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Arrêt de l’exécution provisoire, les nouvelles exigences relatives à son application. Par Florian Desbos et Sandra Marques, Avocats.
Parution : mardi 21 mars 2017
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Jusqu’à présent, la juridiction du premier président de la cour d’appel de Lyon se contentait, pour ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire, d’une démonstration par le débiteur de l’incapacité pour le créancier de restituer les sommes versées en cas de réformation du jugement de première instance.
Or, dans l’ordonnance commentée, le premier président va plus loin et exige la démonstration de conséquences manifestement excessive pour le débiteur autre que le simple risque de non remboursement.

Cette décision, incontestable en fait et en droit, apparaît particulièrement intéressante d’un point de vue pratique.

Par ordonnance de référé du 9 janvier 2017 (RG 16/00198), la juridiction du premier président de la cour d’appel de Lyon a précisé les conditions devant être satisfaites par le demandeur à l’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée en application de l’article 524 2° du Code de procédure civile. Désormais il y a l’exigence d’une démonstration de l’existence de conséquences manifestement excessives en cas de non restitution des sommes.

Pour rappel, ledit article dispose que :
« Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président statuant en référé et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522 »
.

Cet article a pour objet d’éviter que l’exécution provisoire ordonnée par un juge puisse être trop facilement suspendu en restreignant les conditions de la suspension.

Jusqu’à présent, la juridiction du premier président se contentait, pour ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire, d’une démonstration par le débiteur de l’incapacité pour le créancier de restituer les sommes versées en cas de réformation du jugement de première instance.
Elle partait donc du principe que le potentiel non remboursement constituait en soi une conséquence manifestement excessive pour le demandeur à l’arrêt de l’exécution provisoire.

Or, un tel raisonnement était erroné s’agissant de débiteurs institutionnels et notamment d’établissements bancaires.
En effet, la non-restitution d’une somme d’argent, même de plusieurs milliers d’euros, n’est bien évidemment pas susceptible de mettre en péril la santé financière d’un établissement bancaire.

L’exigence de la démonstration de conséquences manifestement excessives n’était donc, en pratique, pas respectée.

Aussi, l’ordonnance rendue le 9 janvier 2017 par la juridiction du premier président de la cour d’appel de Lyon doit être saluée (RG 16/00198).

Par cette décision, la condition consistant en la démonstration de conséquences manifestement excessives résultant de l’article 524 du Code de procédure civile est enfin pleinement appliquée.

Cette décision est motivée comme il suit :

« Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 524 du Code de procédure civile, le premier président peut arrêter l’exécution provisoire ordonnée par le juge lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, il peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 521 du même code ;

(…)

Les conséquences s’apprécient uniquement en considération des facultés de paiement du débiteur, hypothèse non concernée en l’espèce, ou des facultés de remboursement du créancier.

Au cas particulier, les pièces produites par Madame X démontrent qu’elle bénéficie de ressources et supporte des charges qui ne permettent pas de conclure à un risque patent de non restitution des sommes allouées en cas d’infirmation du jugement dont appel ;

(…)

Quoiqu’il en soit, la Caisse régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que la non restitution alléguée de la somme principale de 31.291,96 € risquerait d’entraîner pour elle des conséquences manifestement excessives ;

Il n’y a donc pas lieu d’ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire qui assortit le jugement frappé d’appel ».

Pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire, le débiteur doit donc démontrer deux choses.

Premièrement, il doit rapporter la preuve que la situation financière du créancier est critique de sorte qu’il existe un véritable risque de non-restitution des sommes en cas d’infirmation du jugement de première instance.
En second lieu, et c’est ici une nouveauté devant la cour d’appel de Lyon, il est exigé du débiteur qu’il démontre que ce non-remboursement aurait pour lui des conséquences manifestement excessives.
Aussi, il apparaît qu’un risque de non-remboursement n’est pas en soi une conséquence manifestement excessive pour le débiteur.

Par conséquent, en présence d’un débiteur dont la situation financière est particulièrement solide tel qu’un établissement bancaire, la seconde condition sera difficilement remplie.

S’agissant du cas d’espèce, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire avait été condamnée en première instance à verser à l’emprunteur la somme de 31.291,96 euros.

Un éventuel non-remboursement de cette somme en cas d’infirmation du jugement ne mettra bien évidemment pas en péril la situation financière de l’établissement bancaire.

La décision de la juridiction du premier président de la cour d’appel de Lyon rejetant la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est donc parfaitement justifiée en fait et en droit.

Florian Desbos et Sandra Marques SCP Desbos Barou Avocats au Barreau de Lyon www.avocats-desbosbarou.fr