Village de la Justice www.village-justice.com

Nouvelle initiative : le Barreau de Nantes investit le conseil juridique en ligne.
Parution : jeudi 29 septembre 2016
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Nouvelle-initiative-Barreau-Nantes-investit-conseil-juridique-ligne,23061.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Lancé au Barreau de Nantes, mais à vocation nationale, le site internet "Mes Droits, Mon Avocat" symbolise la volonté commune du Barreau de Nantes et de son prestataire IMATech de répondre aux attentes de droit des Français (particuliers ou professionnels) en leur proposant un site Internet qui leur facilite l’accès au Droit et à l’avocat.
La démarche est innovante et qualitative : l’internaute renseigne sa demande, il est rappelé pour la qualifier et la préciser, une équipe de juristes prépare un dossier documenté qui est in fine transmis à un avocat du Barreau, le tout en 72h. La réponse écrite est facturée 80 €.

Attentifs comme nous le sommes aux innovations sur le Village de la justice, nous avons donc interviewé par téléphone Monsieur le Bâtonnier Jean-Michel Calvar pour en savoir plus et décrypter le modèle...

- Village de la justice : Quelle est votre stratégie avec ce site de mise en relation ?

Monsieur le Bâtonnier Jean-Michel Calvar : Nous sommes partis du constat suivant : notre plateforme web doit répondre au besoin du justiciable internaute, qui ne vient pas en cabinet d’avocat par peur ou méconnaissance, ou ne vient pas aux consultations ouvertes au barreau. Ils sont nombreux, c’est à eux que nous nous adressons en priorité.
Nous proposons de les aider à définir leur question et problématique, et nous proposons une réponse juridique écrite, pour un coût raisonnable.

Monsieur le Bâtonnier Jean-Michel Calvar

Cela complète les consultations gratuites basées sur l’oralité uniquement (en cabinet ou à l’ordre), mais qui ne suffisent pas toujours, car le justiciable demande souvent un support écrit, pour y réfléchir et avancer dans sa démarche, ce qui est bien naturel car les questions sont souvent complexes. Les consultations juridiques gratuites des avocats ne permettent pas de consacrer du temps à la rédaction. Il y avait donc un besoin.

Que se passe-t-il si nous, avocats, n’y répondons pas ? Et bien les internautes feuillettent des pages web plus ou moins fiables et satisfaisantes, car il y a profusion de documentation au mieux, erreurs ou simplification au pire. Nous y répondons de façon écrite et documentée, ce qui permet de se donner du temps pour la compréhension et les choix à faire tout en ayant en mains un document de valeur.

Et ensuite ? S’ils le souhaitent, à charge pour les internautes de reprendre contact avec l’avocat qui leur a répondu, avocat tout à fait identifié, pour poursuivre.

C’est donc aussi un outil de première mise en relation avec un avocat, sans le côté solennel du cabinet d’avocat. Un outil de notre époque.

- Il nous semble que vous proposez le site de mise en relation qui va le plus loin, notamment avec cette préparation des contacts pour les avocats. L’Ordre devient un fournisseur de services pour ses membres ?

Oui nous sommes un fournisseur de service pour les membres du barreau de Nantes et même d’autres barreaux, mais aussi un fournisseur de service vis-à-vis du public.
C’est notre rôle, défendre le justiciable et l’avocat.

- Quel est le modèle économique et financier de votre initiative ?

C’est très clair. Les avocats et services de l’ordre ont dispensé leur temps gratuitement (et massivement) pour la création de ce site, de façon bénévole pour les avocats de l’Ordre qui ont participé à la création.
La construction de cette plateforme coûte assez cher (elle va bien au-delà du budget d’un simple site). Mais il n’était pas question pour nous que les avocats du barreau soient les financeurs à travers leurs cotisations. La solution ? Le prestataire IMATech a accepté de financer l’investissement, et se rémunère sur la préparation de la réponse (validation de la demande et préparation de la documentation pour l’avocat).

