Village de la Justice www.village-justice.com

Droit des sociétés : délégation de pouvoir et mandat de dirigeant, compatibilité ? Par Bertille Ghandour, Docteur en droit.
Parution : mercredi 26 avril 2017
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Droit-des-societes-delegation-pouvoir-mandat-dirigeant-compatibilite,24832.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Note sous CA, Paris, 23 sept. 2016
Poursuivi en responsabilité pour insuffisance d’actif, un dirigeant de SAS dénie sa qualité de dirigeant en arguant qu’il s’agissait d’une simple délégation de pouvoir. Or, les juges du fond retiennent l’existence d’un mandat de dirigeant qui était alors tacite. Pourtant, de prime abord, ces mécanismes apparaissent différents par leur objet, l’un étant limité et l’autre, au contraire, général. Néanmoins, la cour d’appel de Paris n’y voit là aucune incompatibilité en droit des sociétés.

CA Paris (pôle 5, chambre 8), 23 sept. 2016, n° 15/14118, SAS Omega Industries c/ C. ; P.
Mots-clés : Dirigeant SAS – acceptation (tacite) du mandat social – effet de la délégation de pouvoir (compatibilité) – responsabilité patrimoniale (non).

La Cour :
« (...)
- Sur la qualité de dirigeant de M. P.
M. P. conteste avoir été investi d’un mandat social et la pertinence du procès verbal de l’assemblée générale du 17 février 2010 le désignant, hors sa présence et hors son consentement, soutenant que son inscription sur l’extrait Kbis est frauduleuse, qu’il n’a bénéficié que d’une délégation de pouvoir de gestion des ressources humaines en date du 17 février 2010, insuffisante à lui conférer la qualité de directeur général, qu’en tout état de cause, il a toujours été exclu du pouvoir d’engager financièrement la société.
Cependant, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, le mandat de directeur général de M. P. résulte de sa nomination par l’assemblée générale de Oméga Industries, le 17 février 2010, en qualité de « directeur général adjoint », et d’un procès verbal rectificatif de l’assemblée générale du 18 juin 2010 mentionnant sa désignation en qualité de « directeur général », disposant des mêmes prérogatives que le président en terme de direction opérationnelle de la société, de gestion du personnel, d’engagement de gestion, de conclusions de contrats commerciaux, cette désignation et les pouvoirs conférés étant conformes aux dispositions de l’article L 227-6 du code du commerce et de l’article 15 des statuts de Oméga Industries.
M. P. oppose vainement à cette désignation la délégation du pouvoir que lui a consenti le président le 17 février 2010, cette délégation de responsabilité en matière de gestion du personnel, à la supposer redondante, n’étant aucunement exclusive d’un mandat de directeur général.
En outre, la convention de prestations de services qu’il a signée avec Oméga Industries le 11 octobre 2009 et qui a été approuvée par l’assemblée générale de cette dernière, stipule que Wind Consulting, société unipersonnelle, représentée par M. P., assurera la direction générale de Oméga Industries à compter du 1er septembre 2009 en se conformant à la politique mise en place par les associés, moyennant une redevance de 10.000 euros HT par mois. Cette convention a manifestement été régularisée afin de lui permettre de percevoir une rémunération au titre de son mandat social de directeur général et non pour assurer uniquement la charge des ressources humaines, la date de cette convention correspondant d’ailleurs à sa présentation en qualité de directeur général lors de la réunion de la délégation unique du comité d’entreprise de Oméga Industries, à laquelle il assistait, le 16 octobre 2009.
Il est également versé au débat un mail du 24 juin 2010 sous sa signature accompagnée de la mention « Managing Director ».
Ces éléments confirment que M. P. avait bien accepté le mandat de directeur général de Oméga Industries.
La contestation des pouvoirs dont il a réellement pu disposer pour exercer son mandat, relève du débat sur la responsabilité au titre des fautes de gestion alléguées (...) »

