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Des bons offices du juge dans les litiges impliquant le Code de la consommation. Par Jean-François Menier, Avocat.
Parution : jeudi 12 janvier 2017
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L’article R. 632-1 al.1 du Code de la consommation - remplaçant l’article L. 141-4 créé par l’art. 34 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 et modifié par la loi du 17 mars 2014 - art. 81 - dispose que « le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application ». Il dispose également, dans son 2ème alinéa que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».

Faut-il voir dans ces deux alinéas un traitement différent à l’égard des plaideurs lorsque sont invoqués d’une part un manquement aux règles du code et d’autre part, plus spécifiquement, les atteintes aux règles gouvernant les clauses abusives ?

La lecture du texte fait apparaitre qu’en matière de clauses abusives, celles-ci sont écartées d’office par les juges à l’issu du débat contradictoire qui aura révélé leur caractère abusif.

Serait-ce à considérer, dès lors et a contrario, que pour les autres dispositions du code, le juge peut les relever d’office sans pour autant les soumettre au débat contradictoire ?

Les praticiens du contentieux que nous sommes ne sauraient évidemment l’admettre !!

Mais des non-initiés pourraient être tentés de le croire au regard de ce texte et de sa rédaction peut-être ambigüe.

Il nous faut donc rappeler ici les sacro-saints principes de la contradiction et a fortiori du respect des droits de la défense, tels qu’érigés en principes fondateurs et fondamentaux de la démocratie. Le Conseil constitutionnel l’a, pour la première fois, formellement affirmé à l’occasion de la décision « Gecop » (Q.P.C. du 31 juillet 2015, JO n° 177, 2 août 2015, p. 13259, texte n° 59) même si précédemment, le Conseil d’État avait déjà érigé les droits de la défense au rang de principe général du droit (PGD), dans la bien connue décision « Trompier-Gravier » (5 mai 1944 - Dame veuve Trompier-Gravier - Rec. Lebon p. 133).

Il faut également mettre ce nouvel article du Code de la consommation en perspective de l’article 16 du Code de procédure civile, dont la Cour de cassation ne manque jamais de rappeler qu’il est impératif : le nombre d’arrêts de cassation rendus par la Cour suprême sur le moyen tiré de la violation de l’article 16 témoigne de la nécessité primordiale de le respecter.

Il ressort de cet article que :
« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevé d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations
 ».

Devant les juridictions où la procédure est orale, les observations des parties seront donc recueillies oralement, ce qui n’est pas nécessairement sans poser de problème. C’est notamment le cas où des textes étant nouveaux – comme cela s’avère prégnant pour le droit de la consommation qui a connu au cours des trois dernières années des réformes pour le moins spectaculaires et qui a vu son champ s’étendre très largement – l’interrogation orale, à brûle-pourpoint, lors de l’audience peut ne pas déboucher sur des observations pertinentes en l’espèce ou que le déséquilibre de compétence entre les parties au litige (magistrat en sus) ne permettent pas une qualité de débat suffisante pour obtenir une solution conforme au droit. Néanmoins, la lettre du texte aura été respectée. Espérons pour le moins que les magistrats sauront autoriser les notes en délibéré, le cas échéant.

Il en ira différemment lors des procédures écrites où le magistrat en charge doit inviter les parties à présenter leurs observations sur un moyen relevé d’office et, en principe, rouvrir les débats pour permettre aux parties de s’expliquer. Ceci laisse pleinement le temps d’étudier le point éventuellement nouveau.

L’article R. 631-2 du Code de la consommation ne peut donc évidemment pas déroger à l’article 16 du Code de procédure civile, nonobstant sa rédaction quelque peu trompeuse.

Il nous paraissait néanmoins bon de le rappeler ; espérons que cela permettra d’éviter quelques pourvois en cassation.

Jean-François MENIER Avocat au Barreau de Paris