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La Marque : un outil au secours des retards du marketing. Par Martine Bloch-Weill, CPI.
Parution : mercredi 15 mars 2017
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La Cour de Justice de l’Union européenne vient de rendre une intéressante décision relative aux conséquences de l’absence d’usage d’une marque de l’Union européenne (CJUE 2ième chambre, 21 décembre 2016-Aff C-654/15, M20160659).

Dans cette affaire, une société suédoise, Länsförsäkringar, exerçant son activité dans le domaine bancaire, avait déposé une marque figurative en Union européenne pour désigner notamment en classe 36 les affaires immobilières, les évaluations des biens immobiliers, la location d’appartement et en classe 37 les services de construction, de réparation, d’entretien et les services d’installation. Cette marque a été enregistrée le 4 janvier 2008.

La société Matek, spécialisée dans la fabrication et l’assemblage de maison en bois a déposé en 2009 une marque constituée d’un logo en classe 19 pour les matériaux de construction non métalliques, constructions transportables non métalliques…

Länsförsäkringar a intenté en Suède une action en contrefaçon à l’encontre de la société Matek, estimant que l’usage et l’enregistrement du logo portait atteinte à ses droits sur sa marque antérieure et demandait l’interdiction d’utiliser en Suède le logo litigieux.

Après des décisions contradictoires au fond, la Cour Suprême décide de sursoir à statuer et pose à la Cour de Justice de l’Union européenne des questions préjudicielles.

Elle souhaite savoir si, au cours de 5 premières années de l’enregistrement de la marque, le droit exclusif conféré par la marque à son titulaire est subordonné ou non, à la preuve d’un usage sérieux de la marque pour les produits et services considérés comme identiques ou similaires à ceux exploités par le tiers.

La Cour de Justice de l’Union européenne a ainsi mis en perspective

La Cour conclut que ces dispositions confèrent au titulaire « un délai de grâce pour entamer un usage sérieux de sa marque », au cours duquel il peut se prévaloir des droits exclusifs qu’il détient sur sa marque sans avoir à démontrer un quelconque usage.

La Cour rappelle donc clairement le texte et l’esprit du droit des marques :

D’un point de vue juridique, la marque est un monopole pour son titulaire, renouvelable indéfiniment.

Mais le législateur a su rester pragmatique et a pris en compte les contraintes de la vie des affaires et plus particulièrement celles du marketing.

Chacun connait en effet la difficulté de trouver un signe disponible pour baptiser un nouveau produit ou un nouveau service. En conséquence, le législateur a assorti ce monopole d’une obligation d’usage pour ne pas entraver la liberté du commerce en permettant à un acteur économique de s’approprier indéfiniment et en toute impunité des signes, privant ainsi la concurrence de certains choix.

Mais il a aussi pris en compte les réalités économiques des titulaires des droits et les difficultés et lenteurs liées à la mise en œuvre des projets marketing pour qu’ils aboutissent enfin. Il a ainsi considéré qu’un délai de 5 ans à compter de l’enregistrement d’une marque pouvait être nécessaire.

Il vous appartient donc de tirer tous les bénéfices de cette approche et de mettre à profit le droit des marques. En effet, même s’il existe une obligation d’usage de la marque, le marketing peut sereinement profiter d’un délai de grâce pour finaliser ses projets tout en s’assurant que le juridique pourra sécuriser le terrain et tenir à distance la concurrence pendant ce temps.

Martine BLOCH-WEILL Associée/Partner REGIMBEAU www.regimbeau.eu blochweill@regimbeau.eu