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La période des entretiens annuels d’évaluation approche : quelques rappels utiles. Par Agnès Ioos-Especel, Avocat.
Parution : jeudi 15 décembre 2016
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Le mois de décembre n’est pas seulement synonyme de « dinde aux marrons », jouets au pied du sapin et autres réjouissances. Dans de nombreuses entreprises, le mois de décembre est également la période des entretiens annuels d’évaluation.
Quelques rappels concernant cette formalité parfois redoutée par les salariés.

- L’entretien annuel d’évaluation : facultatif ou obligatoire ?

L’entretien annuel d’évaluation n’est pas imposé par la Code du travail.
Seul est prévu à l’article L.6315-1 du Code du travail, l’entretien professionnel qui doit être réalisé tous les 2 ans et qui est destiné à envisager les perspectives d’évolution professionnelle du salarié ainsi que les formations qui peuvent y contribuer.

Certaines conventions ou accords collectifs prévoient toutefois l’obligation pour l’employeur d’organiser des entretiens annuels.
Par exemple, l’article 16 de la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001 prévoit qu’un entretien individuel d’évaluation a lieu chaque année dans le courant du premier semestre civil.

En tout état de cause, lorsqu’un employeur a décidé de mettre en place un entretien annuel d’évaluation, tous les salariés de l’entreprise doivent en bénéficier.
En effet, l’absence d’entretien d’évaluation peut constituer un critère de discrimination (Cass. soc. 31/3/2009, pourvoi n°07-45522) et justifier l’octroi de dommages intérêts (Cass. soc. 19/1/2010, pourvoi n°08-45000).

Parallèlement, un salarié qui refuse de se soumettre à un entretien d’évaluation peut s’exposer à une sanction disciplinaire.
En effet, tout employeur est en droit d’évaluer ses salariés. Cela est une composante de son pouvoir de direction.

- Comment est organisé l’entretien annuel d’évaluation ?

Aucune forme n’est requise pour la convocation.
Elle doit toutefois laisser au salarié un délai suffisant pour qu’il puisse préparer l’entretien.
En l’absence de référence, un délai de 8 jours minimum semble raisonnable.

Lors de l’entretien proprement dit, le salarié ne peut être assisté, comme cela est le cas lors d’un entretien préalable à une mesure disciplinaire.

- Quels critères d’évaluation peuvent être appliqués ?

En ce qui concerne les critères d’évaluation, l’article L.1222-3 du Code du travail précise que le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’évaluation qui seront appliquées.

Cette information peut prendre la forme par exemple d’un affichage dans l’entreprise.

Les critères sur lesquels l’employeur décide de se fonder doivent être objectifs (Cass. soc. 09/04/2002, pourvoi n°99-44534) adaptés au poste et non discriminatoires (L 1132-1 du Code du travail).
Par exemple, l’observation relative au manque de disponibilité lié à un mandat syndical est considérée comme discriminatoire (Cass. soc. 14/11/2001 pourvoi n°99-44036).

L’employeur ne doit pas interroger le salarié sur sa vie privée durant l’entretien.

- Le rapport d’évaluation : quelles règles sont applicables ?

Dans la grande majorité des cas, un compte-rendu écrit est rédigé à la suite de l’entretien.
Ce compte-rendu doit être communiqué par l’employeur au salarié.

Peut être considéré comme discriminatoire « le refus de l’employeur de donner connaissance à la salariée de son appréciation » (Cass soc. 23/10/2001 pourvoi n°99-44215).

En règle générale, l’employeur demande au salarié de signer le compte rendu de l’entretien d’évaluation.
Ce dernier peut refuser de le signer en guise de contestation. Toutefois, ce refus de signer ne saurait bien évidemment invalider l’entretien.

Si le salarié estime par exemple, que les appréciations qui y ont été retranscrites sont erronées, le plus utile peut être de contester par écrit le compte-rendu d’évaluation

Le compte rendu d’évaluation revêt un caractère confidentiel ce qui interdit à l’employeur de le communiquer à des tiers.

- Le rapport d’évaluation : quelle utilité ?

Les résultats négatifs d’un entretien d’évaluation peuvent constituer un élément sur lequel l’employeur se fonde pour justifier une différence de classification et de rémunération, ou un licenciement.

Il s’agira alors d’un « élément à charge » contre le salarié.

Dans le cas contraire, c’est-à-dire si l’évaluation est positive, le salarié ultérieurement licencié pour insuffisance professionnelle, pourra mettre en exergue cette évaluation pour contester le motif du licenciement (Cass. soc. 22/03/2011, pourvoi n° 09-68693).

Ainsi, l’utilisation des comptes rendus d’entretiens annuels d’évaluation comme mode de preuve peut se faire dans « les deux sens ».

- Quel avenir pour la pratique des entretiens annuels d’évaluation ?

Une pratique chronophage, source de stress, trop coûteuse, à l’intérêt limité…depuis quelques années déjà, des critiques s’élèvent contre l’usage fréquent par les entreprises des entretiens annuels d’évaluation des salariés.

De grandes entreprises ont d’ores et déjà abandonné cette pratique.

Toutefois, selon une récente étude pilotée par la DARES, (Dares Analyses n°3 de janvier 2015), l’absence d’entretien annuel a notamment pour effet d’augmenter le risque psychosocial.

Toujours selon cette étude, « lorsque les entretiens sont menés rigoureusement et s’ils ne sont pas liés à des objectifs chiffrés, l’évaluation individualisée est un facteur protecteur du manque de reconnaissance ».

En résumé, à condition que l’entretien annuel d’évaluation soit préparé avec soin, tant du côté employeur que salarié, constructif, et basé sur des critères strictement objectifs, il peut constituer un véritable outil de motivation mais également un moyen de gestion prévisionnelle en matière de ressources humaines.

Agnès IOOS-ESPECEL, Avocat