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Rappel de la règle de l’interdiction des paiements des cotisations sociales antérieures au jugement d’ouverture et obligation de délivrance d’une attestation par l’URSSAF. Par Clotilde Jun, Élève-avocat.
Parution : mercredi 28 septembre 2016
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L’URSSAF se doit délivrer l’attestation de vigilance à une société faisant l’objet d’une procédure collective, même si des cotisations antérieures n’ont pas été payées, dès lors que le débiteur est à jour de ses cotisations postérieures en période d’observation.

(Cass, 2ème Civ, 16 juin 2016, n°15-20.231)

Pour tout contrat (portant sur l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de service ou l’accomplissement d’un acte de commerce) d’un montant minimum de 5.000 euros HT, le donneur d’ordre est tenu de vérifier, lors de sa conclusion, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations de déclaration et de paiement des cotisations à l’égard de l’URSSAF, en se faisant présenter une attestation de vigilance délivrée par l’URSSAF.
Or, l’URSSAF se prévaut de cotisations impayées pour ne pas délivrer ladite attestation à des débiteurs faisant l’objet d’une procédure collective, ce qui complique la continuité de l’activité de sociétés déjà en difficultés.

L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 16 juin 2016 met un coup d’arrêt à ses pratiques abusives.

Une société, faisant l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, demande à l’URSSAF la délivrance de l’attestation « de vigilance » relative au respect de ses obligations déclaratives et de paiement.
L’URSSAF adresse en retour à la société un document précisant : « cette attestation ne vaut pas attestation de vigilance prévue par l’article L.243-15 du Code de la sécurité sociale. »

Il résulte de ce texte qu’une attestation sociale ne peut être délivrée qu’à une personne s’étant acquittée des cotisations et contributions dues à leur date d’exigibilité voire, le cas échéant, ayant souscrit et respecté un plan d’apurement des cotisations et contributions restant dues.
L’URSSAF se prévalait en l’espèce de cotisations antérieures à l’ouverture de la procédure impayées pour ne pas faire droit à la demande de la société.

Le problème se pose de manière récurrente à des débiteurs en redressement judiciaire, ayant des créances URSSAF impayées au jour de l’ouverture de la procédure, mais qui sont à jour en période d’observation.

La Haute Cour apporte ici une réponse claire aux pratiques de l’URSSAF, ayant des conséquences personnelles et professionnelles non négligeables sur ses affiliés : l’URSSAF doit délivrer l’attestation à la société, quand bien même des cotisations antérieures ne seraient pas réglées, sous la réserve évidente que la société soit à jour de ses cotisations pendant la période d’observation, ce qui est à juste titre relevé par la cour d’appel et la Haute Cour.

Elle rappelle, au visa de l’article L.622-7 du Code de commerce, que « le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes », et d’en tirer la conclusion que les cotisations et contributions sociales afférentes à la période antérieure au jugement d’ouverture ne sont plus exigibles au sens de l’article L.243-15 du Code de la Sécurité sociale : ces créances n’étant donc plus exigibles à compter de l’ouverture de la procédure, l’URSSAF ne peut plus se prévaloir de l’existence de sommes impayées pour refuser la délivrance de telle ou telle attestation.

Est-il permis d’étendre le raisonnement de la Cour de cassation à la délivrance des attestations de marché public par l’URSSAF, qui refuse systématiquement de les délivrer aux entreprises en période d’observation dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, du fait de cotisations antérieures impayées ?

On ne peut qu’appeler de nos vœux une évolution de la position de l’URSSAF sur cette pratique, la période d’observation étant par nature la bouffée d’oxygène qui permet aux entreprises méritantes de redresser la situation, période qui ne doit pas donner lieu à des perte de contrats, de chiffre d’affaires, faute d’attestation URSSAF.

Dont acte.

Clotilde Jun - Elève Avocat