une amende de 2.3 millions de dollars la société Trillium Brokerage Services, pour avoir utilisé à des fins illicites des outils de THF.

En avril 2012, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) a infligé une amende de 14 millions de dollars à la société Optiver pour avoir tenté de manipuler le cours du prix du pétrole. La SEC a, en septembre 2012, transigé à hauteur de 7.3 millions de dollars avec le CEO de la société de courtage Hold Brothers.

La FSA, pour sa part, a condamné en août 2011, la société Swift Trade, à une amende à hauteur de 8 millions de livres. Enfin, la Financial Authority Conduct (FCA) et la CFTC, ont condamné, en juillet 2013, la société Panther Energy Trading à 4.5 millions de dollars d’amende.

En termes de montant des sanctions, l’AMF semble, actuellement, s’aligner sur ses homologues anglo-saxons (SEC, FINRA, CFTC, FCA).

Cas société Forex Capital Markets Limited

La Commission des sanctions de l’AMF a condamné le 26 octobre 2015 la société Forex Capital Markets Limited (FXCM), spécialisée en trading en ligne, à 200 000 euros d’amende.
Il est reproché à FXCM Ltd d’avoir eu recours à des apporteurs d’affaires qui exerçaient une activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers via des automates de trading qui ne disposaient pas de l’agrément nécessaire permettant d’attester de leur qualité et de leurs compétences en matière de gestion pour le compte de tiers.

Cet agrément est exigé selon la position de l’European Securities and Markets Authority (ESMA) du 22 juin 2012 relative au trading automatisé, laquelle dispose qu’« un prestataire de service de gestion d’investissement doit disposer d’un agrément pour fournir le service de gestion de portefeuille lorsqu’il émet des ondes pour le compte d’un client à partir d’une plateforme automatisé […] portant sur des instruments financiers ».

L’AMF reproche, également, à la société FXCM de ne pas avoir accompli les diligences nécessaires pour s’assurer de la qualité et des compétences des sociétés lui ayant apporté des clients.

L’AMF appelle donc les courtiers à vérifier les compétences et les qualités des apporteurs d’affaires avec lesquels ils travaillent dans le respect de l’article L.533-11 du Code monétaire et financier qui dispose que « lorsqu’ils fournissent des services d’investissement et des services connexes à des clients, les prestataires de services d’investissement agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle servant au mieux les intérêts de ses clients. »

De plus, l’AMF précise que l’existence de l’agrément d’un prestataire pour fournir un service d’investissement doit s’apprécier non seulement au moment de l’entrée en relation avec ledit partenaire, mais aussi tout au long de l’existence de la fourniture du service.

Cas société Virtu Financial Europe

La Commission des sanctions a prononcé le 4 décembre 2015 une sanction de 5 millions d’euros à l’encontre de la société Virtu Financial Europe (anciennement dénommée Madison Tyler Europe), société de trading à haute fréquence pour manipulation de cours et méconnaissance des règles de marché d’Euronext. Elle a également prononcé une sanction du même montant à l’encontre de la société Euronext Paris pour ne pas avoir respecté l’obligation d’exercer ses activités avec neutralité et impartialité, dans le respect de l’intégrité du marché.

Après analyse du fonctionnement de l’algorithme utilisé par Madison Tyler Europe, la Commission des sanctions a constaté que l’activité de la société se caractérise par un nombre extrêmement élevé d’interventions (sur Euronext Paris, elle représentait 62,7 % des interventions et 2 % des transactions).

De plus, les interventions de Madison Tyler Europe sont extrêmement rapides et la durée de vie de ses ordres extrêmement brève : ainsi, sur Euronext Paris, 66 % de ses ordres duraient moins d’une seconde et 25 % moins de 10 millisecondes.

Enfin, la multiplication des ordres annulés par Madison Tyler Europe avant leur exécution est important. Enfin, les modalités d’intervention de Madison Tyler Europe lui avaient permis de s’assurer une position dominante sur les plateformes, en particulier Euronext Paris.

Concernant Euronext Paris, la Commission des sanctions a relevé que l’entreprise de marché avait accordé à Madison Tyler Europe une exemption des pénalités applicables en cas de dépassement du ratio entre le nombre d’ordres passés et le nombre de transactions exécutées pour un même titre sur une même journée. En accordant cette exemption, Madison Tyler Europe a eu la possibilité de « mettre en œuvre une stratégie de trading qui, en raison du très grand nombre d’ordres entrés et annulés, pouvait perturber le bon fonctionnement du marché, d’autant que les autres membres de marché n’étaient pas à même de comprendre que l’intense activité ainsi générée dans les carnets d’ordres était le fait d’un seul intervenant ».

