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Forclusion d’une année : le principe de sécurité juridique vient encadrer le délai de recours contre les décisions administratives. Par Antoine Louche, Avocat.
Parution : mardi 23 août 2016
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Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Ce délai raisonnable est fixé à un an.

La question du délai de recours est à la fois centrale et classique en contentieux administratif.

Classiquement, en application des dispositions de l’article R. 421-1 du Code de justice administrative, sauf en matière de travaux publics (une réforme prochaine prévoit l’abrogation de cette exception historique), le juge administratif ne peut être saisi que dans un délai de deux mois suivant la notification ou publication de la décision administrative litigieuse.

Toutefois, ce délai de deux mois de principe n’est opposable qu’à la condition d’avoir été mentionné dans la décision. On parle de la mention des voies et délai de recours.
Soit l’indication selon laquelle vous disposez, en principe, d’un délai de deux mois pour contester une décision administrative via un recours administratif (gracieux ou hiérarchique) et/ ou par le biais d’un recours devant le tribunal administratif dans un délai identique.

Ainsi, en l’absence de ces mentions, une décision administrative était alors virtuellement contestable de manière illimitée dans le temps par le biais d’un recours en excès de pouvoir.

Par la décision commentée, le Conseil d’État est revenu sur ces principes.

Le principe de sécurité juridique prend une part de plus en plus importante au sein du contentieux juridique et a récemment encore trouvé à s’appliquer dans le contentieux de l’urbanisme (réforme du contentieux de l’urbanisme entrainant une plus grande sécurité juridique des autorisations et documents d’urbanisme).

En l’espèce, les voies et délais de recours étaient incomplets.

L’intéressé avait contesté plus 22 années après sa notification une décision relative à la fixation de sa pension de retraite.

La Haute Assemblée a alors indiqué dans le cadre d’un considérant de principe que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance.

Le Conseil a poursuivi en soulignant qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable.

Enfin, il a considéré qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.

Les juges du Palais Royal ont également considéré que ce principe, qui ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais en encadre uniquement l’exercice dans le temps trouve à s’appliquer immédiatement.

Autrement dit et en synthèse, sauf circonstances particulières dont il appartient au requérant d’apporter la preuve, une décision administrative qui ne comporterait pas mention des voies et délais de recours ou dont ces dernières seraient incomplètes ou erronées, ne pourra désormais être contestée que dans un délai d’un an suivant sa notification.

Notons qu’en faisant référence à la notion de notification, cette jurisprudence n’emporte en principe pas d’effet contre une partie des décisions administratives, soient celles qui sont communiquées par courrier simple.

L’administration n’est alors pas en principe en mesure de s’assurer de la réception de la décision par l’intéressé et donc faire partir ce nouveau délai de forclusion d’un an.

Références : CE, 13 juillet 2016, n°387763

Antoine Louche, Avocat associé chez Altius Avocats www.altiusavocats.fr