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Les enjeux juridiques de la détermination médico-légale de l’âge des jeunes migrants. Par Vincent Ricouleau, Professeur de droit.
Parution : vendredi 9 décembre 2016
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Protéger les mineurs isolés est un impératif. Un arsenal législatif et règlementaire prévoit une protection qui a beaucoup tardé à être mise en place. Encore faut-il disposer de techniques de détermination de l’âge des jeunes migrants, comme les entretiens ou les examens radiologiques osseux. Mais l’absence de fiabilité de ces derniers reposant sur l’atlas d’anatomie et de radiologie de Greulich et de Pyle mérite quelques explications. Les contestations du fameux atlas de Greulich et Pyle apparaissent en effet fondées. L’enjeu est maintenant de répondre le mieux possible aux besoins de ces jeunes migrants, si vulnérables.

Des centres d’accueil et d’orientation des mineurs non accompagnés, privés temporairement ou définitivement de milieu familial (CAOMI) ont été créés suite aux opérations de démantèlement de la lande de Calais ainsi qu’à la fermeture du centre d’accueil provisoire (CAP), et du centre Jules Ferry.

L’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) suit l’évacuation des 5.253 migrants. Ces derniers sont répartis dans 197 CAOMI.

Parmi ces 5.253 migrants, combien sont vraiment mineurs ?

Être identifié comme une personne majeure ou mineure est un enjeu juridique déterminant. Reconnue majeure, la personne sera en situation d’irrégularité et menacée d’expulsion. Reconnue mineure, la personne bénéficiera du dispositif juridique de protection de l’enfance.

La difficulté est que les migrants, très vulnérables, sont sans papiers d’identité, ou avec des documents en partie détruits dans les conflits, les voyages, par les intempéries, illisibles, raturés, avec des fautes, mal photocopiés, ou incohérents.
Une erreur sur l’âge de la personne entraîne des mesures juridiques inappropriées pouvant détruire des existences.

Alors comment déterminer la minorité ou la majorité du migrant et lui attribuer le statut juridique adapté ?

L’État français n’est pas resté sans réponse juridique mais celle-ci est d’une tardiveté certaine dans un contexte d’urgence à agir.

La loi du 14 mars 2016 , le décret du 24 juin 2016, les arrêtés ministériels du 28 juin 2016, du 23 septembre 2016, du 17 novembre 2016, les circulaires du 31 mai 2013, du 25 janvier 2016, du 1 novembre 2016, complètent tant bien que mal un statut du jeune migrant dont il faut absolument déterminer l’âge afin de le protéger.

Mais le droit international avait déjà depuis très longtemps posé plus que les jalons d’une protection du jeune migrant.

Ainsi, l’observation générale n°6 datant de 2005 du Comité des droits de l’enfant, comité chargé de l’application de la convention internationale des droits de l’enfant du 20 mars 1989, ratifiée par la France en 1990, avait déjà parfaitement mis en exergue les questions juridiques liées aux mineurs isolés et proposé des réponses, notamment sur les méthodes de détermination de l’âge.

Le Défenseur des droits, autorité indépendante, s’implique beaucoup dans le respect des droits des jeunes migrants, dénonçant dans ses décisions les carences de l’État.

Le Défenseur des droits dans sa décision du 26 février 2016 rappelle qu’un mineur isolé doit être considéré comme un mineur en danger et qu’une protection adaptée s’impose, conformément à l’article 20 de la Convention internationale des droits de l’enfant.

L’article L.112-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) mentionne « que la protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer la prise en charge ».

Concernant l’évacuation de la lande de Calais et l’évacuation des migrants, le Défenseur des droits rappelle dans sa décision du 14 octobre 2016 l’intérêt supérieur de l’enfant énoncé à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant et le droit à avoir un vrai domicile.

Le Défenseur des droits critique les CAOMI mais laisser les jeunes migrants dans la lande de Calais était inacceptable.

L’objectif est maintenant de les identifier et de les protéger le mieux possible. Toutefois, il convient de rappeler les définitions d’un mineur isolé.

La définition d’un mineur

Rappelons que l’article 388 al 1 du Code civil définit « le mineur comme l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis ».

L’article 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 mars 1989 dit qu’un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable.

La définition d’un mineur non accompagné

Le droit international définit clairement un mineur non accompagné.

L’article 1 de la résolution du Conseil de l’Europe du 26 juin 1997 définit le mineur non accompagné comme les ressortissants de pays tiers âgés de moins de dix-huit ans qui entrent sur le territoire des États membres sans être accompagnés d’un adulte, qui soit responsable d’eux, de par la loi ou la coutume, et tant qu’ils ne sont pas effectivement pris en charge par une telle personne. Il s’agit aussi de ressortissants de pays tiers qui ont été laissés seuls après être entrés sur le territoire des États membres. La définition du Conseil de l’Europe du 12 juillet 2007 et du Haut Commissariat aux Réfugiés est similaire.

Mais l’État français a lui-même défini le mineur isolé dans l’arrêté ministériel du 17 novembre 2016. L’article 1 considère une personne « isolée » lorsqu’aucune personne majeure n’en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se voir durablement confier l’enfant, notamment en saisissant le juge compétent.

La circulaire du 31 mai 2013 mentionne notamment, parmi d’autres textes, que la preuve d’un lien de filiation par tout document en cours de validité permet de ne pas considérer un mineur comme isolé.

Le mineur n’est pas isolé s’il est inscrit sur le passeport d’un majeur ou encore s’il est produit un acte valant de plein droit délégation d’autorité parentale. Ces documents doivent répondre par contre aux exigences de l’article 47 du Code civil.

L’arrêt du Conseil d’État du 27 juillet 2016

Le Conseil d’État dans son arrêt du 27 juillet 2016 a rappelé le rôle incontournable des départements dans « la mise à l’abri exceptionnelle » assurée par les CAOMI. Il a aussi rappelé le pouvoir de police générale de protection des personnes ainsi que la nécessité du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de dignité humaine. L’État, compte tenu de l’envergure de l’opération d’évacuation et le dépassement des capacités du département, doit assurer une prise en charge adaptée.

La circulaire du 1 novembre 2016 cite l’arrêt du Conseil d’État du 27 juillet 2016, rappelant ainsi tant le rôle que le partage des compétences de l’État et du département.

Le président du conseil départemental a l’obligation notamment de mettre en place, en temps normal, un accueil provisoire des mineurs isolés, de cinq jours, à compter du premier jour de leur prise en charge. Ce délai de cinq jours est critiqué par le Défenseur des droits, qui propose une prise en charge non limitée du jeune migrant.

Les CAOMI devant répondre à une situation dite exceptionnelle, exigeant une excellente organisation, les délais de prise en charge sont beaucoup plus longs.

La mission des centres d’accueil et d’orientation des mineurs isolés

Les CAOMI accueillent les mineurs non accompagnés (M.N.A) pour une durée estimée de trois mois avant leur orientation, soit vers le Royaume-Uni, soit vers le dispositif de protection de droit commun de l’enfance.

Les CAOMI assurent la sécurité, la salubrité, la prise en charge des besoins médicaux et psychologiques, les démarches administratives.

Les CAOMI sollicitent le cas échéant auprès du procureur de la République la désignation d’un administrateur ad hoc conformément au Code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile.
Si les administrateurs ad hoc ne sont pas assez nombreux, le procureur peut solliciter des personnes non inscrites sur la liste des administrateurs ad hoc.

Les mineurs bénéficient de la continuité de l’instruction par les autorités britanniques de leur demande de rapprochement familial initiée à Calais. La plupart des mineurs souhaitent en effet se rendre au Royaume-Uni.
Si le mineur déclare ne pas vouloir se rendre au Royaume-Uni, le président du conseil départemental (PCD) procède à l’évaluation par ses services ou par une association déléguée.
Cette évaluation est sous la responsabilité du PCD mais financée par l’État.

Si le sujet est majeur, il sera orienté par le CAOMI vers un centre d’accueil et d’orientation pour les majeurs. Une attestation du refus de prise en charge est remise afin d’ouvrir certains droits spécifiques.

Si le sujet est mineur mais non isolé, l’intérêt de l’enfant prime. L’enfant pourra être remis à un adulte, identifié et localisé sur le territoire national si celui-ci dispose de l’autorité parentale.
A défaut, l’enfant peut être placé auprès de cet adulte, par décision du juge pour enfant, après ouverture d’une procédure d’assistance éducative.

Si le sujet est mineur et isolé, le PCD signale le cas au procureur de la République.

Le procureur de la République contacte la cellule nationale d’orientation et d’appui à la décision de placement judiciaire placée auprès de la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse.

La répartition des mineurs sur le territoire national

L’article 48 de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance a introduit un article L.221-2-2 dans le CASF, pour permettre l’application du troisième alinéa de l’article 375-5 du Code civil.

Cet article organise un système de répartition proportionnelle des accueils des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Le décret du 24 juin 2016 organise les conditions d’accueil, d’évaluation et d’orientation de ces mineurs.
Une cellule spéciale a été créée par l’arrêté du 28 juin 2016 pris en application de l’article R.221-11 du CASF.

La fonction de cette cellule nationale d’orientation et d’appui est de mettre à la disposition de l’autorité judiciaire des informations actualisées lui permettant de savoir dans quel département il apparaît opportun de placer le mineur.

L’utilisation d’une formule de répartition

L’arrêté du 28 juin 2016 précise en termes mathématiques une formule de calcul permettant l’application de l’article R.221-13 du CASF.

On calcule la proportion de mineurs arrivés sur le territoire métropolitain que chaque département doit accueillir au cours de l’année N. Cette proportion est définie pour chaque département par la clé de répartition désignée comme K3. Cette clé est définie chaque année en prenant en compte le nombre de mineurs confiés par décision judiciaire au service de l’aide sociale à l’enfance et toujours pris en charge au sein du département au 31 décembre de l’année N-1.

L’article 4 de l’arrêté du 28 juin 2016 utilise les termes de « stock théorique et réel » de mineurs. Le terme « effectif » aurait été plus adapté que celui de « stocks ». On ne saurait parler de stocks lorsqu’on parle d’enfants. Le gouvernement doit dès que possible modifier cette terminologie bien mal choisie et peu respectueuse.

Un comité de suivi du dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, présidé par le Garde des Sceaux, a aussi été créé par l’arrêté du 23 septembre 2016.

Suite aux informations transmises par la cellule nationale et le département, le procureur de la République peut prendre une ordonnance de placement provisoire dans l’intérêt de l’enfant. Mais il faut au préalable effectuer une évaluation. Celle-ci est d’une importance stratégique. Elle répond à des critères très précis.

Comment se passe l’évaluation visant à déterminer si la personne est un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ?

Le Défenseur des droits, dans sa décision du 21 décembre 2012, conseillait un comportement bienveillant, et de privilégier la qualité des entretiens avec les jeunes migrants. Une double évaluation avec un travailleur social était recommandée.

L’article 3 de l’arrêté du 17 novembre 2016 prévoit la trame de l’évaluation du jeune migrant.

L’évaluation sociale, « neutre », « bienveillante » est menée par les services du département ou par toute structure du secteur public ou du secteur associatif.
Il s’agit d’entretiens analysant la cohérence des éléments recueillis, au besoin avec l’aide d’autres professionnels. La personne évaluée doit si besoin bénéficier d un interprète.
La personne est informée des objectifs et des enjeux de l’évaluation.

L’évaluation dite « pluridisciplinaire » doit permettre de recueillir un faisceau d’indices visant à déterminer si la personne est un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Les circulaires du 31 mai 2013 et du 25 janvier 2016 prônaient aussi l’utilisation du faisceau d’indices, qui n’est donc pas une nouvelle méthode mais celle permettant de réunir le maximum d’éléments.

L’article 4 de l’arrêté du 17 novembre 2016 précise que les professionnels en charge de l’évaluation disposent d’une formation ou d’une expérience permettant le respect de l’intérêt de l’enfant.
Les évaluateurs doivent justifier d’une formation ou d’une expérience notamment en matière de connaissance des parcours migratoires et de géopolitique des pays d’origine, de psychologie de l’enfant et de droit des mineurs.

L’article 5 de l’arrêté du 17 novembre 2016 dit qu’à chaque stade de l’évaluation sociale, l’évaluateur veille à confronter l’apparence physique de la personne, son comportement, sa capacité à être indépendante et autonome, sa capacité à raisonner et à comprendre les questions posées, avec l’âge qu’elle allègue.

L’article 6 fixe le cadre de l’entretien. L’évaluateur doit recueillir l’état civil, la composition familiale, la présentation des conditions de vie dans le pays d’origine, l’exposé des motifs de départ du pays d’origine, la présentation du parcours migratoire de la personne jusqu’à l’entrée sur le territoire français, les conditions de vie depuis l’arrivée en France, le projet de la personne.

L’avis motivé de l’évaluateur sur la minorité ou la majorité du migrant

L’article 7 dit qu’après avoir effectué une synthèse des entretiens dans un rapport d’évaluation, l’évaluateur rend un avis motivé quant à sa minorité ou à sa majorité et au caractère d’isolement familial ou non de la personne se déclarant mineure, privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille.
Si des doutes subsistent, quant à l’âge, l’évaluateur l’indique dans son rapport d’évaluation. Il adresse son avis motivé au président du conseil départemental.

A l’issue de l’évaluation, l’administration doit donc être en mesure de répertorier les mineurs, de surcroît, isolés.
Les actes d’état civil dont il faut rappeler la force probante constituent une source d’information primordiale pour l’administration.

La force probante des actes d’état civil

Le Défenseur des droits rappelle qu’en application de l’article 47 du Code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même, établissent le cas échéant, après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Cette disposition était déjà contenue dans la circulaire du 31 mai 2013.
Il y a donc une présomption d’authenticité non irréfragable des actes d’état civil produits par les jeunes migrants.

En cas de doute, une levée d’acte auprès des autorités étrangères compétentes peut permettre de vérifier la validité des actes produits.
Encore faut-il que l’administration du pays d’origine du jeune migrant fonctionne, que la guerre ne ravage pas le pays en question, que les archives n’aient été ni déplacées, ni détruites…

Que faire lorsque le doute sur la minorité du jeune migrant subsiste malgré l’évaluation et ses faisceaux d’indice ?
L’article 388 du Code civil propose certaines solutions qui ne sont pas si simples à appliquer.

L’application de l’article 388 du Code civil

L’article 388 du Code civil a été modifié par l’article 43 de la loi du 14 mars 2016.
Celui-ci prévoit que :
« Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé.
Les conclusions de ces examens qui doivent préciser la marge d’erreur ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé.
En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires ou secondaires. »

La circulaire du 31 mai 2013 spécifie déjà un protocole médical pour l’analyse radiologique de l’âge osseux.
Mais l’article 388 du Code civil n’est pas sans poser des difficultés.

Le recueil de l’accord de l’intéressé

Le recueil de l’accord de l’intéressé est requis par l’article 388 avant d’effectuer un examen radiologique osseux. Mais d’autres textes prévoient la consultation du jeune migrant.

L’article 371-1 du Code civil exige que les actes médicaux pratiqués à l’occasion de l’expertise visant à déterminer l’âge du jeune, doivent être autorisés par les titulaires de l’autorité parentale ou par le représentant légal.
Le Code de la santé publique exige également le consentement de l’intéressé pour tout examen médical.

L’article L.112-3 du CASF mentionne que dans tous les cas, l’enfant est associé aux décisions qui le concernent selon son degré de maturité. La convention internationale des droits de l’enfant prévoit aussi l’information de l’enfant et son consentement.

Mais comment l’autorité judiciaire peut-elle interpréter le refus d’accepter un examen radiologique osseux sinon par la volonté de se soustraire à un examen contribuant à la recherche de la preuve ?

En cas de refus du jeune migrant, le médecin ne doit pas le contraindre mais établir un rapport de carence, mentionnant les explications qui ont été données. Doit-il mentionner les raisons du refus ?

Il convient de rappeler ce qu’est un examen radiologique osseux.

La définition d’un examen radiologique osseux

Rappelons que l’âge chronologique (AC) correspond à l’âge réel selon la date de naissance de l’enfant (âge civil). L’âge statural (AS) correspond à l’âge de l’enfant lorsque la taille mesurée est projetée sur la moyenne sur les courbes de référence. L’âge osseux qui relève d’un examen radiologique (AO) correspond à l’âge de maturation osseuse selon les atlas de référence.

Entre diaphyse et épiphyse se trouve chez l’enfant la métaphyse qui comprend le cartilage épiphysaire dit de croissance. Le cartilage épiphysaire est temporaire. Il assure la croissance des os longs.

Les examens radiologiques osseux reposent sur l’évaluation de la chronologie d’apparition des noyaux épiphysaires, et des os longs, de leur croissance, de leur modelage et de la disparition des cartilages de conjugaison par rapport à des données de référence. Ces données de référence, notamment des atlas de radiographies, sont discutées.

Les différentes méthodes de détermination de l’âge par examen osseux

Greulich, Pyle, Nahum, Sauvegrain, Sempé, étudient la main et le poignet gauche. Greulich, Pyle font des comparaisons de clichés radiologiques. Nahum, Sauvegrain, Sempé utilisent des schémas. Pyle et Hoerr étudient aussi le genou gauche, la face, avec des comparaisons de clichés radiologiques. Sauvegrain et Nahum étudient le genou gauche, la face, le profil avec une cotation de chaque point. Lefeuvre et Koifman étudient l’hémisquelette avec une addition du nombre de points (pour les enfants de 0 à 30 mois). Risser étudie la crête iliaque avec une cotation du noyau de la crête iliaque.

L’atlas de Greulich et de Pyle

En France, les examens radiologiques osseux sont effectués en se référant au célèbre atlas de William Walter Greulich et de Sarah Idell Pyle, « Radiographic Atlas of skeletal development of the hand and wrist » dont la première édition date de 1950 et la deuxième de 1959.

Leur méthode est basée sur l’examen radiologique de la main gauche et du poignet gauche.

Comprendre l’objectif initial des professeurs Greulich et Pyle est primordial afin de bien saisir la polémique médicale et juridique si importante concernant l’utilisation de leur atlas

Greulich (1899-1986) et Pyle (1895-1987) enseignaient l’anatomie et l’anthropologie à la Western Reserve University de Cleveland (Ohio) et à l’université de médecine de Stanford.

Le professeur de radiologie pédiatrique, Catherine Adamsbaum, explique que l’atlas Greulich-Pyle se compose d’une série de reproductions de la main et du poignet, chaque reproduction correspondant à l’âge moyen d’un âge chronologique selon le sexe. Ainsi, l’âge osseux d’un enfant est estimé en faisant concorder sa radiographie avec l’une des images de référence, privilégiant la maturation des épiphyses en cas de dissociation entre la maturation du carpe et la maturation des épiphyses des phalanges. La professeur Adamsbaum est réservée sur la fiabilité des examens osseux en référence à l’atlas de Greulich-Pyle.

Retracer le parcours des professeurs Greulich et Pyle permet de mieux appréhender les enjeux.

En réalité, Greulich et Pyle se sont appuyés sur l’atlas de Thomas Wingate Todd « The Atlas of skeletal maturation » datant de 1937.

Thomas Wingate Todd (1885-1938), à l’origine spécialiste de médecine dentaire, enseignait l’anatomie et l’anthropologie physique à la Western Reserve University de Cleveland.

L’atlas de Todd est principalement construit avec des données provenant d’une cohorte d’enfants, d’âge connu, ce qui est fondamental à préciser, d’origine nord-américaine, originaires d’Europe du nord, de niveau socio-économique élevé.
L’étude a été réalisée avec l’aide de la Brush Foundation study of human growth and development of the Western Reserve University School of medicine de Cleveland (Ohio).
La « Hamann-Todd Human Osteological Collection » du musée d’histoire naturelle de Cleveland réunit plus de trois mille cent squelettes. C’est d’ailleurs une des collections anthropologiques les plus réputées du monde dont la data base est consultable sur internet.

Greulich et Pyle ont complété l’atlas de Todd, ajoutant notamment une méthode graphique (connu sous le nom de Pyle’s red graph).

L’atlas de Greulich et de Pyle est la cible de nombre de critiques du milieu médical. L’atlas critiqué est construit avec des enfants d’âge connu, blancs, de milieux aisés alors qu’il est utilisé actuellement pour des jeunes migrants aux origines ethniques variées, souvent malnutris, en mauvaise santé, dont l’âge justement est inconnu ou discuté.

Qu’en pensent les spécialistes ?

La critique de l’utilisation de l’atlas Greulich-Pyle

La société française pour la santé de l’adolescent, la société française de pédiatrie, le syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPMI), l’association nationale des maisons des adolescents, l’association française de pédiatrie ambulatoire, l’ONG Pédiatres du monde, ont publié un communiqué commun le 7 mars 2016, expliquant leur opposition à la détermination de l’âge par examen radiologique osseux. Le Royal College of paediatrics and child health du Royaume-Uni a rejeté cette méthode dès le 19 novembre 2007 mais beaucoup d’articles hostiles avaient été écrits avant.

Rappelons l’analyse d’un spécialiste de radiologie pédiatrique et d’une spécialiste d’endocrinologie pédiatrique.

Georg Friedrich Eich, président de la Société suisse de radiologie pédiatrique (SSRP) et Valérie Schwitzgebel, présidente de la Société suisse d’endocrinologie et de diabétologie pédiatriques présentent leur analyse de la manière suivante :
« La méthode de Greulich-Pyle est reconnue pour déterminer l’âge biologique mais elle n’a été ni conçue, ni testée pour déterminer l’âge chronologique.
La variabilité individuelle (l’écart-type) de l’âge osseux, selon Greulich et Pyle, par exemple, pour un jeune homme de 17 ans est de 15,4 mois.
En tenant compte d’un double écart-type qui est couramment utilisé pour mesurer la norme en médecine, il en résulte une différence de plus de deux ans. De ce fait, un garçon de 17 ans en bonne santé, peut avoir un âge osseux de 19 ans et présenter une maturation osseuse terminée. En d’autres termes, même avec la fusion complète du cartilage de croissance, il est possible que l’âge chronologique soit moins de 18 ans.
Les filles atteignent la fin de leur croissance plus tôt que les garçons, ce qui augmente la possibilité que l’examen radiologique de la main d’une fille mineure révèle un squelette mature, suggérant un âge plus avancé.
Les données actuelles concernant l’âge osseux d’ethnies différentes ne sont disponibles que ponctuellement et ne peuvent d’autant moins être appliquées à la population actuelle de migrants.
Certaines maladies comme les troubles du système endocrinien peuvent interférer avec le processus de maturation osseux. »

La conclusion des docteurs Friedrich et Schwitzgebel est sans appel :
« Ainsi, une évaluation de la maturation osseuse sans examen médical supplémentaire et/ou sans évaluer l’état nutritionnel doit être rejeté. Enfin, la radiographie est un examen médical réalisé avec des rayons ionisants, donc potentiellement dangereux . »

Un détournement méthodologique

Le professeur de médecine légale de l’université Paris 13, Patrick Chariot, parle au sujet de la méthode Greulich et de Pyle, de « détournement méthodologique ».

Il explique que l’atlas de Greulich et de Pyle, a été conçu pour détecter notamment chez des enfants « d’âge connu » un trouble de croissance ou de maturation osseuse. L’atlas en question n’a jamais eu pour objectif d’estimer un âge. Quant à l’âge dentaire, conclure qu’un adolescent qui a ses quatre dents de sagesse, est âgé d’au-moins ou de plus de dix-huit ans, est impossible. Il ajoute que le poids, la taille, et le périmètre crânien sont insuffisants pour déterminer un âge.

Devant la polémique et l’absence d’autres méthodes, le gouvernement français avait saisi en 2006 l’Académie de médecine afin d’évaluer la validité et la fiabilité des techniques de détermination de l’âge par examen radiologique osseux.

La position de l’Académie de médecine

L’Académie de médecine, saisie par lettre du 8 mars 2006, par le ministre de la Justice et de la Santé, indique que « la méthode de Greulich et de Pyle universellement utilisée permet d’apprécier avec une bonne approximation, l’âge de développement d’un adolescent en-dessous de seize ans mais beaucoup moins entre seize ans et dix-huit ans. »

Mais en droit, devant une juridiction, comment expliquer ce qu’est une « bonne approximation » ?

Alors, l’Académie de médecine recommande « une double lecture de l’âge osseux par un radio-pédiatre et par un endocrino-pédiatre ». L’analyse de Georg Friedrich, radio-pédiatre, et Valérie Schwitzgebel, pédiatre endocrinologue, est particulièrement éclairante sur la question.

Que faire devant de telles discordances ?

L’Académie de médecine déclare également « que l’examen clinique du développement pubertaire, complété au besoin d’une mesure de la hauteur utérine, à l’échographie pelvienne chez la fille, renforcera la précision de la lecture ».

L’atlas de Greulich et Pyle est « la méthode la plus simple et la plus fiable ».

Mais la position de l’Académie de médecine est maintenant en complète contradiction avec l’article 388 du Code civil. En effet, l’article dit qu’en cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires ou secondaires.

Le Défenseur des droits a d’ailleurs toujours insisté sur le respect de la dignité de l’enfant sur ces différents points, appliquant le droit international.

L’Académie de médecine devrait sans tarder actualiser son avis en s’auto-saisissant, tenant compte ainsi de la situation actuelle et des textes applicables. L’Académie de médecine déclare s’associer en outre aux conclusions du CCNE qui diffèrent notablement.

