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Sécurité juridique : le contrat administratif ne peut pas changer de nature en cours d’exécution. Par Franck Carpentier, Doctorant en droit.
Parution : vendredi 21 octobre 2016
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Par sa décision Société Fosmax en date du 11 avril 2016 le tribunal des conflits est venu préciser que la substitution d’un cocontractant privé au cocontractant public par un avenant rétroactif à la date de la signature dudit contrat ne remettait pas en cause la nature administrative de celui-ci. Celle-ci se détermine en effet au jour de la conclusion du contrat.

La décision du 9 mars 2015, Mme Rispal c/ Société des autoroutes du Sud de la France avait été l’occasion pour le Conseil d’État de préciser la portée du principe déjà posé le 16 octobre 2006 dans sa décision Caisse centrale de réassurance c. Mutuelle des architectes français : sauf disposition législative contraire, la nature juridique d’un contrat s’apprécie à la date à laquelle il a été conclu.

En l’espèce, Gaz de France, alors EPIC, avait conclu le 12 mai 2004, en application de la loi du 3 janvier 2003, un contrat confiant à un groupement d’entreprises solidaires la construction d’un terminal méthanier à Fos-sur-Mer. Par la loi du 9 août 2004, Gaz de France a été transformé en société anonyme. Or, le 17 juin 2005, un avenant au contrat a été conclu. Celui-ci prévoyait la substitution, de manière rétroactive à la date de la conclusion du contrat, à Gaz de France de sa filiale Fosmax, personne morale de droit privé. Après réception des travaux, des incidents ont été rencontrés si bien que la société Fosmax a cherché à déclencher la procédure d’arbitrage prévue par le contrat la liant au groupement d’entreprises solidaires pour la réalisation dudit terminal.
La question était donc celle de savoir si la cession rétroactive du contrat administratif conclu par une personne publique à une personne privée avait pour effet d’en modifier la nature.

En l’espèce, la nature rétroactive de cet avenant avait pour conséquence de remettre en cause le critère organise du contrat administratif puisque n’étaient plus parties que des personnes privées. Et, comme l’a souligné le rapporteur public Yves Manaud, aucune des parties au contrat ne pouvait être regardée comme agissant pour le compte de la personne publique si bien que la jurisprudence Société d’équipement de la région montpelliéraine en date du 30 mai 1975 ne pouvait s’appliquer. En outre, c’est sous l’empire du droit public que le contrat avait été exécuté pendant un an.
Partant, le Conseil d’État a décidé de faire primer le principe de continuité des contrats au nom de la simplification des contentieux comme cela avait déjà été sa volonté lors de la décision Caisse centrale de réassurance précitée.

Ainsi, même dans le cas d’une cession rétroactive du contrat à une société privée, la nature du contrat doit être appréciée au jour de sa conclusion. En l’espèce, le contrat revêtait, au jour de sa conclusion, le caractère de contrat administratif. L’avenant ultérieurement conclu, même lorsque remettant en cause le critère organique nécessaire en l’espèce à la qualification de contrat administratif, ne saurait faire obstacle au principe d’appréciation de la nature du contrat au jour de sa conclusion.

Franck Carpentier Docteur en droit Cabinet Atlantes Avocats