Village de la Justice www.village-justice.com

Egalité salariale dans l’enseignement privé : jusqu’où doit aller l’égalité de traitement ? Par Bastien Peron, Avocat.
Parution : mardi 26 juillet 2016
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Egalite-salariale-dans-enseignement-prive-Jusqu-doit-aller-egalite-traitement,22731.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Les tribunaux ont adopté depuis de nombreuses années une large jurisprudence portant sur le principe « à travail égal, salaire égal » en application duquel il est considéré que des salariés ayant des fonctions identiques sont en droit de percevoir un salaire identique.

Ce principe est à l’origine de nombreux contentieux de collaborateurs revendiquant une égalité de traitement et s’opposant à une fixation de gré à gré des rémunérations.

Dans le cadre de l’enseignement privé, comme dans d’autres activités, ce type de revendication s’est développé, certains enseignants souhaitant notamment bénéficier d’une même rémunération que leurs collègues qui enseignent une même matière voire une matière différente.

Or, le marché international hautement concurrentiel dans lequel s’inscrivent désormais les établissements d’enseignement privé peut conduire à créer des disparités importantes de rémunération, selon notamment la matière enseignée ou selon la formation, la notoriété et/ou le prestige des enseignants auxquels un établissement entend faire appel.

Alors que parallèlement les grilles de classification se basent sur le niveau d’enseignement et/ou sur l’ancienneté mais, naturellement, sans prise en considération de la matière enseignée.

La commission nationale paritaire d’interprétation a au surplus adopté il y a quelques années une position ambigüe et contestable, en faisant référence à une possible « pratique discriminatoire » en fonction d’une discipline particulière.

Cette confusion manifeste entre les notions, certes proches mais bien distinctes, d’égalité de traitement et de discrimination est révélatrice de la complexité du sujet.

Il n’est pas inutile de rappeler que la loi vise un nombre étendue de discrimination prohibée (par exemple, la race, la religion, l’âge, le sexe…) et que cette liste est régulièrement complétée selon les évolutions de notre société. Mais la discipline enseignée par un salarié devrait permettre de caractériser une différence de travail et est loin, et fort heureusement, de constituer un motif possible de discrimination.

En tout état de cause, cette situation invite à faire preuve de la plus grande prudence et à disposer pour chaque collaborateur d’éléments objectifs permettant de justifier de son niveau de rémunération, s’il s’avère supérieur à celui accordé à d’autres collaborateurs.

A cet égard, il doit être souligné que la Cour de cassation admet la prise en compte de plusieurs éléments objectifs qui justifient une différence de traitement entre salariés occupant des fonctions similaires, dont notamment :
-  Les diplômes, l’expérience professionnelle ainsi que les durées et niveaux de formation professionnelle (Cass. Soc. 9 décembre 2003, n°01-43.039, 17 mars 2010 n°08-43.088) ;
-  Les qualités, l’expérience et la notoriété propres à chaque collaborateur (Cass. Soc. 19 octobre 2011 n°10-17.337) ;
-  La situation de l’emploi et l’état du marché du travail (Cass. Soc. 21 juin 2005 n°02-42.658).

Il peut également s’avérer opportun de formaliser en interne une classification propre à l’établissement et adaptée à son organisation spécifique.

Étant au demeurant rappelé que le fait d’appartenir à la même catégorie professionnelle ou de relever de la même classification n’est pas suffisant pour conclure que les travailleurs concernés exercent un travail de valeur égale (Cass. Soc. 6 mars 2007 n° 04-42.080).

Bastien Peron / Avocat associé www.ampea.fr www.droitsocial-ampea.com