La position du Comité consultatif national d’éthique

Le CCNE a été saisi par Claire Brisset, Défenseure des droits.

L’avis du 11 juillet 2005 n°88, portant « Sur les méthodes de détermination de l’âge à des fins juridiques » affirme d’emblée « le caractère inadapté de la méthode Greulich-Pyle ».

Le CCNE ne contourne pas les questions. Ainsi, il déclare :
« La démarche doit être celle d’une protection avant celle d’une détection.
La fonction du corps médical doit être celle d’un soignant avant d’être celle d’un expert.
Comment le juge peut-il utiliser une expertise détournée de sa finalité scientifique initiale ?
Que peut faire le juge d’une information dont la médecine dit qu’elle ne peut avoir de signification en termes juridiques ?
L’examen radiologique osseux est empreint de violence et peut blesser la dignité des enfants.
L’attribution du statut de mineur ne peut reposer exclusivement sur cette méthode. C’est un examen dont l’imprécision est mal évaluée. »

Le CCNE pourrait rendre un nouvel avis, compte tenu de l’évacuation de la lande de Calais et de la création des CAOMI. Le Défenseur des droits ne serait pas seul, ainsi, à réagir sur ce sujet, endossant souvent, dans la rédaction de ses décisions, le rôle du CCNE.

L’exposition ionisante des jeunes migrants

La radiologie osseuse entraîne une exposition ionisante.

Est-ce légal d’exposer les jeunes migrants alors qu’un risque potentiel existe, même si la dose de rayonnements ionisants est faible ?

Dans l’hypothèse d’une contre-expertise et d’examens complémentaires, la dose ionisante pourrait être multipliée.

Quels sont les textes protégeant le jeune migrant ?

La directive 97/43/Euratom du Conseil du 30 juin 1997 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d’expositions à des fins médicales a été transposée dans le Code de la santé publique.

Les rayonnements ionisants ne peuvent être utilisés sur le corps humain qu’à des fins de diagnostic, de traitement ou de recherches biomédicales. Or, les jeunes migrants ne rentrent pas dans cette catégorie.

Lorsqu’une exposition aux rayonnements ionisants à des fins médicales ne présente pas d’avantage médical direct, le médecin réalisant l’acte doit accorder une attention particulière à la justification et à l’optimisation de celui-ci en déterminant notamment une dose maximale de rayonnement.

Le principe de justification relève de la demande de l’autorité judiciaire, seule habilitée à demander un examen osseux. Le principe d’optimisation exige de ne faire que les radiographies les plus appropriées, pour éviter les expositions intempestives de l’intéressé.

Une activité nucléaire ou une intervention ne peut être entreprise ou exercée que si elle est justifiée par les avantages qu’elle procure, notamment en matière sanitaire, sociale, économique ou scientifique, rapportée aux risques inhérents à l’exposition aux rayonnements ionisants auxquels elle est susceptible de soumettre les personnes.

Le jeune migrant a-t-il un avantage sanitaire, social, économique ou scientifique à subir un examen ionisant ?

On peut considérer qu’il a un avantage social si la méthode, en l’occurrence, la méthode de Greulich et de Pyle est fiable et respectueuse de ses droits. Mais la réalité est bien différente.
Rappelons la ferme opposition à l’examen radiologique osseux du Royal College of Paediatrics and child health, exprimée le 19 novembre 2007, notamment en raison de l’exposition ionisante.

En réalité, l’article 388 du Code civil reconnaît expressément les insuffisances de la méthode de Greulich et de Pyle, en exigeant de préciser la marge d’erreur de l’examen.

L’obligation de préciser la marge d’erreur

L’article 388 al 3 du Code civil indique que « les conclusions de ces examens radiologiques osseux doivent préciser la marge d’erreur et ne peuvent à elles-seules, permettre de déterminer si l’intéressé est mineur ».

L’examen radiologique complètera par conséquent les entretiens et le rapport d’évaluation, dans l’hypothèse d’un doute sur la minorité.

Mais quelles sont les statistiques permettant de calculer la marge d’erreur ? Quelles cohortes sélectionner, pour éviter les biais ?

Comment l’autorité judiciaire peut-elle interpréter une marge d’erreur reposant sur une méthode non validée mais reconnue implicitement ?

Comment l’autorité judiciaire peut accorder une valeur expertale à un rapport mentionnant une marge d’erreur, cette marge ne reposant sur aucune étude médicale faisant consensus ?

Comment accepter le postulat que la technique est incertaine et aléatoire transformant ainsi la décision judiciaire en compromis fragile ?

Certes, le doute doit profiter à l’intéressé. Mais cette notion revient à se référer indirectement à la présomption d’innocence, un concept de droit pénal et criminologique, dans une matière purement civile, concernant en outre les enfants.

Outre la marge d’erreur qu’il conviendra de traduire en statistiques, le doute devra être défini, cerné, précisé, évalué. Qu’est-ce qu’un doute ? A partir de quand y-a-t-il doute ? Le juge aura-t-il accès aux différentes étapes menant au rapport d’évaluation et à l’avis motivé de l’évaluateur ? Ira-t-on jusqu’à filmer les entretiens ?

Sollicitera-t-on alors l’intime conviction du juge ou du procureur de la République, qui en fonction de la jurisprudence locale, du contexte politique ou de sa personnalité tranchera ?

