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Critique gastronomique et liberté d’expression : casser du sucre peut être indigeste ! Par Ludovic de la Monneraye, Avocat.
Parution : mardi 23 août 2016
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Alors que la question de la liberté d’expression et du droit de critique dans la presse et sur internet fait débat, il convient de rappeler les principes et règles en vigueur.

Les plates-formes collaboratives et les réseaux sociaux sont partout. Par leur intermédiaire, il est possible de découvrir, s’informer, commenter… La problématique de la liberté d’expression et du droit de critique est de fait particulièrement récurrente.

La liberté d’expression est proclamée par :
- L’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen ;
- L’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme ;
- L’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
- La liberté d’opinion et par extension de critique en sont des composantes.

La critique portant sur la qualité des prestations ne peut être sanctionnée sur le fondement de la diffamation. En effet, la jurisprudence retient que, « dès lors qu’elles ne concernent pas la personne physique ou morale, les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise industrielle ou commerciale n’entre pas dans les prévisions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 » (Cass. Crim., 10 septembre 2013, n°11-86.311).

La critique est donc, en principe, libre, à moins que l’auteur de la critique n’ait commis une faute. Cette liberté est limitée par la nécessité de protéger la réputation (et la e-réputation) et les droits d’autrui.

La jurisprudence a ainsi retenu que : « Le journaliste chargé d’une chronique gastronomique a pour mission d’informer ses lecteurs de la qualité des plats proposés dans les restaurants qu’il fréquente, de leur coût, de l’accueil réservé à la clientèle et du cadre dans lequel elle est reçue. » Pour réaliser sa mission, le journaliste doit bénéficier d’une entière liberté d’expression et de son droit à la critique. Avec les réseaux sociaux, cette liberté n’est plus cantonnée qu’au seul journaliste, mais à l’ensemble des internautes participatifs.

Il est néanmoins possible pour la victime d’obtenir réparation de son préjudice sur le fondement de l’article 1382 du Code civil lorsque les propos incriminés relèvent de la critique gastronomique, sans porter atteinte à la réputation des exploitants du restaurant. La victime doit alors démontrer l’existence d’une faute commise par l’auteur du commentaire, comme par exemple le fait de mentionner dans un article la faiblesse de la qualité d’un restaurant qui n’est pas encore ouvert, puni de 2.500 euros de dommages et intérêts (TGI Dijon, 1ère ch., 6 octobre 2015, n°14/03897).

Pour conclure, comme disait le juriste et gastronome Brillat-Savarin : « La qualité la plus indispensable du cuisinier est l’exactitude ; elle doit également être celle du convié ». Dans cette optique, il n’est pas inutile de rappeler que toute critique, notamment sur Internet, doit être mesurée et constructive, au risque de voir sa responsabilité engagée.

Ludovic DE LA MONNERAYE Avocat