Note :
Quand mandat et délégation de pouvoir se rencontrent... Tantôt assimilables (B. MALLET-BRICOUT, La substitution de mandataire, préf. C. LARROUMET, éd. Panthéon-Assas, coll. Droit privé, 2000, spéc. n° 4), tantôt opposés (F. MARMOZ, La délégation de pouvoir, préf. Y. REINHARD, Litec, Bibl. de droit de l’entreprise, t. 43, 2000) ou, du moins, différenciés (H. MOUBSIT, La représentation en droit des sociétés, L’Harmattan, Logiques juridiques, 2013, spéc. p. 311 et suiv.), ils seraient en réalité compatibles (N. FERRIER, La délégation de pouvoir, technique d’organisation de l’entreprise, préf. P. PÉTEL, Litec, Bibl. droit de l’entreprise, t. 68, 2005, spéc. n° 63). Tel est l’enseignement appliqué au droit des sociétés tiré de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 septembre 2016 (CA Paris, pole 5, ch. 8, n° 15/14118).
Dès son institution (Loi n° 94-1, 3 janv. 1994), la société par actions simplifiée (SAS) a fait l’objet d’un engouement en raison de sa liberté statutaire (par comparaison à la société anonyme (SA), C. com., art. L. 225-1 et suiv.), notamment dans la répartition de ses pouvoirs de direction. En effet, à son égard, la loi impose seulement qu’elle soit représentée vis-à-vis des tiers par un président. Elle ne fait toutefois pas obstacle à ce que les statuts prévoient qu’une autre personne exerce aussi le pouvoir de direction de l’entreprise sous le titre de directeur général (C. com., art. L. 227-6, al. 1 et 3).

En l’espèce, M. C. est désigné président de la SAS Oméga Industries le 10 septembre 2007. Quelques années plus tard, le 11 octobre 2009, est signée une convention de prestations de services qui stipule que la société Wind Consulting, société unipersonnelle dont M. P. est le représentant, assurera la direction générale d’Oméga Industries à compter du 1er septembre 2009 contre une redevance mensuelle.
Le 25 mai 2011, la SAS est placée en liquidation judiciaire. Le liquidateur assigne alors en justice M. C. et M. P. afin qu’ils soient condamnés à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif (C. com., art. L. 653-1 et suiv.). Par un jugement en date du 9 juin 2015, le tribunal de commerce de Bobigny relève que M. P. a accepté le mandat de directeur général de la SAS Oméga Industries, mais dit qu’il n’y a lieu à prononcer une telle sanction à l’encontre de M. C et M. P, ce dont le liquidateur relève appel. En dehors de M. C. dont la situation ne fait pas de doute, M. P. conteste la qualité de directeur général en ce qu’il aurait seulement bénéficié d’une délégation de pouvoir.
C’est une question curieuse qui se pose à la Cour de cassation, tant il n’est pas habituel de tenter d’échapper à la reconnaissance de la qualité de dirigeant en droit des sociétés. En témoigne, les textes n’apportent pas de particulières précisions sur le processus pour devenir dirigeant de société. Ce sont donc les juges qui doivent venir apprécier la réalité des faits. En l’occurrence, il s’agissait alors de savoir si, dans la répartition des pouvoirs d’une SAS, voire, de manière générale, d’une société, la délégation de pouvoir constitue un obstacle à conférer la qualité de dirigeant social ?
Après avoir confirmé le jugement rendu en première instance sur l’existence du mandat social à l à l’encontre de M. P. (I), la cour d’appel de Paris répond par la négative : la délégation de pouvoir n’est pas exclusive de la reconnaissance de la qualité de dirigeant (II).

I. L’acceptation du mandat social

La représentation en droit des sociétés s’analyse d’une manière générale comme un contrat de mandat (H. MOUBSIT, précit., spéc. p. 12). Selon le droit commun, il s’agit d’« un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom », étant précisé que « le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire » (C. civ., art. 1984). C’est donc un paramètre essentiel du contrat de mandat. Pourtant, la question ne semble pas envisagée en droit des sociétés (A), nécessitant de recourir aux règles du droit commun pour y répondre (B).