Qu’en sera-t-il des contre-expertises ?

Quels experts médicaux choisira l’autorité judiciaire en sachant que les plus grands spécialistes de radiologie pédiatrique et de médecine légale contestent la validité de la méthode de Greulich et de Pyle ?

Que dira la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur un tel procédé ?

Quelles peuvent être les questions prioritaires de constitutionnalité posées en rapport avec la violation du statut constitutionnel de l’enfant et du principe de précaution, notamment ?

Autant de champs d’interrogations à combler. Mais le juge possède encore beaucoup de pouvoirs.

L’article 246 du Code de procédure civile

Le principe général posé par l’article 246 du Code de procédure civile, est que le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien.
De nombreuses juridictions du fond, d’appel mais aussi la cour de cassation sont très prudentes quant à l’utilisation de la méthode Greulich-Pyle, et n’hésitent pas à la rejeter en raison de son imprécision.

A titre d’exemples, la Cour de Cassation, dans son arrêt du 25 janvier 2001, dit notamment qu’une expertise médicale ne peut pas, à elle seule, permettre de contredire valablement un acte d’état-civil établi par une autorité étrangère. La haute juridiction relève aussi l’imprécision de la méthode dans son arrêt du 23 janvier 2008.

La jurisprudence continuera sans nul doute de s’étoffer, permettant de construire un droit des migrants plus adapté.

Existe-t-il d’autres investigations propices à éclairer la vie du jeune migrant ? Quelles sont les prérogatives du juge pour enfants ?

Quelles investigations peut décider le juge pour enfants ?

L’article 1183 du Code de procédure civile permet « au juge d’ordonner, soit d’office, soit à la requête des parties ou ministère public, toute mesure d’informations concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d’une enquête sociale, d’examens médicaux, d’expertises psychiatriques et psychologiques ou d’une mesure d’investigation et d’orientation éducative ».

Pendant ces investigations complémentaires, le juge pour enfants peut en cas de danger, confier le jeune migrant provisoirement aux services de l’aide sociale à l’enfance, en attente d’une audience conformément aux articles 375-3 et 375-5 du Code civil.

Ces investigations complexes, visant à reconstituer la vie du jeune migrant, nécessitent de mobiliser nombre d’acteurs de la justice, pluridisciplinaires, mais aussi très spécialisés, mobiles géographiquement. L’institution judiciaire en a-t-elle les moyens ? Comment chercher les informations dans des zones de guerre inaccessibles ou dans des zones de non-droit ? Le rôle de l’avocat, si souligné par le Défenseur des droits, reste fondamental. Les notifications des mesures à l’avocat permettront les recours dans les délais et le respect des droits du jeune migrant.

Les jeunes migrants ne sont pas indemnes de blessures physiques, de maladies, mais aussi de troubles psychologiques dont l’un des plus graves est le stress post-traumatique.

Les conséquences du stress post-traumatique sur l’évaluation du jeune migrant

La cour d’appel de Douai dans son arrêt du 30 juin 2016 dit « qu’au regard de leur parcours de vie traumatique et de leurs repères culturels, les repères temporels de certains mineurs isolés étrangers sont nécessairement fragiles ».

Le professeur de pédo-psychiatrie, Thierry Baubet, explique en effet que les troubles psychologiques, inhérents à un stress post-traumatique, peuvent rendre un discours incohérent (voir CIM 10 et Diagnostic and statistical manual of mental disorders – DSM-).

Les personnes chargées de l’évaluation prévue par l’arrêté du 17 novembre 2016 doivent en tenir compte. En effet, les jeunes migrants ont vécu des bombardements, des violences ethniques, de exactions, des viols, des persécutions, des vies d’enfants-soldats…

Déceler au cours des entretiens prévus les stress post traumatiques et l’impact sur le discours doivent faire partie de la trame de l’arrêté du 17 novembre 2016.

Les évaluateurs peuvent et même doivent requérir l’aide de professionnels, psychiatres, psychologues, formés à cet effet. Des soins psychologiques sont prévus par l’arrêté.

A tire d’exemple, la Cour de cassation dans son arrêt n°15-18-731 du 11 mai 2016 retient l’absence de force probante d’un acte de naissance « en raison de l’incohérence de ses énonciations avec les déclarations de l’intéressé ».

La probabilité d’une difficulté pathologique à s’exprimer clairement, de manière cohérente, en raison d’un stress post-traumatique, n’est jamais à exclure.

Les juridictions doivent afficher une grande prudence dans l’appréciation des déclarations des jeunes migrants, et au besoin, désigner des experts psychologues et psychiatres.

La responsabilité des intervenants en cas d’erreur sur l’âge du jeune migrant

Le préjudice découlant d’une erreur lors de la détermination de l’âge osseux est gigantesque. Toute l’existence d’un enfant peut en effet être remise en question. Les pertes de chance d’un enfant mineur alors qu’il est considéré à tort comme majeur de bénéficier d’une protection spécifique, voire même de rester en vie, peuvent entraîner la responsabilité solidaire de toute la chaîne d’intervenants juridiques, médicaux, étatiques.

