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Consommateurs, faites valoir votre droit à une information loyale ! Par Christine Pierre.
Parution : samedi 24 septembre 2016
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Dans la jungle de la société de consommation, certains acteurs peu scrupuleux n’hésitent pas à enrober leur produit d’un papier cadeau plus que séduisant… quitte à tromper leurs clients ! Il est parfois bon de rappeler que les consommateurs ont des droits et sont en mesure d’exiger une totale transparence sur le marché.

Information et protection des consommateurs.

Sur le marché, les relations entre vendeurs et consommateurs sont réglementées par le Code de la consommation. Compte tenu de la vulnérabilité des consommateurs, il s’agit de protéger ces derniers face aux professionnels et leur garantir des droits relatifs à leur consentement, leur santé ou leur sécurité. Ces droits des consommateurs se traduisent donc chez les professionnels par une obligation de transparence et de loyauté. Par exemple, les vendeurs ont un devoir de renseignement, de mise en garde et de conseil auprès des consommateurs.

De plus, le Code de la consommation pose un principe général d’interdiction des pratiques commerciales déloyales. Ces dernières sont entendues au sens large, comme définies par une directive communautaire du 11 mai 2005. Ainsi, « toutes actions, omissions, conduites, démarches ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit au consommateur » est déloyale à partir du moment où elle est contraire à la diligence professionnelle et susceptible d’inciter le consommateur à faire un achat qu’il n’aurait fait en d’autres circonstances. Et pour s’assurer du respect de ces règles, des acteurs tels que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou les associations de consommateurs ne chôment pas. Objectif : « favoriser une consommation sûre mais également une saine concurrence », explique Jean Fouché [1], le chef du bureau chargé de la programmation des enquêtes de la DGCCRF.

Des scandales à répétition.

En effet, ces dernières années ont été marquées par différents scandales, comme la très emblématique affaire de la viande de cheval [2]. Et ce manque de transparence, qui confine dans certains cas à la véritable tromperie, ne se cantonne pas au seul registre de l’alimentaire. Tous les secteurs sont concernés. Récemment, l’UFC-Que-Choisir a porté plainte pour « pratique commerciale trompeuse et tromperie » contre cinq fabricants de produits solaires dont Bioderma, Lovéa et Clarins [3]. « Alors que leurs emballages débordent de mentions rassurantes », les produits incriminés « n’offrent pas la protection minimale contre les UVA requise par les experts français et les autorités européennes », a constaté l’association. « Ces résultats sont d’autant plus inadmissibles que tous ces produits sont porteurs d’indices élevés ainsi que des mentions ‘Haute protection’ ou ‘Très haute protection’ et affichent sur leur emballage le logo ‘UVA’ laissant croire à tort aux consommateurs que les produits sont pleinement protecteurs », ajoute l’UFC-Que-Choisir.

L’association de défense des droits des consommateurs est d’ailleurs de tous les combats puisqu’elle dénonce régulièrement le manque de clarté des acteurs de la téléphonie ou spécialisés dans l’accès internet. En effet, avec l’arrivée de Free, la guerre entre fournisseurs d’accès et opérateurs s’est largement intensifiée. Et c’est le consommateur qui trinque. Numéricable [4] a ainsi été condamné en 2014 : malgré l’utilisation du terme « illimité », Numéricable limitait les appels et les SMS de ses clients. Et de son côté, Free [5] s’est également fait remarquer pour sa capacité « à jouer sur les mots ». Le nouvel acteur a ainsi été condamné pour avoir menti sur ses appels illimités à l’étranger : l’opérateur faisait mention du nombre d’appels et non du temps alloué, ce qui occasionnait des coupures intempestives au bout de quelques dizaines de minutes de conversation.

Et l’UFC-Que-Choisir pourrait bien se saisir d’un nouveau dossier, celui des coffrets-cadeaux que les Français s’arrachent dès qu’ils souhaitent (s’)offrir un moment d’évasion. Ainsi Smartbox, qui se présente comme le leader européen, ne joue pas toujours la transparence quant à l’étendue des prestations proposées. De forts écarts sont constatés entre ce qui est annoncé sur le coffret-cadeau et ce à quoi le bénéficiaire de la box a réellement accès. Exemple avec le coffret-cadeau « Rendez-vous gourmand » : Smartbox se targue de proposer pas moins de 440 restaurants… alors que si on compte scrupuleusement les établissements référencés, on tombe à 399. En outre, sur la box Bien-être, 1278 soins sont annoncés par Smartbox alors que l’on en répertorie seulement 942. L’écart est tout de même de 336 activités et interroge sérieusement sur les méthodes employées par la marque, qui fait de la richesse de son catalogue un véritable atout concurrentiel.

De quoi passablement agacer les consommateurs qui ont désormais la possibilité (dans certains domaines) de mener des actions de groupe, plus connues sous l’appellation américaine class action, afin d’obtenir réparation de leur éventuel préjudice. Et si ces mauvaises pratiques nuisent aux consommateurs, elles sont aussi de nature à déstabiliser les équilibres de marchés, au détriment des entreprises vertueuses et participent clairement de la crise de confiance entre les consommateurs et les marques.

Une lutte renforcée.

Dans ce contexte, les pouvoirs publics sont en première ligne : la législation s’est durcie notamment avec la loi relative à la consommation dite loi Hamon du 17 mars 2014, qui poursuit l’objectif de meilleure information du consommateur. Et sur le terrain, les enquêtes se multiplient également, comme l’explique Jean Fouché. « Pour 2015, nous avons particulièrement orienté nos actions de terrain de façon à répondre à 3 enjeux majeurs pour l’action de la DGCCRF en matière de consommation : le rééquilibrage des relations entre professionnels et consommateurs (…), la lutte contre les fraudes économiques et l’accompagnement des évolutions des modes de consommation », explique ce dernier. Et Jean Fouché d’ajouter que la DGCCRF « s’est bien entendu perfectionnée au fil du temps pour s’adapter aux pratiques, à l’évolution des modes de consommation », notamment avec l’essor du commerce électronique.

Car sur Internet, les dérives sont nombreuses : différentes affaires de « faux avis » de consommateurs ont notamment été révélées. Aussi, la loi pour une République numérique impose à « toute personne dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, modérer ou diffuser des avis en ligne de consommateurs, est tenue de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les modalités de vérification des avis mis en ligne ». Grâce à cela, le consommateur doit être capable d’évaluer quel degré de confiance il accorde aux avis et, par rebond, au site qui les publie.

Autre phénomène qui prend de l’ampleur, celui dénoncé par le collectif Etiquable.org [6] qui voit en l’émergence du marketing du « sans », de nouvelles pratiques déloyales. Ces méthodes, qui n’ont rien à voir avec l’information nutritionnelle, exploitent les nouvelles peurs alimentaires (sel, colorant, gluten, huile de palme, …), quitte à créer de nouvelles offres mensongères, fausser la concurrence et augmenter les prix.

Preuve que le chemin vers une totale transparence est encore bien long. Ce défi ne sera relevé qu’avec la responsabilisation et l’engagement accru des professionnels.

Christine Pierre