Cas société Getco

En juillet 2016, la Commission des sanctions de l’AMF a condamné la société américaine, Getco à 400.000 euros d’amende. Cette fois-ci, c’est un algorithme déficient qui était dans le collimateur de l’AMF. Ces programmes sont au cœur de ces stratégies d’investissement reposant sur des rafales d’ordres passés en un temps record via des ordinateurs très puissants. Mal paramétré, le programme de Getco passait et annulait immédiatement en boucle les mêmes ordres sur sept sociétés du CAC 40 (Alcatel, Axa, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Total et Vallourec).

Pour la commission des sanctions, ces ordres « scintillants » passés entre janvier 2010 et octobre 2012 ont « entrainé une pollution des carnets d’ordres », et donné, de ce fait, « des indications fausses ou trompeuses sur l’offre et la demande » au marché.

La société GetCo a déjà été condamnée, en mars 2012, par la FINRA à une amende de 450.000 euros de dollars pour son absence de contrôles sur des transactions manifestement erronées.

A. – Internet, canal de conversion d’argent sale

Le blanchiment d’argent sur Internet, mécanisme s’apparentant à l’introduction de fonds d’origine illicite sur le réseau, implique le transfert électronique de fonds d’une banque vers une autre (des blanchisseurs recrutent, par exemple, des intermédiaires par l’envoi de spams pour réceptionner et transférer des capitaux via des comptes bancaires en ligne), en utilisant des identités (les usurpations d’identité coûteraient chaque année près de 2 G euros principalement aux banques, et le phénomène s’amplifie avec le développement de l’économie numérique) et des lieux différents. Le processus est répété jusqu’à ce que les fonds deviennent « propres » ou intraçables, sans pouvoir identifier les supports et les véhicules utilisés par les capitaux.

Sur le réseau, les transactions peuvent être répétées, sous couvert de l’anonymat et à distance. Il ne s’agit pas d’une délinquance dirigée contre le fonctionnement même des systèmes et des réseaux informatiques mais d’une délinquance qui les utilise comme vecteur opératoire supplémentaire dans l’exécution d’une activité illégale. Il convient d’aborder d’une part, la masse financière représentée par le commerce sur Internet (i) et d’autre part, le développement des transactions boursières en ligne (ii).

a/ Le commerce électronique

L’utilisation du réseau dans un cycle de blanchiment est favorisée par l’importance de la masse financière que représente le commerce électronique qu’il soit « grand public » ou « interentreprises » (Business to Business – BtB). Ces marchés en forte augmentation se chiffrent actuellement en milliards d’euros. En matière financière, cinq intermédiaires financiers ont enregistré pour 2.7 milliards d’euros de transactions au 2ème semestre 2007 soit une progression de 42% par rapport à 2006. Ce montant correspond à 28,8 millions de transactions en ligne.
Le commerce en ligne peut véhiculer des fonds illicites difficiles à distinguer des opérations commerciales légitimes. Internet est un marché électronique et comme chaque marché, il constitue un instrument potentiel de recyclage d’argent sale ou de fraudes fiscales (Fraudes aux prélèvements obligatoires, C. Comptes, mars 2007. Aux États-Unis, le service des impôts américains (IRS) a demandé à la justice, en mars 2006, d’examiner les comptes de PayPal, leader mondial du paiement par Internet, afin de savoir si certains de ses utilisateurs n’en profitent pas pour détourner de l’argent aux dépens de l’administration fiscale. Néanmoins, ce service de paiement devrait proposer, à l’instar d’un établissement bancaire traditionnel, des cartes de crédit et de l’investissement dans des fonds. PayPal affiche cinq millions de clients français avec 413 millions d’euros de paiements en 2006, soit 5% du commerce électronique hexagonal).

