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La capacité d’accueil n’est pas un motif pour refuser l’inscription d’un étudiant en Master 1. Par Jean-Yves Trennec, Avocat.
Parution : vendredi 25 novembre 2016
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De même que les universités ne peuvent sélectionner leurs étudiants à l’entrée du master 1, elles ne peuvent jouer sur leur capacité d’accueil pour écarter les étudiants ayant réussi leur licence. L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil censure une décision de l’université Paris 8 qui s’était crue autorisée à opérer une sélection indirecte en invoquant un manque de place.

Dans une ordonnance en date du 22 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil vient compléter la jurisprudence relative au contentieux des masters en statuant sur la question de la légalité des refus d’inscription liés à la capacité d’accueil du diplôme [1].

La jurisprudence de ces deux dernières années avaient surtout eu à connaître des décisions des universités refusant le passage des étudiants de master 1 en master 2 sur le fondement d’une sélection sur dossier [2]. L’affaire qui a donné lieu à l’ordonnance commentée aborde la sélection par le biais de la capacité d’accueil. La sélection directe sur dossier ayant été censurée par les juges, il semble que certaines universités se soient essayées à recourir à une sélection indirecte en mettant en avant un manque de place.

Au cas particulier, une étudiante avait obtenu sa licence en psychologie à l’université Paris 8 et entendait poursuivre son cursus dans cette matière dans la même université.

Le président de l’université Paris 8 s’étant opposé à cette inscription au motif que la capacité du master avait été atteinte, l’étudiante a saisi en urgence le juge des référés en vue de suspendre cette décision.

Dans l’état actuel du droit positif, le juge de l’urgence a été contraint de suspendre le refus d’inscription de l’université.

On rappellera que dans notre espèce, la résolution de la question de droit était gouvernée par les dispositions de l’article L.612-6 du Code de l’éducation qui indique, en substance, que tout étudiant ayant obtenu sa licence a le droit de s’inscrire en deuxième cycle. Si le texte de l’article L.612-6 apporte quelques restrictions à ce droit et ouvre la possibilité d’un refus d’admission en raison des capacités d’accueil ou d’une sélection, ces restrictions n’ont jamais pu être légalement mises en œuvre car elles étaient subordonnées à l’édiction d’un décret qui n’a jamais vu le jour.

Dans son avis en date du 10 février 2016, le Conseil d’État avait confirmé l’impossibilité d’organiser une sélection dans le second cycle, quelle que soit la forme prise par celle-ci [3].

Le refus d’inscription de l’étudiante en master 1 était donc manifestement illégal et ne pouvait dès lors qu’être censuré par le juge.

Pour sa défense, l’université invoquait, certes, les dispositions du décret n°2016-672 du 25 mai 2016 relatif au diplôme national de master qui ont précisé les diplômes de master pour lesquels la capacité d’accueil pouvait constituer un motif de refus d’admission [4].

Mais ce moyen ne pouvait qu’être écarté par le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil dans la mesure où, le texte invoqué par l’université, ne s’appliquait pas à l’entrée en master 1 mais seulement à la situation des étudiants postulant à un master 2.
Autrement dit, en s’appuyant sur ce texte, l’université méconnaissait son champ d’application juridique limité et commettait une illégalité.

De nouvelles dispositions, plus cohérentes, sont en discussion au Parlement pour régler semble-t-il définitivement la question de la sélection à l’université.
Ces nouvelles dispositions du Code de l’éducation ont été adoptées en première lecture par le Sénat le 26 octobre 2016 et sont aujourd’hui à l’étude à la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée Nationale.
Dans le texte à l’étude, il a été décidé que la sélection des étudiants s’opérera à la fin de la licence. La possibilité de poursuivre ses études après la licence est, cependant, garantie en cas d’échec à intégrer un master sélectif. Le passage du master 1 au master 2 sera, en principe, de droit, conformément à la logique du second cycle des études supérieures qui se déroule sur deux années. Cependant, dans certaines disciplines limitativement énumérées les étudiants pourront encore subir une sélection.

L’adoption de ce nouveau régime des masters devrait contribuer à rasséréner les présidents d’université qui craignaient de ne pouvoir effectuer dans la sérénité la rentrée universitaire 2016-2017.

Jean-Yves Trennec, Avocat, Barreau de Seine-Saint-Denis [->contact@scp-arents-trennec.com]

[1Ordonnance du 22 novembre 2016 req. n°1608622 http://www.scp-arents-trennec.com/?p=1400.

[2TA de Montreuil, 8 avril 2016 req. n°1508618 ; TA de Paris 12 oct 2015 req. n°1516221/9.

[3CE, n°394594, 394595, 10 février 2016, Mme D…M. A…

[4Décret n°2016-672 du 25 mai 2016 relatif au diplôme.

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