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« Nuptial agreements » et contrats de mariage, qu’en est-il à Hong Kong ? Par Sarah-Jane Tasteyre, Avocat.
Parution : mercredi 25 janvier 2017
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Hong Kong a pendant longtemps été considérée comme la capitale asiatique du divorce, appelée également le cimetière des mariages [1]. Pourquoi une telle réputation ?

La justification la plus connue tient au fait que Hong Kong offre de nombreuses tentations. Mais ce que l’on sait moins c’est le rôle joué par l’absence de reconnaissance des « Nuptial Agreements », (contrats nuptiaux), par la loi hongkongaise. Les « Nuptial Agreements », tels qu’on les appelle dans les pays de la Common Law, désignent l’accord intervenu entre les deux futurs époux visant à déterminer l’étendue de leurs droits et obligations en cas de dissolution du mariage. Jusqu’à récemment, à Hong Kong, le juge aux affaires familiales n’en tenait pas compte. L’époux qui voulait voir écarter l’application d’un contrat nuptial, avait donc tout intérêt à introduire la procédure de divorce à Hong Kong.

Fort heureusement, un arrêt récent de la Court of Final Appeal de Hong Kong en date de 2014 [2] est venu quelque peu modifier la donne. En effet, le juge a pour la première fois accepté de prendre en compte un contrat pré-nuptial, en venant affirmer que la position retenue en Angleterre depuis l’arrêt Radmacher [3] de 2010, devait l’être également à Hong Kong.

Le juge a en substance considéré comme obsolète la tendance à rejeter systématiquement les contrats nuptiaux, jugés contraires à l’Ordre Public. Il en a par ailleurs profité pour énoncer un certain nombre de critères à prendre en compte dans la rédaction desdits contrat pour permettre l’obtention d’un résultat juste et équitable.

Il s’agit en effet pour le juge de s’assurer que l’accord intervenu entre les deux futurs époux, n’ait pas pour effet de porter atteinte aux intérêts de l’une des parties en profitant à l’autre.

Si cet arrêt a permis d’apporter une plus grande sécurité juridique dans le règlement des procédures de divorce à Hong Kong, il n’en demeure pas moins que ces contrats nuptiaux n’ont toujours pas de force contraignante et que le juge conserve un pouvoir discrétionnaire de les appliquer ou non, au cas par cas.
En ce qui concerne les contrats de mariage français, aucune décision n’est encore intervenue, laissant ainsi subsister un doute sur leur éventuelle prise en compte par un juge hongkongais.

Par conséquent, voici quelques recommandations :
(i) Le notaire français devra, s’il est amené à rédiger un contrat de mariage pour des français résidant à Hong Kong ou ayant l’intention de s’y installer, se référer à cette jurisprudence et prendre en compte dans sa rédaction dans la mesure du possible, les différents critères retenus.
(ii) l’autre option serait de consulter un solicitor à Hong Kong afin de faire rédiger un tel contrat, dans l’hypothèse où les époux souhaiteraient, par exemple protéger des biens propres.

Il convient cependant d’insister sur le fait que la prise en compte par le juge d’un tel contrat n’est pas garantie, et qu’elle sera entre autre conditionnée par le caractère juste et équitable du résultat qu’il permet d’obtenir.

L’arrêt SPH de 2014 a certes permis de faire évoluer la pratique, mais les avancées restent encore limitées, et l’incertitude plane toujours sur l’issue des procédures de divorce à Hong Kong. La reputation de Hong Kong de capitale asiatique des divorces a encore de beaux jours devant elle.

Sarah-Jane Tasteyre Avocate au Barreau de Paris et Registered Foreign Lawyer à Hong Kong sarahjanetasteyre@fongslawyers.com.hk https://www.facebook.com/avocatfrancaishongkong/

[1How the law is changing divorce in Hong Kong- the graveyard of marriages, by Charley Lanyon.

[2SPH vs. SA 3 HKLRD 497, (2014) 17 HKCFAR 364.

[3Radmacher v. Granatino [2010] UKSC 42.