Les techniques propres au réseau comme les moyens de paiement électroniques, porte-monnaie électroniques ou virtuels et la cryptographie peuvent être orientées également pour favoriser l’infiltration de fonds illicites ou utiliser pour financer des organisations terroristes. Une partie significative des flux financiers générés par le commerce électronique est en passe d’échapper au monde bancaire traditionnel et d’être recyclée dans un système financier parallèle, difficilement appréhendable. Dès 1998, le Conseil de l’Europe soulignait qu’il fallait se préoccuper tout spécialement de la criminalité des affaires, du blanchiment de capitaux et de la corruption, pratiqués dans le commerce électronique.

b/ La Bourse en ligne

Avec le développement du marché boursier sur Internet et de la réception / transmission des ordres en ligne, les schémas de recyclage des fonds sales sont effectués grâce aux transactions réalisées sur les valeurs mobilières. De part sa nature internationale, le secteur est attrayant vu la rapidité des opérations, leur liquidité et le faible contrôle de la provenance des fonds. Les blanchisseurs accomplissent donc un grand nombre d’opérations d’achat ou de vente de valeurs mobilières dématérialisées afin de réduire les possibilités de traçabilité des fonds litigieux. Le nombre d’ordres exécutés en ligne par les principaux e-brokers français est passé de 210 877 en janvier 1999 (sur un total de 2 502 142 uniquement sur Euronext Paris) à 1 107 614 en juin 2007 (sur un total de 9 730 761 toujours sur Euronext Paris). En 2011, le nombre total d’ordres exécutés a été de 11.650.759 en 2011, soit une part de marché de 7,22%.

L’exemple de la bulle internet

Avec le développement du commerce en ligne à la fin des années 90, l’activité de la bourse en ligne, de par son instantanéité, a été un phénomène particulièrement difficile à appréhender par les régulateurs et ce pour plusieurs raisons :
-  le courtage en ligne lors de la période 1998/2000 a attiré des clients présentant des profils nouveaux, différents de ceux des investisseurs traditionnels et n‘appartenant pas à la sphère professionnels ;
-  la concurrence très vive qui s’est développée sur le réseau internet entre banques, sociétés d’investissements et professionnels indépendants n’a pas favorisé la vigilance renforcée qu’appelait cette évolution ;
-  la logique commerciale et agressive des transmetteurs d’ordres privilégiant la croissance du nombre de comptes.

Les introductions en bourse, trop fréquentes, de petites structures avaient pourtant conduit le régulateur des marchés a souligné que ces nouveaux acteurs ne présentaient pas « ces fameux historiques sur lesquelles se fondaient jusque-là les capitalisations respectables ».
Les produits et services financiers sur internet étaient donc souvent proposés par des sociétés spécialisées nouvellement créées souvent, dépourvues d’une activité bancaire originelle, mais bénéficiant des agréments indistinctement délivrés par les autorités de tutelle.

En règle générale, les brokers online se répartissaient en trois catégories principales :
-  Les filiales de banques et d’établissements financiers ;
-  Les émanations de sociétés de bourse ;
-  Les start-ups ou le management était issus d’autres métiers, parfois moins sensibilisés aux risques dans le cadre de structures légères en termes d’effectifs.

La multiplication des risques susvisés étaient donc connus des autorités de contrôle mais manifestement mal évalués : « (…) les conséquences prudentielles de l’utilisation d’Internet pour les fournitures des services d’investissement doivent être évaluées avec précision pour permettre une surveillance efficace des intervenants et prévenir les risques de crise de liquidité et de solvabilité mais si Internet offre aux marchés financiers une plus grande capacité de distribution, il présente des risques en termes de contrôle et de régulation ».

L’ouverture d’un compte bancaire en ligne et la passation d’un ordre de bourse via Internet ont incontestablement modifié les modalités de contrôle exigées par les dispositions légales et réglementaires en matière d’identification de la clientèle.

B. Internet, canal de commercialisation de produits financiers ‘à risques’

Dans ce contexte innovant, de nouveaux produits financiers ont fait également leur apparition. Les « certificats d’actions digitales » (e-shares) permettent de réunir simultanément de nombreux investisseurs, acheteurs et vendeurs, sans révéler leur identité et l’étendue de leur investissement. Cette forme de protocole se développe à partir des techniques de cryptologie et de clés anonymes. Les distributeurs d’OPCVM en ligne offrent de leur côté une large gamme de produits à un coût moins élevé. En marge de tout contrôle, ils véhiculent d’importants volumes de fonds.

Cas Inter American Finance Agency

Dans l’affaire (1996) de l’Interamerican Finance Agency (AIF), les dirigeants d’une société basée dans l’État de l’Illinois (EU) ont créé l’AIF Web, site lié avec un fournisseur d’accès helvétique, le Swiss Web Internet Provider, qui émettait depuis le paradis fiscal d’Antigua. Le site proposait différents produits dont les Interamerican Hard Currency Bond. L’AIF déclarait que ce contrat était garanti par l’American Pacific Financing Ltd.
Le site contenait par ailleurs une réimpression de la Singapore-based Newsletter qui tenait des propos élogieux sur les services financiers délivrés par l’AIF. Les recherches entreprises conjointement par les régulateurs des États de Pennsylvanie, de l’Illinois et de la SEC ont démontré que l’AIF appartenait en réalité à une société de ’façade’ basée au Panama, une Panamanian Shell Compagny, et que les contrats garantis ainsi que la newsletter n’existaient pas.

