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CETA : entre craintes et nouvelles opportunités économiques. Par Arnaud Touati et Harry Allouche, Avocats.
Parution : mardi 28 février 2017
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L’Accord Economique et Commercial Global (AECG – ou CETA en anglais) est un accord commercial dont le but est de dynamiser les échanges en supprimant les normes qui font obstacle au commerce entre l’Union Européenne et le Canada (par exemple dans le secteur de l’agriculture, en augmentant les quotas d’importation et par une convergence de normes).
Cet accord vise à stimuler les échanges de biens et de services ainsi que les flux d’investissement [1].

Les négociations ont débuté en mai 2009 et se sont achevées en septembre 2014. L’Union Européenne et le Canada ont signé l’accord le 30 octobre 2016 (après avoir obtenu l’accord de la Wallonie qui avait refusé initialement de signer), et cet accord a finalement été adopté le mercredi 15 février 2017 par le Parlement européen.

Ainsi, le CETA (« petit frère » du TAFTA : l’accord commercial transatlantique ou Trans- Atlantic Free Trade Agreement, projet d’accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis) pourrait s’appliquer provisoirement dès avril 2017, pour 95% de ses dispositions.

Néanmoins, l’adoption définitive requiert encore l’accord des divers parlements nationaux, dont un seul refus pourrait faire échec à son application provisoire.

1. Favoriser le commerce entre l’Union Européenne et le Canada.

D’abord, le CETA prévoit la limitation des barrières « non-tarifaires ». Cet accord entraînera de fait la suppression de 99% des tarifs douaniers sur la plupart des biens et services (sauf les tarifs douaniers liés aux services publics, audiovisuels, ou de transport), sous réserve néanmoins pour le Canada de respecter la réglementation de l’Union Européenne (principe de réciprocité).
Il permettra par ailleurs un assouplissement de la mobilité professionnelle, ainsi qu’une meilleure reconnaissance des diplômes et des certifications sur une large gamme de produits. Il sera donc beaucoup plus facile de fournir des prestations au Canada.
Surtout, le Canada ouvrira ses marchés publics aux Européens à hauteur de 30% – marchés déjà ouverts à 90% en Europe. Les fournisseurs européens de services (dans le secteur maritime, des télécommunications, de l’ingénierie, de l’environnement ou de la comptabilité) bénéficieront ainsi d’un accès au marché canadien.
Enfin, subsidiairement, le CETA permettra une protection renforcée des brevets de laboratoires pharmaceutiques européens au Canada, et plusieurs de ses dispositions vont permettre notamment de stimuler les investissements mutuels dans les services financiers, d’encourager la concurrence, et de libéraliser les échanges.

2. Certaines mesures contestées.

Certains parlent de « cheval de Troie de la libéralisation », en ce que le CETA va démanteler les règles qui permettent le protectionnisme, la préférence locale, et les règles qui prennent en compte les critères environnementaux.
Ainsi, le mécanisme le plus controversé est celui des tribunaux d’arbitrage. En effet, selon les opposants au CETA, un tel mécanisme permettrait à une multinationale investissant à l’étranger de porter plainte contre un Etat qui adopterait une politique publique contraire à ses intérêts, afin de demander réparation (par exemple une sortie du nucléaire, ou une politique anti-tabac). Partant, un tel mécanisme risquerait d’affaiblir les Etats signataires.
Toutefois, ce mécanisme a été remplacé par le système juridictionnel des investissements, qui a pour but de garantir un contrôle gouvernemental sur le choix des arbitres et d’améliorer la transparence.
Il s’agit d’un tribunal permanent composé de quinze juges professionnels nommés par l’Union Européenne et le Canada, dont les auditions seront publiques, permettant d’interjeter appel des décisions. Malgré cela, des ONG craignent encore que les juges désignés demeurent des avocats d’affaires, liés à des cabinets privés.

3. Une opportunité pour les cabinets d’avocats tournés vers l’international.

En définitive, dès le mois d’avril, le CETA (95% de ses dispositions) devrait augmenter les échanges commerciaux entre l’UE et le Canada de 25% et ainsi ouvrir des possibilités de prestations (mais pas seulement [2]), notamment par la suppression des droits de douane, l’ouverture des marchés publics, la reconnaissance mutuelle des diplômes, ou encore l’augmentation des importations en matière d’agriculture.

Dès lors, il sera nécessaire pour les commerçants désireux de s’ouvrir à l’international – et notamment dans une relation UE-Canada – d’obtenir les conseils juridiques inhérents à ces nouvelles prestations, afin de se conformer aux nouvelles dispositions du CETA, qu’il s’agisse de la rédaction de contrats commerciaux internationaux, de contrats de prestations de services, d’opérations d’investissements (croissance externe), ou encore de l’ouverture d’une société à vocation internationale.

De fait, les Cabinets d’avocats spécialisés dans les échanges internationaux ou des avocats à la fois inscrits à des barreaux français et étrangers (par exemple aux Barreaux de Paris et Québec) auront pour missions d’accompagner ces nouveaux échanges.

Arnaud Touati, Avocat Associé - ALTO AVOCATS et Harry Allouche, Avocat Associé - ALTO AVOCATS Barreaux de Paris et Québec.

[1Pour indication, en 2015, l’UE a importé pour 28,3 milliards d’euros de biens du Canada et y a exporté des biens d’une valeur de 35,2 milliards d’euros. Un chiffre qui devrait augmenter de plus de 20% une fois que l’accord sera pleinement mis en œuvre.

[2Les députés ont également donné leur consentement à la conclusion d’un Accord de Partenariat Stratégique (APS). Complétant le CETA, cet accord vise à renforcer la coopération bilatérale UE - Canada sur un large éventail de questions non commerciales (politique étrangère et de sécurité, lutte contre le terrorisme et contre la criminalité organisée, développement durable, recherche, culture).