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Principe d’égalité devant la loi, droit du licenciement. Par Eric Vermot-Gauchy.
Parution : lundi 10 octobre 2016
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Le 4 octobre dernier, les sages du Palais-Royal ont examiné à nouveau la constitutionnalité de l’article L. 1235-3, alinéa 2, du Code du travail qui octroie au salarié, dont le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Lors d’un contrôle a priori, le Conseil constitutionnel a déjà déclaré conforme à la Constitution cette disposition, dans les motifs et le dispositif de sa décision du 17 janvier 2008. Toutefois, la chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt du 13 juillet 2016, a accepté de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ce même article. La Haute juridiction estime en effet que la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-715 DC du 5 août 2015 constitue un changement des circonstances de droit qui justifie le réexamen de la disposition législative critiquée.

I - Sur le risque d’une QPC mal rédigée

A titre liminaire, la QPC apparait mal rédigée. La question dont est saisi le Conseil constitutionnel aurait dû à notre sens viser l’article L. 1235-5 du même code qui exclut le seuil d’indemnisation minimale pour les salariés de moins de deux ans d’ancienneté et dont le licenciement est opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés. En effet, l’article L. 1235-3, alinéa 2, du Code du travail qui fait l’objet de la QPC ne créé pas à lui seul de différence de traitement. C’est plutôt sa combinaison avec l’article L. 1235-5 du même code qui génère l’exclusion d’une catégorie de salariés du bénéfice de l’indemnisation minimale. C’est en conséquence davantage cette dernière disposition législative combinée avec la première qu’il eût fallu déférer au Conseil.

II - Le changement de circonstances de droit

Sur le fond, quel est ce changement de circonstances de droit qui justifie un nouvel examen de constitutionnalité ?

L’on se souvient que le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article 266 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (Loi Macron) - article relatif à l’encadrement du montant de l’indemnité prononcée par le conseil de prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans leur considérant n° 152, les sages ont affirmé que si le législateur pouvait plafonner l’indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, il devait à cette fin retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié. Or, pour le Conseil, le critère de la taille de l’entreprise (effectif) n’est pas en adéquation avec l’objet de la loi, ce dont il résulte qu’une telle différence de traitement méconnaît le principe d’égalité devant la loi.

Nous pourrions donc raisonnablement penser que le Conseil constitutionnel tirera les conséquences de sa propre jurisprudence en considérant que l’actuel régime d’indemnisation prévu en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse institue une différence de traitement méconnaissant le principe d’égalité devant la loi.

Mais encore faut-il qu’il n’écarte pas la QPC au motif que l’article querellé ne crée pas à lui seul de différence de traitement !!!

A suivre...

Eric Vermot-Gauchy