En avril 2016, le Parquet de Paris, la DGCCRF , l’AMF et l’ACPR ont conjointement déclaré souhaiter enrayer la prolifération des sites illégaux proposant des produits financiers à haut rendement. En 2016, l’AMF a répertorié 360 sites non autorisés contre 4 en 2010. Plus de 1600 réclamations relatives au courtage en ligne ont été transmises à l’AMF en 2015.

Ces sites illégaux concernent principalement le marché des changes ou Forex (Foreign Exchange Market) marché non régulé sur lequel s’échangent des devises. On estime à 4.5 milliards d’euros de pertes sur six années.

La loi Sapin II prévoit également d’interdire toute publicité par voie électronique « envers les particuliers portant sur des instruments financiers particulièrement difficiles à comprendre et potentiellement très risqués ». L’AMF devrait être responsable de la mise en œuvre de la mesure et l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP ) veillerait au bon respect de la mise en œuvre de cette interdiction par le biais de régies publicitaires.

Exemples d’implantations offshore :

Cas Interamerican Finance Agency (AIF) / Panama
Cas Morisson Cross Financial Services Ltd / Panama
Cas Alpha Management / Saint-Martin
Cas Crown Capital Management Corporation / Bahamas
Cas Liberty Capital International Ltd / Antigua
Cas Swiss American Bank / Antigua
Cas First Capital Securities / îles Caïmans
Cas CSI Ag / Turks and Caicos
Cas Pegase Capital Limited / Chypre

Cas Hold Brothers / Saint Kitts et iles vierges britanniques

II. – Les risques liés à la circulation des flux informationnels

« (…) Les abus de marché nuisent à l’intégrité des marchés financiers et ébranlent la confiance du public dans les valeurs mobilières, les instruments dérivés et les indices de référence ».

Internet est un marché électronique. En tant que réseau ouvert, il favorise la réunion des vendeurs, des prestataires de services et des clients dans un cadre international. Ce marché est un vecteur propice au développement et à l’accessibilité des mécanismes boursiers mais la multiplication des sources d’informations encourage les comportements illicites.

A. – L’exploitation de l’information financière sur Internet – les initiés

La diffusion massive d’informations financières sur le web rend plus complexe la vérification de son contenu par les autorités de contrôle. Internet, vecteur de diffusion d’une information financière immédiate et universelle, modifie la perception du lieu et du temps. Du fait de l’augmentation des sources d’informations, de la multiplication des plateformes d’échanges et de l’accélération de l’exécution des ordres, Internet est devenu un enjeu important pour la communication financière. Les caractères de l’information financière diffusée sur le réseau correspondent à ceux de l’information spéculative : elle est disponible, consomptible et de diffusion rapide.

L’initié est une personne qui dispose d’une information privilégiée en raison de sa participation dans le capital de l’émetteur ou qui en a accès en raison de l’exercice de son travail, de sa profession ou de sa fonction.

Le délit d’initié relève de la catégorie de la criminalité dite en col blanc, et ce pour trois raisons. D’après C.Courakis, cette criminalité, dans un premier temps, consiste en une « exploitation des crédules ». Les ‘crédules’ sont les investisseurs qui, dans le cadre d’une opération d’initié, ne détiennent pas l’information privilégiée. Dans un second temps, elle est « réalisée de manière ingénieuse (en) excluant sa découverte ». L’information dont dispose l’initié lui permet de prévoir l’évolution de l’offre et de la demande et d’échapper à l’aléa boursier que les autres investisseurs subissent. Enfin, la criminalité en col blanc est « commise par des personnes au courant du caractère illégal de leur conduite, qui ne croient pas pour diverses raisons qu’il s’agit d’une conduite criminelle ».

