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Le changement de barreau d’un avocat, cas d’interruption de l’instance. Par David Llamas, Avocat.
Parution : mardi 3 janvier 2017
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Par un arrêt du 29 novembre 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré que le changement de barreau de l’avocat d’une partie à une procédure d’appel avait interrompu le délai de l’article 909 du Code de procédure civile.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence était saisie d’un appel, formé le 29 juillet 2015, à l’encontre d’un jugement de divorce. L’avocat de l’appelant avait notifié ses conclusions à celui de l’intimée le 20 octobre 2015. Or ce dernier venait de présenter sa démission du barreau de Grasse pour s’inscrire auprès de celui d’Agen. Par délibération du 23 octobre 2015, le conseil de l’ordre du barreau de Grasse a accepté cette démission à compter de l’inscription de cet avocat au barreau d’Agen, ce qui fut fait en vertu d’une délibération du conseil de l’ordre de ce barreau du 17 novembre 2015. L’intimée a constitué un nouvel avocat, inscrit dans le ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 12 janvier 2016, et fait notifier ses conclusions le surlendemain.

L’appelant a alors saisi le conseiller de la mise en état d’un incident d’irrecevabilité des conclusions de l’intimée, soutenant que celles-ci, notifiées plus de deux mois après ses propres écritures au fond devant la cour, étaient tardives en application de l’article 909 du code de procédure civile. L’intimé a objecté que le changement de barreau de son premier avocat, pour un barreau situé hors du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avait interrompu l’instance et par conséquent le délai de deux mois dont l’intimée disposait pour conclure en réponse à l’appelant. La cour de cassation a en effet jugé que « l’interruption de l’instance emporte celle du délai imparti pour conclure et fait courir un nouveau délai à compter de la reprise d’instance » (Cass. 2ème civ., 4 juin 2015, n° 13-27218). En revanche la difficulté résidait dans le point de savoir si le changement de barreau de l’avocat d’une partie pouvait constituer un cas d’interruption de l’instance. Ces cas sont édictés par les articles 369 et 370 du Code de procédure civile. Selon l’article 369, l’instance est interrompue, entre autres hypothèses, par « la cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire ».

Par ordonnance du 30 mai 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de l’intimée, aux motifs suivants :
« En l’espèce, il ressort de la délibération du Conseil de l’Ordre des avocats du Barreau de Grasse en date du 23 octobre 2015 que la démission de Maître X est acceptée à compter de son inscription au Barreau d’Agen.
La délibération du Conseil de l’Ordre des avocats du barreau d’Agen en date du 17 novembre 2015 indique qu’à compter de cette date Maître X est inscrite au tableau de l’Ordre des avocats du Barreau d’Agen.
En conséquence il est établi de façon certaine que Maître X n’a jamais cessé d’exercer les fonctions d’avocat et qu’elle a continué d’être inscrite au Barreau de Grasse jusqu’au 17 novembre 2015.
Les dispositions de l’article 369 du Code de procédure civile ne sauraient recevoir application au cas d’espèce puisque seule la cessation des fonctions d’avocat est visée par ce texte et non le simple changement de barreau (...) »
.

L’intimée a déféré cette ordonnance à la cour, en application des dispositions de l’article 916 du Code de procédure civile. Elle a soutenu qu’un instant de raison s’était écoulé entre la démission de son précédent conseil du barreau de Grasse et son inscription, le même jour, au barreau d’Agen, de sorte que, fut-ce pour un instant, celui-ci avait cessé ses fonctions d’avocat. Elle a de surcroît rappelé qu’en vertu des articles 4 et 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, seul un avocat inscrit dans un barreau du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence pouvait postuler devant cette cour.

C’est semble-t-il ce deuxième moyen qui a emporté la conviction de la cour. Par un arrêt du 29 novembre 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état, considérant que l’instance avait été « interrompue à compter du 17 novembre 2015, Maître X ayant démissionné du barreau de Grasse, ne travaillant pas au sein d’une société civile professionnelle et se trouvant inscrite dans un barreau ne dépendant pas de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Elle ne pouvait donc, à compter de cette date, représenter les intérêts de sa cliente devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence ». La cour en a déduit que le délai de l’article 909 du Code de procédure civile avait lui-même été interrompu et qu’un nouveau délai n’avait commencé à courir qu’à compter de la constitution du nouvel avocat de l’intimée le 12 janvier 2016, de sorte que ses conclusions notifiées le 14 suivant étaient recevables (C.A. Aix, 29 nov, 2016, n°2016/490).

David LLAMAS Avocat au barreau d'Agen