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La responsabilité de Twitter. Par Arnaud Dimeglio, Avocat, et Nakita Ly Tong Pao, Juriste.
Parution : jeudi 16 mars 2017
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Twitter est une plate-forme de réseau social, et de micro blogage permettant à ses utilisateurs d’être « suivis » par des abonnés. Avec plus de 550 millions d’utilisateurs, Twitter est devenu un outil majeur de communication.
Cependant, il peut permettre de porter atteinte à la réputation des personnes : diffamation, injure, usurpation d’identité, harcèlement, atteinte à la vie privée, aux données personnelles etc.

Quelle est la responsabilité de Twitter dans ces cas ? Une dizaine de décisions rendues par les tribunaux montrent qu’il est, d’une part, possible de demander à Twitter de communiquer les données permettant l’identification de ses utilisateurs, et d’autre part, de demander la suppression des messages litigieux.

La communication des données d’identification

Les messages litigieux sont souvent rédigés par des personnes anonymes. Afin d’agir contre ces dernières, il est donc nécessaire de pouvoir les identifier.
Il ressort des décisions rendues que la société Twitter est tenue de communiquer les données permettant l’identification de ses utilisateurs, et donc des auteurs des messages litigieux.
Pour cela, il est nécessaire d’obtenir une décision judiciaire. En effet, s’agissant de données personnelles, la société Twitter ne peut les communiquer sur simple demande.
Deux moyens peuvent être utilisés pour obtenir cette autorisation judiciaire : agir sur requête, ou en référé. Les fondements ne manquent pas. Il est possible d’utiliser soit le droit commun (article 145, 808 et 809 du Code de procédure civile), soit l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique (LCEN).
Concernant ce dernier fondement, il apparaît en effet que la société Twitter se présente comme un fournisseur d’hébergement, et qu’à ce titre, elle est tenue de détenir et de conserver les données d’identification prévue par le décret n°2011 – 219 du 25 février 2011.

Cette qualité d’hébergeur n’apparaît pas très explicite dans les décisions rendues mais ressort de manière implicite. Dans l’affaire du 24 janvier 2013, rendue en référé par le Président du Tribunal de Paris, il a été ordonné la condamnation de la société Twitter à installer un dispositif permettant à toute personne de porter à sa connaissance des contenus illicites. (Tribunal de grande instance de Paris, Ordonnance de référé du 24 janvier 2013, Affaire UEJF, MRAP, LICRA). Or cette obligation incombe, d’après l’article 6 de la LCEN, aux fournisseurs d’hébergement. Et en pratique, la société Twitter héberge les messages de ses utilisateurs. On peut donc en déduire qu’elle revêt la qualification de fournisseur d’hébergement.

La suppression des messages litigieux

Outre la communication des données, il est possible de demander à la société Twitter de supprimer des messages qui portent atteinte aux personnes, et à leur réputation notamment.
Si la suppression du message n’a pu être obtenue grâce à un signalement, ou une demande adressée à la société Twitter, il convient d’agir en justice.
Cette demande de suppression peut être obtenue soit par ordonnance rendue sur requête, soit à l’issue d’une action en référé, ou au fond. Précisons que s’agissant de la demande sur requête, certaines juridictions refusent de l’ordonner. Néanmoins en pratique, lorsque cette suppression est ordonnée, la société Twitter s’exécute, et il s’agit même d’une obligation de sa part, lorsque le message est manifestement illicite.
Concernant la demande de suppression, d’après les décisions rendues, les fondements invoqués peuvent être soit le droit commun (article 808 et 809 du CPC), soit l’article 6 de la LCEN, et en particulier l’article 6.I.8, lequel prévoit la possibilité d’agir sur requête, ou en référé.

Précisons que lorsque le demandeur invoque le caractère diffamatoire ou injurieux du message litigieux, l’assignation peut être annulée si les conditions de forme exigées par la loi du 29 juillet 1881 relatives à la liberté de la presse ne sont pas respectées (Tribunal de grande instance de Paris, Ordonnance de référé du 12 mars 2012, Affaire la Lyonnaise des Eaux).

Certaines juridictions se montrent néanmoins parfois plus clémentes, moins sévères, et quoi que qualifiés d’injurieux, des messages ont pu être supprimés sur le simple fondement de l’article 809 du Code de procédure civile (Tribunal de grande instance de Paris, Ordonnance de référé du 31 juillet 2015, Affaire LEOO).

Reste à savoir à l’égard de quelle société Twitter, il convient d’agir : Twitter Inc. basée à San Francisco, Twitter International compagnie située en Irlande, ou Twitter France ?
Il ressort des dernières décisions rendues, que seule la société Twitter Irlande apparaît désormais responsable (Tribunal de grande instance de Paris, Ordonnance de référé du 31 juillet 2015, Affaire LEOO). La responsabilité de la société Twitter France est généralement écartée en référé mais aucune décision ayant été rendue au fond, rien n’exclut qu’elle puisse être engagée.

Arnaud DIMEGLIO, Avocat spécialiste en droit des nouvelles technologies, droit de l’informatique et de la communication Nakita LY TONG PAO, Juriste http://dimeglio-avocat.com/