En matière d’initiés, sur 26 cas étudiés de 1984 à 1995 par la COB, à une époque où l’utilisation ‘grand public’ du réseau n’existait pas ou très peu, les transactions frauduleuses sont généralement exécutées en une journée ou volontairement étalées sur quelques jours afin d’échapper à la vigilance de l’autorité des marchés financiers. Le nombre de jours entre les manœuvres frauduleuses et l’annonce de l’information est en moyenne de 15 jours. Enfin sur les 26 cas étudiés, l’impact sur le cours de l’action est positif dans 12 cas (hausse du cours de l’action) et négatif dans 14 cas (baisse du cours). En revanche, c’est le nombre des utilisateurs de l’information privée qui doit être pris en compte avec le développement d’Internet et l’augmentation des communications illégales de cette information.

En 2000, deux salariés de la Commission des opérations de bourse (COB) sont mis en examen sous les qualifications d’abus de confiance, délit d’initié, de manipulation de cours et de blanchiment d’argent. Sur la base d’informations particulièrement favorables à une société captées au sein de l’autorité de régulation, ils ont effectué des opérations boursières, en l’espèce des ordres d’achat à bas prix via un courtier en ligne de 26.000 actions Hachette-Philipacchi-Médias, deux jours avant une offre publique d’échange.

Dans un autre exemple, le gérant de fonds de valeurs de la société Stock-World utilise les opportunités d’un forum afin d’inciter les internautes à acheter des actions

Deux obstacles peuvent également entraver une action commune des autorités de régulation d’une part, l’utilisation de la cryptologie ou d’une identité usurpée lors de la passation d’ordres de bourse sur le réseau et d’autre part, la localisation effective des activités d’initié.

Le caractère transfrontière du réseau peut accentuer également l’internationalisation des opérations d’initiés. La multiplication des sites à vocation informationnelle va à l’encontre de l’objectif de l’interdiction des opérations d’initiés qui est de « protéger l’incitation à la production de l’information ».

B. – L’exploitation de l’information financière sur Internet – la manipulation de cours et la diffusion de fausses informations

La multiplication et la propagation des lieux de divulgation ont rendu l’information financière plus facilement altérable et sa source, difficilement identifiable. Cette dynamique due à la diffusion massive et rapide de l’information financière réduit le temps nécessaire pour filtrer et analyser la qualité de l’information. Cette difficulté d’analyse de l’information est un avantage certain pour les fraudeurs.

Cas Marc Orian

Dans le cas du bijoutier Marc Orian (MO) cotée au second marché, la publication, le 4 février 1999, des résultats semestriels en croissance de l’entreprise, entraîne un certain nombre de commentateurs à l’optimisme. Le 7 février, l’action MO chute. Un internaute, se définissant lui même comme un petit actionnaire « débutant » marié à une employée de la société, s’inquiète sur le site du courtier en ligne Boursorama de la brusque chute des cours et par le 10, de « problèmes de trésorerie occasionnant des retards dans le paiement des salaires » et de « nombreux cambriolages dans leurs bijouteries ». Le 14, l’action chute de 30 % et les dirigeants de MO publient un communiqué de presse qui se veut rassurant, tout en déclarant au quotidien économique les Échos, « d’être victime d’un internaute qui aurait divulgué des informations trompeuses », menaçant même de porter plainte auprès de la COB. Le 16 février, la direction de MO réitère ses déclarations au Journal du Net, tout en précisant que les retards de paiement étaient dus à un problème informatique et les cambriolages n’avaient aucune incidence sur le chiffre d’affaire. Le 20, c’est au quotidien le Monde de parler de cette histoire de désinformation dans le cadre d’un article intitulé, « La vague des forums de discussion financiers ». Le 21, l’AFP rend public un communiqué de presse de la COB mettant en garde les utilisateurs et les sociétés contre les personnes peu scrupuleuses qui utilisent Internet pour inciter à acheter des produits financiers et renvoie, à titre d’illustration, à cette « affaire de déstabilisation » des cours de MO. Or, après le dépôt de la plainte devant la COB, il a été impossible d’établir un lien entre la chute brutale du cours Marc Orian et la diffusion de l’information sur le forum du courtier.

Cas Belvédère SA

En septembre 1998, l’action de la société anonyme Belvédère, spécialisée dans la commercialisation de bouteilles d’alcool de différents pays, passait de 1 430 à 400 F. La raison de cette baisse brutale de la cotation se trouvait sur le site d’un des ses partenaires nord-américains, la société Phillips Beverage Compagny. Il y était démontré des manquements graves en termes de communication de Belvédère SA avec ses actionnaires. La chute de l’action s’explique par la vraisemblance des arguments utilisés, mais ceux-ci s’avéraient par la suite sans fondements par un examen de la Commission des opérations de bourse (COB), autorité de contrôle à l’époque des faits.