L’avocat - volontaire - qui répond à l’internaute ne touche rien, mais un travail préparatoire documentaire est fait par un juriste, ce qui fait gagner beaucoup de temps à l’avocat. Nous sommes donc proches d’une première consultation juridique pour une nouvelle population.

- Pourquoi avoir choisi de créer votre propre plateforme plutôt que de rejoindre une plateforme nationale ?

D’abord parce que la naissance de notre projet est ancienne (plus de 2 ans), préalable à d’autres. Ensuite parce que nous voyions tous les mois des sites privés s’ouvrir (parfois pirates, ou en tous cas "limites"). Certains barreaux comme le nôtre avaient les moyens et la connaissance pour avancer et étaient volontaires pour s’investir ; nous ne voulions pas risquer de rater le train.
Rennes et d’autres ont eu la même démarche.
Nous avons donc choisi de construire notre propre modèle, différent de la plateforme nationale du CNB par exemple, qui est plutôt un annuaire interactif. Nous sommes complémentaires selon moi.

- Qu’en disent les avocats du Barreau ?

Ce site est bien entendu aussi un service pour les avocats du barreau. Tous n’apprécient pas l’innovation en général, d’autres sont très satisfaits, et d’ailleurs seuls les avocats intéressés par la plateforme s’inscrivent et y participent, et ça démarre très bien.
La profession doit avancer, même si l’on ne satisfait pas tout le monde.

- Comment imaginez-vous que la plateforme pourrait évoluer dans l’avenir ?

Le site est déjà prêt à se développer nationalement, avec un repérage du code postal de l’internaute, donc une redirection est tout à fait possible vers les avocats de tout barreau. Et c’est souhaitable pour la rencontre avec l’avocat qui pourra se produire ensuite.

La réussite de la plateforme passera d’ailleurs nécessairement par l’adhésion d’autres barreaux, nous y travaillons.

Quelques chiffres sur le marché du droit présentés lors du lancement officiel du site par IMA Tech :

Source : présentation IMA TECH - Chiffres : étude sur l’accès au droit et les Besoins en matière d’information Juridique en France aViJed et Village de la justice - mai 2014
Source : présentation IMA TECH - Chiffres : enquête Vous ecoute auprès de 1100 personnes résidant dans les plus grosses agglomérations françaises. enquête commandée par ima technologies – septembre 2015


L’analyse de la Rédaction du Village :

Voici une innovation réelle sur le marché du droit et qui répond concrètement à la démarche qualitative que souhaitent de nombreux avocats tout en s’adaptant aux contraintes de l’époque.
Le partenariat barreau/privé est aussi original, et débouche ici sur un service de qualité sans investissement financier de la part des avocats du Barreau (si l’on excepte le temps passé bénévolement sur le projet bien entendu).

La réponse à un besoin semble très bonne, et satisfera sans doute les avocats, par l’apport d’une clientèle difficile à approcher d’abord, mais aussi par la méthode peu chronophage et de qualité - donc importante pour son image et l’image globale de la profession.

Le justiciable internaute y trouvera aussi son compte, à condition qu’il soit prêt à s’impliquer dans sa problématique, c’est-à-dire à la préciser et à régler 80 €, pas du tout excessifs.

L’ambition nationale est bien logique s’agissant d’un site internet, mais sur ce point la concurrence existante est un obstacle à franchir, et cette étape sera vitale pour rentabiliser les investissements techniques notamment et surtout permettre une communication adaptée à la démarche du site : nationale, grand public, large, pour "scaler" l’innovation [1], c’est-à-dire la rendre accessible au plus grand nombre et la rentabiliser.

Pour conclure, on est bien là dans l’esprit de la campagne 2016 des Avocats : "Jamais sans mon avocat !"

Rédaction du village

[1Horrible mot venant du "scalable" anglais, difficile à traduire... « Scalable » signifie "qui peut être exploité à une grande échelle progressivement", mais aussi "qui peut bénéficier d’un effet de levier important" par cette extension.

Comentaires: