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Le Pacte Dutreil, ou comment organiser à l’avance la transmission de ses titres. Par Maxime Leder, Avocat.
Parution : mercredi 26 octobre 2016
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En France, nous savons que les droits de donation et de succession entre parents et enfants peuvent être élevés.
Ils sont fixés par un barème prévu à l’article 777 du Code général des impôts dont le taux peut atteindre 45% de la valeur des éléments transmis, après un abattement de 100.000 euros sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants.

Pour autant, pour les associés et actionnaires de sociétés, il existe un dispositif simple et peu onéreux, pourtant méconnu du grand public, qui permet de diminuer grandement les droits de donation et de succession lors de la transmission de leurs droits sociaux.

L’article 787 B du CGI prévoit ainsi que les transmissions par voie de donation ou de succession d’actions ou de parts sociales peuvent être exonérées de droits de mutation à titre gratuit à hauteur de 75% de leur valeur, sous réserve qu’un engagement collectif de conservation ait été préalablement signé.

Plusieurs conditions doivent être respectées :

1. L’engagement collectif de conservation doit être signé par au moins deux associés (personne physique ou personne morale) de la société dont les titres seront transmis par donation ou succession.
Cet engagement est pris par les associés (ou certains d’entre eux) pour leur compte et celui de leurs ayants causes à titre gratuit.

2. L’engagement collectif de conservation doit avoir une durée minimale de 2 ans à compter de l’enregistrement de l’acte ou, s’il s’agit d’un acte authentique, de sa signature.
Pendant toute la durée de l’engagement collectif, les titres devront être obligatoirement conservés par les signataires de l’engagement ou par leurs ayants causes à titre gratuit.

3. L’engagement collectif de conservation doit porter sur des titres d’une société exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole.
Les titres d’une société holding animatrice peuvent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation, ce qui n’est pas le cas des titres d’une société holding pure, qui se contente de détenir des participations.

Cette dernière peut cependant être signataire d’un engagement collectif de conservation des titres d’une de ses filiales exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole.
Dans ce cas, en agissant en tant que « société interposée », les titres de cette holding pure pourront bénéficier d’un abattement de 75% de leur valeur au moment de la transmission par voie de donation ou de succession, dans la limite de la fraction de la valeur de l’actif brut de la société holding représentative de la participation ayant fait l’objet de l’engagement collectif de conservation.

4. L’engagement collectif de conservation doit porter sur 20% des droits financiers et des droits de vote si la société est cotée, ou 34% desdits droits si la société n’est pas cotée, et ce pendant toute la durée de l’engagement.

5. L’un des signataires de l’engagement collectif de conservation doit exercer son activité principale dans la société s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur le revenu, ou une fonction de direction s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés (gérant, président, directeur général, président du conseil de surveillance, membre du directoire).

Cet engagement collectif de conservation doit être en cours au moment de la donation ou de la succession.

Ainsi, si aucune transmission à titre gratuit n’est intervenue dans les deux ans à compter de l’enregistrement de l’engagement collectif ou de sa signature, ce dernier sera prorogé jusqu’à ce que la transmission à titre gratuit intervienne.

Au moment de la donation ou de la succession, les donataires ou les héritiers doivent à leur tour prendre l’engagement, pour eux et pour leurs ayants cause à titre gratuit, de conserver les actions ou les parts sociales reçues pendant un délai de quatre ans à compter de la fin de l’engagement collectif de conservation.

Par ailleurs, à l’issue de la transmission à titre gratuit et pendant un délai de trois ans, l’un des associés ayant souscrit à l’engagement collectif de conservation des titres ou l’un des héritiers ou donataires ayant pris l’engagement individuel de conservation doit exercer son activité principale dans la société s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur le revenu, ou une fonction de direction s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés (gérant, président, directeur général, président du conseil de surveillance, membre du directoire).

Chaque année jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation des titres, une attestation devra être déposée par la société ou par les héritiers ou donataires avant le 31 mars au service des impôts des entreprises concerné, afin de certifier du respect des conditions prévues dans la loi.

Il est impératif de respecter l’intégralité de ces conditions jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation pour que l’abattement de 75% sur la valeur des titres transmis soit définitif.

En effet, le non respect de l’engagement collectif de conservation des titres par les signataires et leurs ayants causes à titre gratuit entraîne le paiement par tous les héritiers ou donataires des droits de mutation à titre gratuit sur 100% de la valeur des titres transmis, et de l’intérêt de retard au taux de 0,4% par mois.
Pour autant, si un signataire cède ses titres à un tiers, les autres signataires ne seront pas impactés et pourront continuer à bénéficier des dispositions de l’article 787 B du CGI dès lors qu’ils conservent 20% ou 34% des titres de la société jusqu’au terme de l’engagement collectif.

En revanche, le non respect de l’engagement individuel de conservation des titres par un héritier ou un donataire entraîne quant à lui le paiement par l’héritier ou le donataire concerné des droits de mutation à titre gratuit sur 100% de la valeur des titres transmis, et de l’intérêt de retard au taux de 0,4% par mois.

Enfin, le non respect de l’exercice de son activité principale dans la société (société de personnes) ou d’une fonction de direction (société soumise à l’impôt sur les sociétés), entraîne le paiement par tous les héritiers ou donataires des droits de mutation à titre gratuit sur 100% de la valeur des titres transmis, et de l’intérêt de retard au taux de 0,4% par moi.

Tous les associés et actionnaires qui souhaitent conserver leurs actions ou leurs parts sociales dans le patrimoine familial et les transmettre à leurs enfants par voie de donation ou de succession ont tout intérêt à conclure un engagement collectif de conservation, permettant de réaliser une importante économie d’impôt au moment de la transmission.

En l’absence de signature d’un engagement collectif de conservation avant le décès d’un associé, les héritiers disposent d’un délai de 6 mois pour conclure ledit engagement entre eux ou avec d’autres associés de la société.

De plus, il convient de relever que cette formalité est peu onéreuse, puisqu’elle ne coûte que 125 euros pour faire enregistrer l’acte au service des impôts des entreprises.


Alors n’attendez pas qu’il soit trop tard, et préparez d’ores et déjà la transmission de votre patrimoine à vos enfants !

Maxime Leder Avocat au Barreau de Nîmes