Par son jugement du 9 janvier 2004, le Tribunal de grande instance de Paris estime que l’infraction prévue à l’article L. 465-1, alinéa 3 du Code monétaire et financier est constituée car les informations fausses ou trompeuses relevées pouvaient avoir une incidence sur le cours, ces informations « n’étaient qu’un élément d’une campagne de communication très tendancieuse, campagne visant à affaiblir un adversaire commercial en touchant, à travers sa réputation, ses possibilités de financement, que dans ce contexte, les informations fausses ou trompeuses ne peuvent relever d’une simple erreur, mais distillées sciemment pour faire croire l’investisseur au “risque énorme” pour la santé financière de l’entreprise Belvédère. »

Cas Emulex

Le 25 août 2000, la société Emulex cotée au NASDAQ spécialisée dans la fibre optique, voyait son action chutait de 113 à 43 dollars en seulement dix-huit minutes, soit une baisse de 60 % de la valorisation de l’entreprise. La perte, de l’ordre de 2,5 milliards de dollars, était consécutive à la diffusion d’un faux communiqué de presse diffusé sur Internet, faisant état de la démission de son président, de l’ouverture d’une enquête par la SEC et de la révision de son chiffre d’affaire à la baisse. D’après la SEC, les mis en cause risquent 110 millions de dollars d’amende et jusqu’à vingt cinq ans d’emprisonnement en violation de la section 9 du Securities and Exchange Act de 1934. Comparativement, dans le cas Belvédère, l’initiateur des divulgations a été condamné à 100 000 euros d’amende.

Parallèlement, une Action Class était intentée par les épargnants lésés contre Internet-Wire et Bloomberg, sociétés spécialisées dans la diffusion de communiqués financiers, prétendant que lesdites sociétés avaient involontairement diffusé de fausses informations, seule l’agence Reuters les aurait « filtré ».

Il était reproché à ces deux sociétés d’avoir violé les règles de contrôle interne pour n’avoir pas vérifié l’exactitude et l’authenticité du communiqué de presse Emulex avant sa publication. Selon la plainte, Internet-Wire a reçu le communiqué l’après-midi du 24 août alors que le 25 au matin coïncide avec l’ouverture des marchés. Durant cette période sensible, le média aurait dû approfondir l’examen de l’information. Enfin, la société Emulex utilisait traditionnellement le magazine Business Wire et non Internet Wire, pour diffuser ses communiqués, cette modification dans le support de diffusion devait conduire à plus de prudence dans l’étude des informations transmises. À la suite de cette affaire, la vérification de l’authenticité des communiqués diffusés par des professionnels devait être renforcée.

Les diffuseurs professionnels d’informations financières intègrent souvent, involontairement, les schémas d’abus de marché : en 2015, la SEC accusait deux hackers ukrainiens et 32 courtiers américains et internationaux dont deux fonds français, Omega 26 et Guibor, d’avoir engrangé 100 millions de dollars de gains illégaux (de 2010 à 2015). Les hackers basés en Russie ou en Ukraine se sont introduits dans les bases de données de trois sociétés spécialisées dans la publication de communiqués de presse, Business Wire, PR Newswire et Marketwired, pour se procurer les informations contenues dans les communiqués de presse avant leurs publications officielles.
Ces informations financières sensibles et non publiques étaient exploitées ensuite par un ancien de Morgan Stanley, gérant de son propre fonds, NTS Capital Fund. D’après la SEC, la fraude aurait permis de dérober plus de 150.000 communiqués de presse, dont près de 800 communiqués auraient été utilisés pour réaliser des opérations boursières, sur les actions d’entreprises ‘cibles’ (i.e Boeing, Ford, Hewlett Packard ou Bank of America).

Type d’informations financières à risque :
- Information financière portant sur le CA, les résultats, l’état de trésorerie
- Contrats commerciaux conclus ou perdus par l’entreprise
- Opérations financières en cours (l’augmentation de capital, fusion-acquisition)
- Lancements de nouveaux produits
- Acquisition de nouvelles technologies