En conclusion de cet article loin d’être exhaustif dans un droit mouvant, où le pouvoir réglementaire s’illustrera encore, le CCNE dans son avis précité, mentionne que « l’hétérogénéité humaine est telle dans le temps et dans l’espace qu’il est vain de penser que d’ici longtemps, il sera possible de déterminer sans connaissance de sa date de naissance, l’âge chronologique exact, à un moment donné, d’une personne ».

Toutefois les progrès en imagerie médicale affineront très probablement certains diagnostics.
Le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de dignité humaine, rappelé par le Conseil d’État est impératif.

L’harmonisation de l’utilisation des méthodes de détermination médico-légale de l’âge osseux sur le plan européen s’impose.

Le Défenseur des droits vient de publier son rapport annuel 2016 consacré au droit fondamental à l’éducation, un droit hautement symbolique. Un enfant, nomade, isolé, non protégé ou mal protégé ne peut bénéficier d’une éducation et n’a pas d’avenir.

Les observations finales du Comité des droits de l’enfant concernant le cinquième rapport périodique de la France du 23 février 2016 (32) devraient aussi aider la France à être plus efficace.

On espère aussi que les évaluateurs des jeunes migrants maitriseront toutes ces sources juridiques et que leurs évaluations seront aussi complètes et rigoureuses que possible.

Les avocats absolument indispensables dans le processus de protection de l’enfant, redoubleront, sans nul doute, de vigilance et effectueront tous les recours nécessaires.

Mais une chose est certaine, les professeurs Todd, Greulich et Pyle n’imaginaient pas une telle polémique sur l’utilisation de leur atlas…

Bibliographie indicative

Site de l’office français de l’immigration et de l’intégration
Le Monde du 24/11/2016
Loi n°2016-297 du 14 mars 2016
Décret n°2016-840 du 24 juin 2016
Arrêté du 28 juin 2016
Arrêté du 23 septembre 2016
Arrêté du 17 novembre 2016
Circulaire du 31 mai 2013
Circulaire du 25 janvier 2016
Circulaire du 1 novembre 2016
Observations générales n°6 du comité des droits de l’enfant, trente-neuvième session du 17 mai au 3 juin 2005
Convention internationale des droits de l’enfant du 20 mars 1989
Décision du Défenseur des droits MDE-2016-052 du 26 février 2016
Décision du Défenseur des droits MDE – 2012 – 179 du 19 décembre 2012
Décision du Défenseur des droits MSP-MDE-2016-265 du 14 octobre 2016
Résolution du conseil de l’Europe du 26 juin 1997
Conseil d’Etat, 400055 1e et 6e chambres réunies, 27 juillet 2016
Articles L.221-5 et L.751-1 du code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile
Article R.111-23 du CESEDA
Article R.222.11 II et III du CASF
Articles L.1111-4 al 3 et L.1111-2 du code de la santé publique
Radiographic Atlas of skeletal development of the hand and wrist – Greulich et Pyle - Stanford University – 1959
L’âge osseux et diagnostic des troubles de la croissance - Catherine Adamsbaum, Amir Aït-Ameur, Sm Benosman, G.Kalifa, C.André. (Encyclopédie médico-chirurgicale)
“An atlas of skeletal maturity” de T.Wingate Todd
The Cambridge Encyclopedia of human growth and development de Stanley J. Ulijaszek, Francis E. Johnston, Michael A. Preece
Site du Musée d’histoire naturelle de Cleveland – Hamann-Todd Human Osteological Collection
La détermination de l’âge osseux chez les migrants n’est pas appropriée de Georg Friedrich Eich et de Valérie Schwitzgebel
"Quand les médecins se font juge : la détermination de l’âge des adolescents migrants » Patrick Chariot
« Sur la fiabilité des examens médicaux visant à déterminer l’âge à des fins judiciaires et la possibilité d’amélioration en la matière pour les mineurs étrangers isolés » Rapport 07-01 – Bulletin de l’Académie Nationale de médecine – 2007 – Chaussain J.L, Chapuis Y.
Comité Consultatif National d’Ethique – Avis n°88 sur les méthodes de détermination de l’âge à des fins juridiques – 11 juillet 2005
Article L.1333-11 du code de la santé publique
Article R.1333-65 du code de la santé publique
Article L.1333-31 du code de la santé publique
1 X.Rays and Asylum seeking children policy statement du 19 novembre 2007 : Royal College of Paediatrics and child health
La détermination médico-légale de l’âge osseux d’un mineur : intérêt, justifications et limites - Vincent Hazebrouck
Comité des droits de l’enfant – Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France du 23 février 2016
L’âge osseux : Quand ? Comment ? Pourquoi ? - G. Kalifa, JC Carel, PA Cohen.
Atlas Hand Bone Age – A digital atlas of skeletal maturity- de Vicente Gilsanz et Osman Ratib
Utilisation de l’atlas de Greulich et Pyle dans un but medico-légal – Pertinence et limites – K Chaumoître

Vincent Ricouleau Professeur de droit -Vietnam - Titulaire du CAPA - Expert en formation pour Avocats Sans Frontières - Titulaire du DU de Psychiatrie (Paris 5), du DU de Traumatismes Crâniens des enfants et des adolescents (Paris 6), du DU d\\\'évaluation des traumatisés crâniens, (Versailles) et du DU de prise en charge des urgences médico-chirurgicales (Paris 5)