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Permis de construire illégal et préjudice anormal : absence d’automaticité. Par Antoine Louche, Avocat.
Parution : jeudi 20 octobre 2016
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L’éventuelle illégalité d’un permis de construire ne permet pas à elle seule de caractériser l’anormalité du dommage permettant l’indemnisation d’un dommage de travaux publics.

Récemment le Conseil d’Etat a déjà eu à connaître de la problématique de l’engagement de la responsabilité de l’administration à raison de l’illégalité d’une décision de refus de permis (CE, 15 avril 2016, n°371274).

Il avait alors considéré que « (…) la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d’un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation (…)  ».

La décision commentée s’inscrit dans la même veine jurisprudentielle.

En l’espèce, un projet de lotissement constitué de 21 lots de l’OPH avait été autorisé.
Des riverains du projet avaient alors formé un recours tendant à la condamnation de l’OPH à leur verser une somme total de 224 652.86 euros en réparation des troubles subis.

Ces préjudices étaient décomposés de la manière suivante :
- 80 000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence,
- 69 402,89 euros au titre des mesures compensatoires à mettre en œuvre,
- 75 250 euros au titre de la perte de valeur vénale de leur bien.

Les premiers juges ont rejeté leur demande, mais le jugement a toutefois été annulé en appel et une somme totale de 124 000 euros a été allouée aux intéressés, outre le remboursement des frais d’expertise engagés.

L’OPH a alors formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Le Conseil a alors indiqué que : « (…) pour retenir la responsabilité sans faute du propriétaire d’un ouvrage public à l’égard des tiers par rapport à cet ouvrage, le juge administratif apprécie si le préjudice allégué revêt un caractère anormal ; qu’il lui revient d’apprécier si les troubles permanents qu’entraîne la présence de l’ouvrage public sont supérieurs à ceux qui affectent tout résident d’une habitation située dans une zone urbanisée, et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des immeubles collectifs édifiés sur les parcelles voisines ; (…) ».

Il s’agit d’un raisonnement classique en matière de dommage permanent de travaux publics lié à la présence de l’ouvrage.

Les juges du Palais Royal ont toutefois complété ce considérant en estimant que « (…) l’illégalité affectant une autorisation d’urbanisme ne saurait par elle-même suffire à caractériser l’anormalité du préjudice (…)  ».

Autrement dit, l’éventuelle illégalité d’un permis de construire ne permet pas à elle seule de caractériser l’anormalité du dommage permettant l’indemnisation d’un dommage de travaux publics.

Tirant les conséquences de ce principe, le Conseil a annulé l’arrêt attaqué et renvoyé l’affaire de la cour administrative de Bordeaux.

Une fois encore, la jurisprudence tend vers l’impérieuse nécessité pour le demandeur de démontrer l’existence de l’anormalité du préjudice qu’il estime avoir subi en matière de dommage permanent de travaux publics.

Références : CE, 28 septembre 2016, n°389581 ; CE, 15 avril 2016, n°371274

Antoine Louche, Avocat associé chez Altius Avocats www.altiusavocats.fr