Cas UMANIS et CGBI

Le 25 février 2002, une publication d’un groupe de presse faisait état de la prochaine fusion entre deux sociétés de services informatiques, CGBI dont les titres étaient admis aux négociations sur le Second marché et Umanis dont les titres admis aux négociations sur le Nouveau marché et dont l’union pèserait 80 millions d’euros de capitalisation boursière. Le 6 août 2002, les cotations des deux sociétés étaient suspendues et, le lendemain, la société UMANIS déposait auprès des autorités de marché, une offre publique d’échange sur la totalité des titres CGBI. Or, il est apparu que le vendredi 22 mars, l’intervenant XX indiquait sur les forums du site Boursorama relatifs aux deux sociétés, que, contrairement aux rumeurs qui faisaient état d’une offre publique d’achat, les sociétés CGBI et UMANIS allaient fusionner. L’analyse de l’intervention de XX sur d’autres forums laissait penser que ce dernier disposait d’informations concernant des articles devant être publiés dans des hebdomadaires financiers. De plus, les adresses Internet utilisées par ce dernier pour se connecter au site Boursorama appartenaient au groupe de presse, qui éditait la publication en cause.

En mai 2002, la COB ouvrait une enquête sur les activités de l’internaute XX et de toute autre personne physique ou morale qui lui serait liée relativement à l’information financière et au marché du titre des sociétés cotées à compter du 1er novembre 2001. Les investigations menées permettaient d’identifier l’internaute XX comme étant M. X exerçant certaines fonctions au sein de la publication en cause. Il apparaissait au terme de l’enquête que M.X disposait dans le cadre de ses fonctions d’informations privilégiées concernant des sociétés cotées devant être prochainement publiées dans des articles financiers. En revanche, M.X ne serait pas intervenu à titre personnel sur le marché des titres concernés.

Les griefs indiquaient que M.X aurait diffusé sur les forums du site Boursorama, sous la qualité XX, douze messages concernant des sociétés cotées dont CGBI et UMANIS et contenant des informations précises et non publiques qui pourraient être qualifiées de privilégiées. Or, selon les griefs, en sa qualité de responsable des services X des publications financières du groupe (de presse en cause) il disposait de telles informations qui lui auraient été communiquées dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et aurait « (…) ainsi communiqué à des tiers sur Internet à des fins autres ou pour une activité autre que celle à raison desquelles elles ont été communiquées ».

Dans sa décision, la COB a considéré que les faits devaient être de nature à caractériser la détention et la communication d’une information privilégiée c’est-à-dire une information non publique, précise et si, elle avait été rendue publique, elle aurait été susceptible d’avoir une incidence sur le cours de l’action, de fausser le fonctionnement du marché ou de porter atteinte à l’égalité d’information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts.

Sur le caractère non public, la COB a précisé que l’information conservait un caractère non ‘public’ tant qu’elle n’est pas diffusée dans le public. Sur les informations relatives aux sociétés UMANIS et CGBI, l’autorité considère que M.X a communiqué dans ses messages du 22 mars 2002 sur les forums des sociétés du site Boursorama, l’information relative à une fusion entre ces sociétés en précisant que « cette fusion représentera une capitalisation boursière de 80 millions d’euros ». Cette information est parue dans un article du 25 mars 2003 dans la publication financière en cause dans les termes suivants : « UMANIS et CGBI préparent leur fusion ( ) leur union pèserait 80 millions d’euros de capitalisation boursière ». Un internaute a demandé à M.X le 22 mars 2003 s’il pouvait en dire plus, il lui a été répondu, « pas pour le moment mais ce sera public ». Selon la COB, M.X avait donc conscience que l’information n’avait pas encore été rendue publique.

Sur la précision de l’information, le régulateur a considéré que les informations non publiques communiquées par M.X concernant la fusion étaient suffisamment précises, si une telle information avait été rendue publique, elle aurait une incidence sur le cours de la valeur. Le message diffusé sur UMANIS et CGBI contenant une information relative à une fusion, était évidemment de nature au moment où elle est portée à la connaissance du public, à avoir une incidence sur le cours des titres concernés.

De plus, à l’époque des faits, M.X occupait une fonction au sein d’un groupe de presse ou il était en charge de service X de trois publications. Il lui incombait notamment de vérifier que toutes les informations devront être publiées dans le journal financier dont il était en charge, n’avaient pas été publiées. En l’espèce, à raisons de ses fonctions, M.X était parfaitement informé du contenu de l’article à paraître le 25 mars dans le journal financier concernant la fusion. La détention de l’information privilégiée est donc constituée. Sur la communication de l‘information, M.X a reconnu être l’auteur des messages publiés le 22 mars sur la fusion UMANIS et CGBI. Il dit avoir décidé de faire part de l’information dont il disposait à titre professionnel, sur Internet, en espérant qu’un internaute lui indique que l’information était publique. Par conséquent, M.X a communiqué sur Internet des informations privilégiées qu’il détenait dans le cadre de sa profession et ce, à des fins autres que celles à raison desquelles elles avaient été portées à sa connaissance.