A) Une question absente du droit des sociétés

Dans la SAS, la répartition du pouvoir de direction relève de la liberté statutaire (C. com., art. L. 227-5 : « Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée. » ; sur le sujet, not. J. HONORAT, La SAS ou la résurgence de l’élément contractuel en droit français des sociétés, Petites Affiches, 19 août 1996, p. 4 ; J. PAILLUSSEAU, La nouvelle société par actions simplifiée, Le big-bang du droit des sociétés !, D., 1999, p. 333). Culturellement, en France (avis, Ass. Nat., projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, 30 mars 2000, spéc. p. 21), la fonction de dirigeant est surtout conçue comme honorifique. C’est une qualité qui est recherchée - plutôt qu’évitée -, donnée à une personne de confiance, souvent un associé de la société, rarement à un tiers alors que la loi n’y fait pas obstacle (C. com., art. L. 227-6, al. 1er). Par conséquent, la question de savoir si le mandataire a bien accepté le mandat social qui lui est conféré dans le cadre du droit des sociétés apparaît de prime abord saugrenue, rarement envisagée, tant en pratique que par les textes. Le Code de commerce utilise les termes « choisi », « nommé » (SARL, art. L. 223-18), « élu » (SA, art. L. 225-47), « désigné » (SNC, art. L. 221-3), « désigné » (SAS, art. L. 227-6, al. 1er), etc. Il n’est aucunement fait référence à l’acceptation du dirigeant des fonctions qui lui sont octroyées. Pourtant, l’arrêt place cette question en son cœur.

B) Une réponse apportée par le droit commun

En l’espèce, M. P. argue de l’absence d’acceptation à sa désignation en tant que directeur général de la SAS Oméga Industries. L’enjeu de cette défense est en fait d’échapper à une action en comblement de passif exercée contre les dirigeants de la société placée en liquidation judiciaire (C. com., art. L. 651-2). Pour que lui soit déniée cette qualité, il réfute l’existence du mandat social ou, plus précisément, l’acceptation qu’il aurait pu en donner. Il rapporte alors que l’assemblée générale des associés d’Oméga Industries ayant abouti à sa désignation s’est tenue hors sa présence et, donc, sans son consentement. En pratique, l’acceptation du mandat résulte d’une candidature déposée préalablement que le vote des associés valide. Ici, les faits n’en font pas mention. De plus, le procès-verbal de l’assemblée générale indique seulement le titre de directeur général et le domaine de gestion confié. L’acceptation de M. P. ne semble nullement reprise. Pourtant, la cour d’appel de Paris déboute M. P. et confirme le jugement rendu en première instance : il a bien accepté le mandat qui lui était confié. Selon les juges du fond, l’acceptation a eu lieu par le truchement de la convention de prestation de service signée avec la personne morale Wind Consulting, société unipersonnelle dont M. P. était l’unique représentant ; élément factuel que la présentation en tant que directeur général au comité d’entreprise d’Oméga Industries et la signature d’un mail comme « Managing Director » renforcent. C’est donc relever une acceptation tacite du mandat social. Sur ce point, le droit des sociétés - aussi bien le droit des sociétés commerciales que le droit commun des sociétés issu du Code civil - est muet. Il faut alors se tourner vers le droit commun des contrats qui dispose que : « l’acceptation du mandat peut n’être que tacite et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire » (art. 1985, al. 2). La réforme du droit des obligations, en faisant désormais expressément référence au comportement comme forme de manifestation de la volonté, (ord. n° 2016-131, 10 fév. 2016 ; C. civ., art. 1113 nouveau) le confirme. La jurisprudence avait déjà pu accorder une telle valeur à l’acceptation tacite (à propos d’une convention de prestations de services, Cass. com., 15 janv. 2013, n° 11-27.238 ; inédit ; Procédures, 2013, n° 3, p. 13, note R. PERROT). Elle s’appuyait sur le principe général du consensualisme. De la même manière, l’arrêt étudié retient l’acceptation tacite du mandat social en droit des sociétés (sur la question, mais pour la délégation de pouvoir, B. HATOUX, « Représentation de la société par actions simplifiée ou de la loi au mandat tacite », in mél. P. BISSARA, ANSA, 2013, pp. 209-215, spéc. p. 214) et, concrètement, le titre de dirigeant de M. P. Par conséquent, les autres griefs tenant à l’inexactitude du procès-verbal initial (par la suite rectifié), l’inscription frauduleuse sur l’extrait Kbis (la publicité purge en principe des vices de désignation et son absence ne permet pas en tout état de cause d’échapper à une action en comblement de passif, Cass. com., 8 juill. 2003, n° 00-18.250 ; inédit ; JCP E, 2004, n° 6, p. 225, note M. CABRILLAC et P. PÉTEL), l’absence de rémunération prévue (mais l’existence de prestations refacturées à la personne morale) ou, encore, l’impossibilité d’engager financièrement la société (mais bénéficiant d’autres pouvoirs dans la gestion de la société) ne remettent pas en cause la validité du mandat. Dès lors qu’il a été donné conformément à la loi, soit, pour la SAS (C. com., art. L. 227-6), selon les dispositions statutaires (ce qui est le cas ici par référence à l’article 15 des statuts d’Oméga Industries), l’acceptation, même tacite, de M. P., lui confère la qualité de dirigeant de droit de la SAS. C’est donc par un autre argument qu’il tente de combattre la reconnaissance de son mandat.

