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Pas de copropriété sur le domaine public. Par Antoine Louche, Avocat.
Parution : vendredi 23 septembre 2016
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Le régime de la copropriété tel qu’il est fixé par la loi du 10 juillet 1965 est incompatible avec le régime de la domanialité publique et avec les caractères des ouvrages publics.

Le régime de protection dont bénéficie le domaine public constitue un obstacle à certaines utilisations du domaine.

Ainsi, pour exemple et jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Pinel (loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises), il n’était pas possible de contracter un bail commercial sur le domaine public (voir notamment en ce sens CE, 24 novembre 2014, n°352402 ; CE, 18 mai 1977, n°95541).

Le régime de la copropriété est confronté aux mêmes limites.

Le litige initial de la décision commentée portait sur la problématique d’absence de cession d’un bien immobilier d’une commune à l’Etat. Une convention avait été conclue en ce sens en 1976.

La Poste qui a succédé à l’État dans l’occupation du bien en cause avait saisi la juridiction administrative de conclusions tendant à la condamnation de la commune à l’indemniser des préjudices subis trouvant leurs origines dans la méconnaissance de la convention de 1976.
Pour se faire, la Poste entendait notamment opposer une prescription acquisitive à l’encontre de la commune.

Or, dans le cadre d’une réponse apportée par la commune à une mesure d’instruction du Conseil d’État, il est apparu que le bien en cause appartenait au moment de la conclusion de la convention de cession à une copropriété et que ce bien était sorti de cette copropriété en 1999.

La Haute Assemblée a alors rappelé que « (…) les règles essentielles du régime de la copropriété telles qu’elles sont fixées par la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis sont incompatibles tant avec le régime de la domanialité publique qu’avec les caractères des ouvrages publics (…) ».
Cette position n’est toutefois pas nouvelle (voir notamment en ce sens CE, 11 février 1994, n°109564). Les juges du Palais Royal ont ainsi pu déduire de ces éléments qu’avant 1999, le bien en cause ne pouvait appartenir au domaine public communal.

Toutefois, ces derniers ont également relevé qu’à compter de cette même date, l’ensemble immobilier en litige appartenait à une personne publique et était affecté au service public postal, était donc entrée dans le domaine public, conformément aux critères jurisprudentiels classiques.
Or, la domanialité publique est gouvernée par plusieurs grands principes au titre desquels figure celui de l’inaliénabilité du domaine.

Ainsi, la Poste ne pouvait opposer une prescription acquisitive à la commune pour ce bien immobilier alors qu’une période inférieure à 30 ans s’était écoulée entre la conclusion de la convention de 1976 et l’incorporation du bien au domaine public communal en 1999.

Cette décision opère donc deux rappels.
D’une part que le régime de la copropriété n’est pas compatible avec celui de la domanialité publique.
D’autre part, qu’en matière de gestion du domaine d’une personne publique, il convient toujours de s’intéresser à l’affectation du bien et à son appartenance ou non au domaine public.

Références : CE, 19 juillet 2016, n°370630 ; CE, 24 novembre 2014, n°352402 ; CE, 18 mai 1977, n°95541 ; CE, 11 février 1994, n°109564

Antoine Louche, Avocat associé chez Altius Avocats www.altiusavocats.fr