Cas Société Générale

Le 03 08 2011, Société Générale publie ses comptes pour le 1er trimestre de l’année 2011.
Mr X publie sur son blog (le 03 08) un article intitulé : « Les mécanos de la générale : 2eme trimestre 2011 ». Durant le mois d’aout 2011, différentes rumeurs affectent le cours de la Société Générale et impactent le cours d’autres établissements financiers.

A l’issue d’une enquête ouverte en août 2011, l’AMF avait identifié l’origine des rumeurs portant sur l’endettement de la Société Générale. Par décision du 07 11 2013, la Commission des sanctions condamne deux bloggeurs, M. X (10.000 euros d’amende) et M. Y, citoyen américain (8.000 euros d’amende) pour avoir diffusé une information inexacte sur le niveau d’endettement de cet établissement bancaire.

La Commission applique pour la première fois à des informations diffusées sur internet par des bloggeurs financiers, l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, aux termes duquel : « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses ».

Cas Bourse Direct

Par décision du 1er octobre 2014, la Commission des sanctions de l’AMF a infligé à M. X et à la société Bourse Direct des sanctions pécuniaires s’élevant respectivement à 75 000 et 250 000 euros.

Il est reproché à M. X d’avoir manqué à l’obligation de s’abstenir de procéder à des manipulations de cours, et d’avoir diffusé de fausses informations sur certains forums boursiers. Quant à la société Bourse Direct, elle n’aurait pas disposé d’une « fonction conformité ayant les ressources et l’expertise nécessaire à l’exercice de sa mission, et plus particulièrement pour ne pas avoir mis en place l’organisation et les procédures adéquates afin de détecter les opérations suspectes en matière de manipulation de cours ».
La e-diligence se définit comme l’ensemble des mesures de vigilance prises par les fournisseurs de services financiers dans un milieu électronique. Ainsi donc, une société de trading, à l’instar de Bourse Direct, ou une banque Internet, sous la surveillance de son autorité de tutelle, l’AMF ou l’ACPR, doit s’assurer de la régularité et de l’intégrité dans la conduite de ses affaires. Les caractères de désintermédiation et d’anonymat du web peuvent limiter la mise en œuvre des procédures internes de contrôle.

Dans un autre cas, M. X intervenait sur les marchés financiers depuis une vingtaine d’années. Il passait ses ordres exclusivement par l’intermédiaire de sites Internet de courtiers en ligne (Bourse Direct et Fortuneo). L’AMF a constaté que plusieurs des transactions effectuées par M. X ont artificiellement fait varier le cours de titres sur Euronext afin de lui permettre de réaliser simultanément des opérations importantes et opposées sur Equiduct.
Le 17 décembre 2012, il a également ouvert un compte chez IG Markets pour la négociation de CFD (Contracts for difference) sur le marché actions.

D’après l’enquête AMF, il lui était reproché d’être intervenu, du 12 septembre 2012 au 1er août 2013, en utilisant ses comptes ou ceux de ses proches, selon un mode opératoire consistant « à fixer le cours des instruments financiers concernés à un niveau artificiel sur le marché Euronext afin d’en tirer profit sur le marché Equiduct et sur des CFD négociés face à IG Markets ».
Sur les 3 225 séquences d’intervention selon ce mode opératoire, 2 885 mises en œuvre sur 584 jours/titres, ont entraîné un mouvement de prix Euronext et peuvent être qualifiées de manipulations de cours . La Commission des sanctions à prononcer à l’encontre de M X une sanction pécuniaire de 250.000 euros.

Cas ‘@Mudd1Watters’

Aux Etats Unis, le mis en cause, par le biais de son compte Twitter (‘@Mudd1Watters’), réplique d’une société d’analyse financière reconnue, manipulait le cours de certaines sociétés. L’intéressé diffusait de faux tweets concernant un fabricant de smartphone, lequel a vu son cours chutait de 28%. La seconde étape consistait à acheter, par le biais d’une société de courtage, les actions à leur plus bas niveau avant de les revendre lorsqu’elles avaient atteint un niveau suffisamment élevé pour en tirer des bénéfices. Le mis en cause risque au maximum une peine de prison de 25 ans et une amende de 250.000 dollars.

Frédéric Echenne PhD FinancialCrimesConsulting