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Requalification des 200 CDDU d’un monteur, intermittent du spectacle de Canal Plus en CDI et licenciement sans cause. Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : vendredi 17 mars 2017
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Monsieur X a été engagé entre le 1 avril 2000 et le 8 mars 2015 en qualité de monteur par le biais de plus de 200 contrats à durée déterminée d’usage, entrecoupés de périodes intercalaires, par la société TPS Sport, puis à compter de novembre 2007 par la société Canal Plus, venue aux droits de cette société, laquelle est devenue par la suite la SA Société d’Edition de Canal Plus.

(CA Versailles 25 janvier 2017)

La relation de travail est soumise à la convention collective d’entreprise Canal Plus.

Le 23 septembre 2014, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section activités diverses) pour obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée depuis le 1er avril 2000 ainsi que la condamnation de la Société d’Edition de Canal Plus à lui verser diverses sommes.
Par courrier en date du même jour, Monsieur X a annoncé qu’il saisissait la juridiction prud’homale à cette fin.

Au terme du dernier contrat de travail intervenu le 8 mars 2015, la Société d’Edition de Canal Plus employait habituellement au moins onze salariés.

Par jugement du 10 mars 2015, auquel il y a lieu de se reporter pour l’exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties, le conseil de prud’hommes a débouté l’intermittent du spectacle de l’ensemble de ses demandes.

1) Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée :

Monsieur X soutient que l’ensemble des contrats à durée déterminée d’usage conclus avec ses employeurs successifs doit être requalifié en un contrat à durée indéterminée depuis le 1er avril 2000, aux motifs que ces nombreux contrats avaient pour objet de pourvoir pendant près de 15 années un emploi de monteur lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, répondant à un besoin structurel de celle-ci, et qui n’avait donc aucun caractère temporaire.

La Société d’Edition de Canal Plus soutient que son activité dans le secteur audiovisuel fait partie de celles pour lesquelles la loi autorise expressément le recours aux contrats à durée déterminée d’usage et qu’il est d’usage constant dans ce secteur de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l’emploi de monteur comme mentionné dans l’accord national professionnel interbranche du 12 octobre 1998 ou les conventions collectives du secteur de l’audiovisuel ; que la signature d’accords collectifs par les partenaires sociaux qui ont une connaissance exacte et précise des emplois concernés doit être regardée comme une raison objective au sens de la clause 5 de l’accord cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 mis en œuvre par la directive n°1999/70 du 28 juin 1999.

En l’espèce, il n’est pas contesté que les sociétés employeuses ont une activité dans le secteur de l’audiovisuel qui relève des dispositions des articles L.1242-2 et D.1242-1 mentionnés ci-dessus et que l’accord national professionnel interbranche du 12 octobre 1998 ayant fait l’objet d’un arrêté ministériel d’extension du 15 janvier 1999 permet le recours aux contrats à durée déterminée d’usage pour les fonctions de monteur exercées par Monsieur X.

Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des plus de 200 contrats à durée déterminée d’usage conclus entre les parties ainsi que des fiches de paie de Monsieur X, que ce dernier a été employé en qualité de monteur de façon régulière entre le 1er avril 2000 et le 8 mars 2015, à hauteur d’environ 965 jours de travail sur cette période, entrecoupés de périodes intercalaires ; que son travail consistait à participer au montage d’émissions d’information sportive diffusées quotidiennement sur la chaîne de télévision TPS Sport puis sur une chaîne du groupe Canal Plus ; que dans ces conditions, l’ensemble des contrats en cause avait bien pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et la société ne justifie pas de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de monteur en litige.

En conséquence, Monsieur X est fondé à demander la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2000, date de son engagement par le biais d’un contrat irrégulier ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu’il déboute Monsieur X de sa demande de requalification.

2) Sur le rappel de treizième mois pour les années 2009 à 2014 :

Eu égard à la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, Monsieur X a droit au paiement du treizième mois en application de la convention collective d’entreprise ; que la Société d’Edition de Canal Plus ne s’oppose pas à ce que la demande à ce titre porte sur les années 2009 à 2014 ; qu’en l’absence de droit à rappel de salaire sur les périodes intercalaires mentionnées ci-dessus, eu égard à la moyenne de salaire sur la dernière année de travail qui s’élève à 1 316,11 euros brut, hors 13ème mois, selon les pièces versées aux débats, il convient d’allouer à Monsieur X une somme de 6 580,55 euros à titre de rappel de salaire, ainsi que l’admet l’employeur.

3) Sur l’indemnité de requalification :

Il y a lieu d’allouer à Monsieur X une somme de 1 500 euros à ce titre.

4) Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Lorsqu’un contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée, en cas de rupture des relations contractuelles à l’initiative de l’employeur, les règles applicables au licenciement doivent être respectées ; qu’en l’espèce, la relation de travail entre les parties a cessé au terme du dernier contrat, sans qu’une procédure de rupture n’ait été engagée et notamment sans qu’une lettre de licenciement ne lui soit adressée ; qu’en conséquence, la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au salarié aux indemnités de rupture ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.

Considérant en conséquence, que sur l’indemnité compensatrice de préavis, eu égard au préavis de deux mois auquel il avait droit, Monsieur X est fondé à réclamer la somme de 2 838 euros à ce titre, outre la somme 283,80 euros au titre des congés payés afférents ainsi que la somme de 236,50 euros au titre du 13 mois afférent.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement, il y a lieu d’allouer à Monsieur X une somme de 6 345,70 euros.

Il convient de lui allouer une somme de 17 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause.

En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, la cour d’appel ordonner d’office le remboursement par la société Canal + à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Le salarié, monteur, intermittent du spectacle de Canal + a été débouté de sa demande de rappel de salaire pendant les périodes intercalaires et de nullité de la rupture.

Au total, le salarié, monteur, intermittent du spectacle obtient 37.782 euros bruts.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum
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