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Le sort des travaux effectués par le locataire au terme du bail commercial. Par David Semhoun, Avocat.
Parution : vendredi 20 janvier 2017
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Les clauses des baux commerciaux, et à défaut les dispositions du Code civil, prévoient le sort réservé aux travaux et améliorations effectués par le locataire en cours de bail.

I. Le sort des constructions et améliorations régi par le Code civil, en l’absence de stipulations contractuelles

A. Le sort des constructions

1. La remise en l’état

À l’échéance du bail, le bailleur peut demander au locataire la remise en l’état des lieux loués, conformément au descriptif de l’état des lieux d’entrée, le cas échéant.

Si le bailleur exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, celle-ci est exécutée aux frais du locataire, sans aucune indemnité pour lui ; il peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds. La demande de remise en l’état des locaux pouvant engendrer des coûts conséquents pour le preneur. Le bailleur n’a pas à justifier l’option qu’il aura choisie.

2. L’accession

Il peut également bénéficier des règles de l’accession disposées à l’article 555 du Code civil dans le cas où les parties n’y auraient pas dérogé.

À cet effet, l’article en question prévoit que lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever.

Le bailleur peut donc librement décider d’exercer son droit à l’accession si les parties n’ont rien prévu quant au sort des travaux effectués par le locataire. Sans préjudice, pour le bailleur, de revenir sur sa décision tant qu’aucune décision n’aura constaté l’option choisie par ce dernier.

Dans le cas où il choisirait d’accéder à la propriété des travaux, le bailleur devra rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdits travaux.

B. Le sort des améliorations

La Cour de cassation a décidé que les dispositions de l’article 555 du Code civil ne trouvaient à s’appliquer qu’aux constructions, ouvrages et plantations ; y échappent ainsi les travaux de réparation plus modestes ou les améliorations d’ouvrages préexistants.

Dans le cas d’améliorations, les articles 546 à 551 du Code civil s’appliquent. Ces articles distinguent selon que les améliorations s’adjoignant aux locaux modifient ou non la structure de l’immeuble comprenant les locaux loués :
- Si elles modifient l’immeuble, ces améliorations seront considérées comme des immeubles par nature et l’accession se réalisera automatiquement. L’article 551 du Code civil disposant que tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire.
- Si elles peuvent être retirées sans modifier la structure de l’immeuble, elles restent la propriété du locataire.

II. Le sort des constructions et améliorations en présence de stipulations contractuelles

La distinction doit être faite selon que le contrat de bail autorise ou interdise les constructions et améliorations.

Le premier cas concerne les baux interdisant toute sorte de construction ou d’amélioration. Dans pareil cas, le locataire enfreindra les stipulations du bail et risquera de voir le bail résilié à ses torts en y contrevenant.

Le second cas concerne les baux autorisant à certaines conditions les améliorations et constructions. Généralement, les baux prévoient que les travaux seront soumis à l’agrément du bailleur et à l’intervention d’architectes ou bureaux d’études désignés par lui.

L’autorisation des travaux par le bailleur et leur réalisation en conformité avec les stipulations du bail n’entraînent pas renonciation pour le bailleur à se prévaloir de la remise en l’état des locaux à la fin du bail ; sauf à ce qu’une stipulation allant en contraire soit insérée dans le bail.

De même, il est très fréquent que les parties conviennent d’une clause d’accession reprenant ou dérogeant aux dispositions du Code civil. Les baux prévoient ainsi généralement qu’à la fin du bail, le bailleur deviendra propriétaire des améliorations et constructions entreprises par le locataire sans verser quelque indemnité que ce soit.

Toutefois, dans le cas où le bail ne prévoirait pas l’absence de versement d’indemnité à l’égard du locataire pour les améliorations qu’il a payées, ce dernier pourra obtenir une indemnité au titre des impenses. Il n’est question ici que des impenses utiles, c’est-à-dire des impenses qui ne sont pas indispensables mais qui ont participé à augmenter la valeur marchande des locaux loués.

III. L’accession des constructions et améliorations et déplafonnement de loyer

L’accession des constructions et améliorations est une façon pour le bailleur de demander le déplafonnement du loyer.

Les constructions réalisées par le locataire pourront être invoquées par le bailleur qu’à l’occasion du premier renouvellement. S’il ne l’a pas fait au cours du premier renouvellement, il ne pourra le faire à l’occasion du second.

En revanche, dans le cas des améliorations, les travaux d’amélioration pris à sa charge par le locataire ne pourront être invoqués par le bailleur pour augmenter le bailleur si aucune clause d’accession n’a été insérée dans le bail. Si une telle clause est insérée, le bailleur pourra s’en prévaloir, mais seulement lors du second renouvellement suivant la réalisation des travaux d’amélioration.

David Semhoun Nahmias - Semhoun Avocats A.A.R.P.I. www.nsavocatsparis.fr www.legavox.fr/blog/david-semhoun/