II. La répartition des pouvoirs au sein de la société par actions simplifiée

La SAS présente l’intérêt d’une grande liberté statutaire dans son organisation et, particulièrement, pour la répartition des pouvoirs. Si la loi n’impose que la désignation d’un président (C. com., art. L. 227-6, al. 1er), elle offre la possibilité de nommer, à ses côtés, un ou plusieurs directeurs, général ou général délégué. L’objectif est de répartir entre plusieurs mains les pouvoirs afin qu’ils puissent être effectivement mis en œuvre. La jurisprudence va jusqu’à sanctionner le défaut de délégation de pouvoir lorsque le dirigeant ne pouvait raisonnablement assurer la gestion effective de l’ensemble des domaines de compétences (Cass. crim., 4 oct. 1978, n° 78-90.066 ; Bull. crim., n° 257 ; Cass. crim., 1er oct. 1991, n° 90-85.024 ; inédit ; Option finance, 2009, n° 1022, p. 38, note R. BLAIN et P. JEAN). Mais alors, se pose la question de la rencontre des deux mécanismes, la délégation de pouvoir et le mandat d’intérêt général (A), qui, vis-à-vis des tiers, doit être relativisée (B).

A) La compatibilité de la délégation de pouvoir et du mandat social

M. P. conteste sa qualité de directeur général de la société Oméga Industries en ce qu’il aurait seulement bénéficié de la part du président de la SAS d’une délégation de pouvoir dans le domaine des ressources humaines, ce qui aurait été insuffisant à lui conférer une telle qualité. Mais c’est ici que l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 septembre 2016 présente son principal intérêt en affirmant explicitement que : « cette délégation de responsabilité en matière de gestion du personnel, à la supposer redondante, n’étant aucunement exclusive d’un mandat de directeur général ». En d’autres termes, l’existence d’une délégation de pouvoir ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’un mandat social ; tout au plus, elle est redondante. Sans entrer dans la discussion sur la confusion des deux mécanismes (la délégation serait un mandat spécial, S. ASENCIO, Le dirigeant de sociétés, un mandataire spécial d’intérêt commun, Rev. Sociétés, 2000, n° 4, p. 688) ou leur différenciation (F. MARMOZ, précité, spéc. n° 216 et suiv. ; au moins d’un point de vue structurel, H. MOUBSIT, précité, spéc. p. 311 et suiv.), c’est consacrer leur compatibilité, ce qui pouvait jusqu’à présent poser une difficulté puisque la délégation de pouvoir ayant, par définition, un champ limité, contrairement au mandat (la délégation de pouvoir trop générale doit être considérée comme inexistante, A. LARCENA, A. ELINEAU, Pratique des délégations de pouvoirs règles et évolutions récente de cet outil de répartition des pouvoirs et responsabilités, Dr. sociétés, 2012, n° 2, étude 4) et aucun arrêt n’avait encore, à notre connaissance, tranché ce point. Ici, et sans exclure la délégation de pouvoir, c’est bien le mandat de dirigeant qui est retenu contre M. P. dans la recherche de responsabilité pour insuffisance d’actif. L’argument tenant à l’impossibilité d’engager financièrement la société est par ailleurs inefficace. En effet, d’une part, le mandat peut ne concerner qu’une partie des pouvoirs de gestion, comme cela est prévu en l’espèce par le procès-verbal de l’assemblée générale (dispose « des mêmes prérogatives (...) en terme de direction opérationnelle de la société, de gestion du personnel, d’engagement de gestion, de conclusions de contrats commerciaux »). Cela relève de la liberté statutaire de la SAS. D’autre part, la cour d’appel considère que la détermination des pouvoirs exacts de M. P. « relève du débat sur la responsabilité au titre des fautes de gestion alléguées ». Il faut effectivement rappeler à ce sujet que l’action en comblement de passif (C. com., art. L. 651-2, al. 1er) vise tant les dirigeants de droit que de fait. Par conséquent, l’absence de pouvoir sur la gestion financière de la société appelle à être vérifié in concreto et, dans le cadre de la SAS, n’aurait en état de cause effet qu’au plan interne.

B) L’indifférence des limitations de pouvoirs dans la responsabilité externe

Si M. P. est reconnu dirigeant de la société, sa responsabilité peut être recherchée pour insuffisance d’actif dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS. C’est ce qui explique la défense de M. P. déniant sa qualité de dirigeant. Mais un autre argument aurait pu être soulevé sans être davantage efficace : il ne bénéficiait que d’un pouvoir limité dans le domaine de la gestion du personnel, à tout le moins, il ne disposait pas du pouvoir d’engager la société financièrement. Or, il faut rappeler ici une solution acquise qui tient à l’inopposabilité des limitations statutaires dans la répartition interne des pouvoirs au sein de la société vis-à-vis des tiers (C. com., art. L. 227-6, in fine ; par exemple, pour le directeur général agissant sans autorisation, Cass. com. 9 juill. 2013, n° 12-22.627 ; Bull., IV, n° 125 ; Bull. Joly Sociétés, 2013, n° 10, p.641, note N. FERRIER). La source conventionnelle de son pouvoir est, sur ce plan, indifférente. Le directeur général est, de ce point de vue, comparable au président de la SAS et dispose des « pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société » (C. com., art. L. 227-6, al. 1er). Il faut dire que l’ancien texte ne faisait mention que de la désignation du président et la jurisprudence avait pu retenir, par une interprétation littérale, que seul le président disposait du pouvoir, par exemple, de procéder à la déclaration de créances dans le cadre d’une procédure collective et, cela, de manière exclusive (Cass. com., 2 juill. 2002, n° 98-23.324 ; Bull., IV, n° 112 ; D., 2002, p. 2263, note A. LIENHARD). C’était alors priver la liberté statutaire de ses effets. Cette décision a provoqué l’intervention du législateur (Loi de sécurité financière, n° 2003-706, 1er août 2003, art. 118) qui a inséré un alinéa nouveau pour prévoir le rôle du directeur général (introduit entre le 2è et 3è alinéa de l’ancien art. L. 227-6). Il n’y a donc pas à différencier à l’égard des tiers la source du pouvoir de direction. Pour notre espèce, la pluralité des dirigeants et la répartition des pouvoirs telle qu’elle était orchestrée aurait donc été une défense vaine et d’autant plus que les statuts stipulaient expressément que le directeur général disposait des mêmes prérogatives que le président (art. 15 de statuts de la société). Mais, contre toute attente, le dénouement de l’affaire s’avère sauf pour M. P. : malgré la reconnaissance de son titre de directeur général, la cour d’appel ne retiendra aucune faute de gestion dans l’insuffisance d’actif de la société Oméga Industries.

Bertille Ghandour, Docteur en Droit, Enseignante vacataire